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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 123, décembre 2018 > La vie en jaune

La vie en jaune

Une contribution de la Fraction l’Étincelle à la discussion au sein du NPA

Gilets jaunes : un mouvement de masse auquel se joindre activement

Mis en ligne le 8 décembre 2018 Convergences Politique

Par-delà les chiffres officiels de participation ce samedi 24 novembre, la mobilisation des Gilets jaunes demeure toujours aussi spectaculaire, inédite, vivante, déterminée. Essentiellement « prolétaire ». Sur les blocages, barrages, rassemblements : une majorité de salariés d’entreprises petites voire très petites, des prestataires, des chômeurs devenus auto-entrepreneurs, quelque 30 % de femmes, des « petites retraites » autour des 800 euros, autant de secteurs de notre classe où les syndicats – comme toute forme de politique – sont inconnus. Autant de secteurs de notre classe que nous ne connaissons pas, du fait de notre surface limitée. Et il en va des mêmes faiblesses, à peu de choses près, pour toute l’extrême gauche. Ce qui n’empêche qu’en régions essentiellement, bien des camarades de LO et du NPA se sont portés sur des blocages et barrages. À ce jour, avec quelque prudence, pour voir et comprendre, plutôt qu’en enfilant et assumant le gilet jaune – ce à quoi il va falloir passer…

Un ras-le-bol profond des plus pauvres. Contre leur galère

Là où nous avons essayé à juste titre nos slogans ou pancartes, « contre la vie chère, augmentez les salaires », « de l’argent il y en a, dans les caisses du patronat », « taxez les pétroliers, pas les salariés », etc., il n’y a pas eu de rejet, cela a même été apprécié… même si on ne peut pas faire abstraction de quelques mines fermées probablement de droite ou extrême droite. Cela dit, c’est le « Macron démission », assorti de quelques Marseillaise, qui à ce jour jouit des faveurs de ceux qui se sont mobilisés. Ce qu’il faut comprendre : Macron est le symbole de cette politique favorable aux riches, qui écrase les prolétaires les plus pauvres. Même si parmi ceux qui le crient fort, et ne crient que ça, de l’extrême droite à la FI de Mélenchon, il en est qui visent essentiellement, sans le dire, les prochaines européennes de 2019. On n’est pas dupes, bien sûr. Et pas seulement nous. On peut aussi le discuter et se faire approuver.

De son côté, Macron est à coup sûr dans une sale passe. Son discours de mardi ne va probablement pas calmer, par quelques mesurettes de prétendue « transition écologique », ce ras-le-bol social.

La question se pose de la direction du mouvement

Ce mouvement est inédit du fait de l’« auto-organisation » et de l’explosion de son démarrage. Mais le facteur temps n’est pas à négliger. On en est déjà à une quinzaine de jours de mouvement, déjà deux points forts des 17 et 24 novembre avec, entre les deux, une semaine de blocages et barrages qui ont perduré. Avec le temps qui passe, parmi celles et ceux qui ont assuré la permanence de ces barrages et blocages, commencent probablement à se constituer des équipes et noyaux plus organisés, voire des cheffes ou chefs, parmi lesquels peuvent dominer ceux qui ont davantage les moyens que d’autres d’être là quasiment 24 heures sur 24. Socialement donc plutôt petits patrons, artisans ou retraités (qui ont du temps) que des salariés qui doivent aller bosser (même si certains disent qu’ils font les 3x8). Et politiquement, de ce fait, il y a le risque que ceux qui sont politisés à droite ou à l’extrême droite se mettent en avant, voire comme porte-paroles… tant que n’existe pas au sein du mouvement des contrepoids explicitement prolétariens.

Le gouvernement… et les « corps intermédiaires »

Pour l’heure, c’est le gouvernement et tout un milieu de politiciens quelque peu effrayés qui poussent à l’émergence de porte-paroles, d’interlocuteurs auxquels on pourrait causer. Le drame pour tout ce beau monde étant l’absence de « corps intermédiaires » qui feraient tampons pour apprivoiser puis chloroformer la colère. Une novlangue propre à une bureaucratie vouée à la collaboration de classe, que revendiquent les dirigeants confédéraux eux-mêmes, pressés, à l’invitation de Macron, d’aller « négocier » pendant trois mois de quoi calmer le jeu.

Du coup, commencent aussi à émerger des porte-paroles autoproclamés et déjà contestés… Voir la façon dont ont été ridiculisés ces prétendus Gilets jaunes qui ont négocié avec les flics de Macron la manifestation à Paris sur le Champ-de-Mars : pas un péquin sur une immense esplanade totalement déserte et toutes et tous sur les Champs-Élysées interdits !

Ce mouvement ouvre une nouvelle brèche contre Macron

Ce serait une erreur dramatique de camper sur une attitude critique, ou simplement hésitante, sous prétexte que le mouvement n’aurait pas les revendications ou pas les modes d’action habituels du prétendu « mouvement ouvrier ». L’extrême droite, la droite et la FI de Mélenchon n’ont pas ces frilosités ! Depuis qu’on répète que la classe ouvrière n’est pas seulement celle des grandes entreprises, qu’il y a les précaires, etc., on ne la verrait plus quand elle se met en branle ? Parce qu’elle ne nous a pas attendus ? Parce qu’elle n’obéit pas aux confédérations et fédérations syndicales ? En quelques jours, c’est toute une fraction de la classe ouvrière, celle qui était précisément la moins organisée et la moins visible, qui vient de prendre l’initiative de la lutte. Une lutte que l’ensemble du monde du travail, ses militants (à commencer par les militants révolutionnaires), ont tout intérêt à rejoindre activement. Si l’on en juge d’après des prises de position toutes récentes de directions syndicales, régionales (Toulouse) comme nationale (Martinez de la CGT), ces directions syndicales – probablement sous pression saine de leur base – semblent se décider à basculer du côté des Gilets jaunes…

La place de l’extrême gauche. Qu’est-ce qui est à la portée du NPA ?

Ce qui a déjà été fait :

Des communiqués et des déclarations de solidarité comme l’ont fait Olivier Besancenot et Philippe Poutou. Bien sûr.

L’initiative d’une pétition de militants syndicalistes comme celle parue dans Mediapart. C’est utile, surtout pour aller à l’encontre des déclarations d’un Laurent Berger ou Philippe Martinez.

Ensuite ? Des « appels » à l’unité du « mouvement ouvrier », selon l’insistance de certains camarades ? Mais c’est qui, « le mouvement ouvrier » ? Berger, Martinez… « les corps intermédiaires » convoqués à « la grande concertation » de trois mois avec Macron ?

L’argument de ces camarades consiste à dire que le NPA est bien trop faible pour prendre une initiative propre, et qu’il doit donc s’en remettre à des forces au-delà de lui-même. Mais précisément quelles forces ? Pour l’heure, les forces sont sur les barrages, les blocages, les manifestations…

Certes, nous avons affaire à un mouvement de masse, où notre petite organisation est noyée. Et en l’absence de mobilisation dans les entreprises où nous avons des militants, il nous manque des points d’appui efficaces. Du moins pour le moment. Mais nous sommes un parti de militants dont plusieurs centaines de jeunes. De quoi ne pas rester spectateurs condamnés aux seuls commentaires et analyses. Des militants qui peuvent s’impliquer dans cette révolte qui est celle de notre classe : c’est-à-dire, là où nous le pouvons, participer au mouvement en postulant à en être des organisateurs voire des porte-paroles. D’autant qu’en bien des endroits nos slogans et propos ont été bien accueillis. D’autant que pour l’heure, « la fédération des colères », c’est là où elle se joue.

Nous pouvons et devons avoir l’objectif de jouer un rôle, ici ou là, voire ici ou là « prendre la tête »… car les révolutionnaires sont les seuls à être jusqu’au bout partisans de l’auto-organisation des travailleurs et des masses. Les seuls à vouloir désespérément que les mouvements ne soient pas dévoyés sur des voies politiciennes électorales. Il y a donc une course de vitesse de direction, même si cela paraît bien présomptueux face à un mouvement qui nous dépasse à ce point, mais il y a un début à tout. Une course de vitesse, car un des problèmes, au point où en est le mouvement, c’est qu’il va sans doute commencer à se structurer localement, avec des porte-paroles et organisateurs. L’extrême droite ne va pas forcément se montrer en tant que telle, mais ces « leaders » improvisés pourraient en relayer le discours…

Donc, à nous de ne pas rester spectateurs.

Aux camarades étudiants (les plus disponibles), munis de leur gilet jaune, de ne pas hésiter à prendre la parole, à commenter les manœuvres de Macron et du patronat, les aspirations du mouvement (qui s’organise à la base…), à parler de la vie chère. À ne pas hésiter à proposer des initiatives, voire des formes d’organisation (localement, avec les autres boîtes du coin, caissières d’hyper ou supermarchés, etc.)

Même chose pour les camarades profs (voir les initiatives d’enseignants à Paris comme à Strasbourg, dans les deux cas très bien accueillis).

Quant à nos camarades d’entreprise, l’idéal bien sûr est qu’ils se joignent aux Gilets jaunes avec un groupe de collègues, en s’identifiant de telle ou telle boîte… Quand ce n’est pas possible, nos militants peuvent y aller aussi individuellement (comme des tas d’autres salariés) ou en nombre restreint en revêtant le gilet jaune, et là aussi en prenant la parole.

Pour résumer, le mouvement va sans doute chercher à mettre en avant des porte-paroles… Il y aura ceux qui jouent le jeu de la « négociation », d’autres non, mais pas forcément dans notre camp. Donc partout où nous pouvons, essayons d’être partie prenante, organisateurs, porte-paroles… La situation peut évoluer rapidement, y compris dans les entreprises où nous sommes, espérons-le. Surtout si, comme cela semble être le cas, les directions syndicales sont bousculées… 

28 novembre 2018

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