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Grève du nettoyage au technicentre SNCF de Hellemmes (Lille) : Jour 5 - Déjà une semaine de grève !

23 juillet 2022 Article Entreprises

4h30

Nous sommes déjà vendredi, et les huit travailleurs d’Elior en bagarre contre leur direction pour des embauches et le treizième mois sont en grève depuis lundi. Cela fait une semaine que les patrons, peu habitués à ce qu’on leur tienne tête, font tout pour étouffer cette lutte et l’empêcher de s’étendre sur le site. Avoir tenu bon face aux intimidations et aux entourloupes des chefs, en restant soudés quoiqu’il arrive, c’est ça la force des grévistes, et c’est déjà en soi une victoire. En face de l’entrée, un hérisson traverse la route et passe la barrière du site, ce qui suscite des plaisanteries : « Vous croyez qu’il a été appelé pour nous remplacer ? En tout cas il a oublié de mettre son gilet ! ». Sur le piquet, les grévistes se donnent du courage en prenant exemple sur les récentes grèves victorieuses d’autres travailleurs du nettoyage, comme les quatorze semaines de grève des salariés de Laser à Marseille. On échange aussi sur d’autres questions tout aussi politiques, comme celle des tâches de ménage à la maison, trop souvent faites par les femmes : « Dans ma famille, ça se passe bien, les tâches sont partagées, mais ce n’est pas partout pareil », confie une gréviste. Sur ce terrain comme celui de l’exploitation salariale, chacun mesure qu’il y a encore beaucoup de pain sur la planche !

Les patrons s’organisent, mais les travailleurs aussi !

9h

Comme tous les jours, c’est l’heure de se réunir en comité de grève. En face, les patrons sont organisés et se coordonnent entre sous-traitant (Elior) et client (SNCF) pour affaiblir les grévistes et les isoler. Nettoyer le site, les patrons feignants ne savent pas le faire, mais ils sont experts pour mettre des bâtons dans les roues des travailleurs, surtout quand ces derniers contestent les ordres ! La SNCF a montré tout son mépris en ne répondant pas à l’inspecteur du travail qui l’a contactée pour souligner sa responsabilité dans la grève. Pourtant, c’est bien la SNCF qui a accepté qu’Elior, sans doute le moins coûteux des sous-traitants qui ont répondu à son récent appel d’offres, fasse subir aux salariés une aggravation de leurs conditions de travail !

Mais en face, les grévistes sont également très organisés. Depuis quelques jours, la direction d’Elior se montre un peu moins arrogante et commence à lâcher des trucs. Mais comment obtenir l’ensemble des revendications ? Et si on a su tenir une semaine, comment étendre le mouvement ? Une page Facebook a été créée pour s’adresser aux autres travailleurs du nettoyage, d’Elior comme d’autres boîtes. Car la stratégie agressive d’Elior, qui détruit les conditions de travail et fait stagner les salaires pour verser des dividendes aux actionnaires en 2023-2024, concerne en réalité les 22.000 salariés que la boîte compte en France.

Elior : une stratégie agressive de captation des marchés

Depuis quelques années, et en particulier avec les retombées de la pandémie sur les activités de l’entreprise, le groupe Elior cherche à diminuer le coût du travail. L’entreprise n’a pas versé de dividendes à ses actionnaires l’année dernière ? Pour les patrons, c’est aux travailleurs de payer la mauvaise santé financière du groupe (toute relative à en juger les bénéfices et les aides d’Etat). Comme la masse salariale dans le nettoyage industriel est le secteur qui leur coûte le plus cher (Elior intervient aussi dans la restauration en hôpital, en entreprise et en établissement scolaire), Elior cherche à diminuer drastiquement ses effectifs. Mais la raison principale de ces attaques contre les travailleurs d’Elior est que l’entreprise cherche à garder ses contrats et à en arracher d’autres, donc à se rendre la plus attractive possible pour des clients comme la SNCF. La sous-traitance, c’est la concurrence permanente pour obtenir des marchés, et les travailleurs d’Elior sont loin d’être les seuls à en payer le prix ! Les retombées de ces choix patronaux sur les salariés sont la surcharge de travail, les accidents et la stagnation des salaires. Pile les raisons qui ont conduit les travailleurs du nettoyage du site de Hellemmes à refuser de continuer de travailler dans les conditions imposées par la direction.

Les grévistes refusent de signer le protocole de fin de conflit, ils veulent étendre leur lutte

11h

En fin de matinée, au moment où le comité de grève a fini sa réunion, le chef, qu’on n’a pas vu depuis mercredi, se pointe sur le piquet, s’apprêtant à voir les grévistes accepter la reprise du travail pour lundi. Mais il tombe (encore) sur un os : les grévistes ont lu sa proposition (écrite) de protocole de fin de conflit, et la refusent net. Il faut dire que les engagements du directeur régional de la boîte sont bien floues. Si le document promet des « embauches complémentaires », il ne précise pas combien d’embauches il y aura, là où les grévistes, qui savent mieux que leur direction de quoi ils ont besoin, en réclament dix. Quant aux revendications salariales, la direction leur oppose un refus, expliquant que le treizième mois se discute « au niveau entreprise ». « Ce n’est pas ce qu’on a demandé ! » , « Il n’y a rien de concret dans votre document ! » assènent les grévistes. Ils lui disent de s’adapter et qu’il n’a qu’à proposer des primes mensuelles à la place de la prime annuelle du treizième mois. Le chef, acculé et tout rouge, répond : « Mais vous n’allez pas rajouter une revendication tous les quatre matins ? ». On sent bien, à son ton, qu’il commence à perdre patience. Mais ce n’est pas le problème des grévistes qui s’en tiennent à leurs revendications de départ : il n’a qu’à appliquer ce qu’on lui demande !

11h45

C’est le moment pour les travailleurs d’Elior de tenir leur AG. Comme les jours précédents, des cheminots de la SNCF sont venus en soutien. Sur les ateliers de la SNCF, on constate que les locaux sont sales et à la limite de l’insalubrité. Eh oui, quand les travailleurs du nettoyage s’arrêtent, ça se voit. Qu’est-ce que ce serait si tous les travailleurs du site s’y mettaient ! Étendre le mouvement, c’est l’objectif que les grévistes et leurs soutiens cheminots se posent. Car leurs revendications concernent en réalité tous les travailleurs. Sans embauche supplémentaire malgré le boulot en plus, c’est la charge de travail qui explose, à la SNCF et ailleurs. Et comment joindre les deux bouts quand l’inflation fait rage et que le prix des denrées de première nécessité ne cesse de grimper ? La question des salaires est aussi une préoccupation pour tous.

La force des travailleurs, c’est la grève !

14h

Autour de la table du piquet de grève où on lit des journaux tout en se servant du café apporté par les grévistes et leurs soutiens, on rédige le tract pour lundi. Pour augmenter la visibilité des travailleurs d’Elior à l’entrée principale du site, une autre banderole est accrochée devant le piquet. Les grévistes se prennent en photo devant : « Et vive la grève ! ». Pas de doute, le moral est toujours présent, et plus d’un gréviste confie avoir plus appris en cinq jours de lutte qu’en des années de travail sur le site de Hellemmes. En cinq jours, la grève a transformé les travailleurs. Ils ont appris qu’ils pouvaient tenir tête aux patrons d’Elior et de la SNCF, et ont vu le désarroi des chefs quand les salariés ne leur obéissent plus au doigt et à l’œil. Ensemble, ils remettent ça la semaine prochaine, puisque la grève est reconduite à lundi !

Correspondants, le 22 juillet.

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