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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 30, novembre-décembre 2003 > DOSSIER : Gouvernement et patrons à l’assaut de la Sécurité sociale

DOSSIER : Gouvernement et patrons à l’assaut de la Sécurité sociale

Gouvernement et patrons à l’assaut de la Sécurité sociale

Mis en ligne le 8 novembre 2003 Convergences Politique

Après le volet vieillesse, le gouvernement s’attaque au volet maladie de la Sécurité sociale. Le scénario a un air de déjà vu, y compris les cris d’alarme à propos du déficit.

Aujourd’hui, c’est d’abord du déficit présent dont on nous parle. Un mot a été trouvé pour ça : abyssal. Mais aussi des déficits futurs : un document gouvernemental, « assurance maladie : éléments de diagnostic » annonce ainsi un déficit de 100 milliards d’euros pour 2020.

Le « trou » de la Sécu est une vieille rengaine, toujours aussi mensongère. Car 9 milliards, c’est beaucoup, mais rapportés aux sommes qu’elle gère (234 milliards d’euros pour le seul régime général, 370 milliards tout compris) c’est déjà bien moins impressionnant ! Ça n’empêche pas les gouvernants de crier à la catastrophe.

La commission des comptes de la Sécurité sociale affirme que l’aggravation du déficit est due aux deux tiers aux moindres ressources. Autrement dit au fait que trop de travailleurs se trouvent privés d’emplois ou à de bas salaires. Mais cela ne gêne en rien Jean-François Mattei et Jean-Pierre Raffarin pour dénoncer les dépenses inconsidérées, les « gaspillages », les « abus », la « surconsommation de médicaments ».

Et pour en rajouter, c’est le tir à boulets rouges sur la « gratuité ». Pour Mattei, « il faut sortir du tout-gratuit », pour Raffarin, il y a un « sentiment de gratuité de notre système de santé ». Peu importe qu’il y ait des millions de personnes qui ne peuvent pas se soigner correctement car c’est trop cher. Peu importe surtout que le thème de la gratuité, même si à force d’être répété il finit par être banalisé, est un mensonge éhonté : gratuites, la CSG, la CDRS et les mutuelles ? Ils n’ont jamais regardé une feuille de paie.

Les requins

Jacques Barrot avait le premier, il y a un an maintenant, laisser entrevoir les projets gouvernementaux : il avait affirmé que la Sécurité sociale devrait « différencier risques lourds et petits risques », pour se concentrer sur les premiers. Quelques mois plus tard, le rapport Chadelat ébauchait dans le détail tout un plan envisageant d’abandonner de larges parts de l’assurance-maladie aux assureurs complémentaires. Aujourd’hui la place de ces assureurs est un des thèmes centraux des « réflexions » du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, mis en place le 13 octobre 2003. Et Raffarin de mettre les points sur les i : « Quel est le juste équilibre entre solidarité collective et responsabilité individuelle ? Faut-il couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans la rue ou par un accident de ski ? ».

Il s’agit évidemment de réduire la part des dépenses assumées par la Sécurité sociale. Ce n’est pas à proprement parler une maîtrise des dépenses de santé qui est programmée, mais une maîtrise des dépenses remboursées.

Au plus grand profit de tout le patronat. Car à ses yeux, ce qui est versé aux caisses de protection sociale, c’est une part du « coût salarial ». Et réduire les versements à la Sécurité sociale, c’est baisser les salaires.

Mais aussi tout particulièrement de l’industrie du médicament et des appareillages médicaux. De l’IRM à la paire de lunettes, de l’aspirine aux trithérapies, du fauteuil roulant aux logiciels informatiques des médecins, le marché est déjà colossal. Et il y a aussi les cliniques, les centres de soins, les maisons de retraite. Car dans la société capitaliste, tout, ou presque, peut devenir marchandise. Notre santé est aussi une source de profits. C’est même « un secteur essentiel et assez dynamique de l’économie française  », comme l’écrit le gouvernement.

Enfin il y a les assureurs. Pour mettre la main sur une partie du budget de la protection sociale, ils n’ont pas les dents les moins longues et appellent de leurs voeux un marché de la santé structuré autour de leurs sociétés, qui auraient des accords avec des cliniques, des centres de santé, etc.

Un marché profitable, mais qui laisserait de côté la fraction de la population la plus démunie. Les trusts pharmaceutiques privent déjà aujourd’hui des pays pauvres entiers de médicaments, car ils sont non solvables. Demain ce sont les pauvres, les chômeurs et les travailleurs non solvables d’ici qui seraient aussi exclus des meilleurs soins de santé. Une sécurité sociale peau de chagrin, agrémentée éventuellement d’une assurance complémentaire à bas prix, ne remboursant rien ou presque : voilà ce que leur réserverait les assureurs.

Jusqu’où le gouvernement Raffarin avancera-t-il dans cette voie ? Il veut sûrement attendre que les élections soient passées. Mais il a aussi peur des réactions des travailleurs, dont il a eu un avant-goût à propos de la « réforme » des retraites. Il avance prudemment, mais fermement. Les premières propositions seraient pour l’été 2004. Il dit vouloir donner du temps au « dialogue », à la « pédagogie ».

Un temps utile donc ? Certainement, si les salariés le consacrent à organiser la riposte qui contraindra à remballer ces plans !

Le 31 octobre 2003

Michel CHARVET

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