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Ordonnances Macron : tout pour les patrons !

Fusion des Instances représentatives du personnel (IRP)

Mis en ligne le 5 octobre 2017 Convergences Politique

Mais pour que la négociation serve de courroie de transmission des desiderata du patronat, il faut des organisations syndicales prêtes à se livrer au dialogue social à une seule voix, celle du patronat. Pas question pour le gouvernement de toucher aux prérogatives des confédérations, qui au sommet auront toujours le pouvoir de négocier, signer, voire permettre au mécontentement populaire de s’exprimer mais sans lui proposer de réelles perspectives de lutte. Les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de le répéter : ils sont pour des « syndicats forts », un « dialogue social de qualité ». Mais cela peut tout à fait s’accompagner d’un affaiblissement des syndicats à la base. C’est le dernier grand chantier des ordonnances : renforcer la domestication des syndicats, en leur caressant la tête mais en leur coupant les jambes.

En effet, « la pointe de l’innovation sociale » de cette réforme, selon le ministère du Travail, c’est la fusion pure et simple des trois instances représentatives du personnel, à savoir les délégués du personnel (DP), le Comité d’entreprise (CE) et le Comité hygiène, sécurité et des conditions de travail (CHSCT), sous le nom de Conseil social et économique (CSE). Exit les DP potentiellement revendicatifs, les CHSCT potentiellement trop fouineurs, les syndicalistes qui vont tenter de gripper la machine, surtout s’ils sont d’extrême gauche, car il y en a quand même un paquet ! Sachant que des CHSCT ne doivent être mis en place que dans les entreprises de plus de 50 salariés (que 3 % des entreprises !) ; il n’en existe aujourd’hui que dans environ 1,5 % des entreprises. Noyé dans un « CSE », on ne parlera santé et sécurité qu’à la toute fin des réunions…

Et quels moyens pour ce nouveau Conseil social et économique (CSE) ?

Le gouvernement renvoie cela habilement aux décrets d’application, mais déjà, dans les ordonnances, on comprend que le nombre de mandats va chuter et que la moyenne d’heure de délégation par mandat sera de 16 au lieu de 18 à 21 aujourd’hui. Les CSE devront désormais payer 20 % des expertises qui étaient intégralement à la charge du patron jusqu’ici. Une sorte de très gros « ticket modérateur » ! D’ailleurs, les cabinets travaillant aujourd’hui avec les comités d’entreprise et les CHSCT (Syndex, Secafi, etc.), qui défendent leur activité, ne s’y trompent pas. Dès le 30 août, ils ont alerté sur l’absence actuelle de moyens des CE, qui va forcément s’aggraver…

L’idée est claire : moins de moyens, moins d’expertises, moins de possibilités (même si elles étaient déjà bien maigres) pour intervenir, s’opposer, s’organiser. Pour pallier le manque de syndicalistes sur le terrain, des « représentants de proximité » pourraient être mis en place par accord (il sera bien difficile de faire la différence, chez Renault par exemple, avec les « RH de proximité » qui existent déjà… ils veulent vraiment faire des syndicats une branche de la DRH !).

Il sera même possible d’instituer, par accord, un « conseil d’entreprise », en lieu et place du CSE. Ce conseil absorberait les délégués syndicaux et serait donc également compétent pour négocier les accords (sauf accords pré-électoraux et plans de sauvegarde de l’emploi).

Tout est fait, sous couvert de « négociation directe », pour permettre l’arbitraire patronal : auparavant, en l’absence de délégué syndical (DS) dans leur entreprise, les patrons ne pouvaient négocier. La loi Rebsamen avait donc introduit la possibilité de négocier avec un salarié mandaté par un syndicat. Avec les ordonnances, en l’absence de DS en dessous de 50 salariés (c’est le cas de 96 % des entreprises de moins de 50 salariés), le patron pourra même négocier avec un DP (même s’il n’est pas mandaté pour). En dessous de 20 salariés, ce sera même possible de « négocier » avec « tout le monde » puisque le patron pourra faire valider un projet par référendum… Bref le must de la démocratie participative !

Ces mesures, les confédérations les ont prises, ou font mine de les prendre, comme un court-circuit de leurs prérogatives ; elles n’ont pas tout à fait à tort. Contrairement à ce qui était annoncé, il n’y aura pas de chèque syndical payé par les employeurs, ni davantage de représentants salariés au conseil d’administration. Mais les gestes de bonne volonté en direction des syndicats complaisants n’ont pas manqué. La spécialisation des syndicalistes occupés par la négociation au sommet de l’entreprise est renforcée, l’expérience syndicale dans les déroulements de carrière des élus sera davantage prise en compte, etc. C’est ce genre de syndicalisme intégré que cherchent à renforcer les ordonnances. D’ailleurs, cela fait longtemps que les centrales syndicales vivent des rapports complaisants avec le pouvoir politique et douteux avec le patronat.

L’intégration de la bureaucratie syndicale est loin d’être récente. Qu’il s’agisse des dirigeants de la CFDT ou de la CFTC qui prônent ouvertement un « syndicalisme de participation » opposé à la notion de lutte de classe, ou de ceux de la CGT qui ont fait depuis longtemps leur virage d’un prétendu « syndicalisme de contestation » à un « syndicalisme de proposition », il y a longtemps que les grandes confédérations syndicales françaises sont devenues les partenaires de l’État bourgeois au sein de la classe ouvrière. Un historique sur lequel nous reviendrons dans un prochain numéro de la revue.

J.A.

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