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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 87, mai 2013

François, de la Garde de fer à la papauté

30 avril 2013 Convergences Monde

Une campagne médiatique s’est appliquée à nous vendre le pape François, alias Jorge Bergoglio, comme un homme d’une grande humilité, voire « le pape des pauvres ».

La carrière de Bergoglio montre un tout autre profil. Dans les années soixante, il fut membre de la Garde de fer, une organisation paramilitaire péroniste d’extrême droite, dont le nom fut choisi en hommage à la Garde de fer roumaine, fasciste et antisémite, à une époque où les crimes du nazisme étaient déjà largement connus. La Garde de fer argentine se fixait notamment pour objectif de constituer un pont entre la droite classique dure et l’Alliance anticommuniste argentine, laquelle devait constituer des commandos de la mort chargés d’assassiner les opposants. Le futur pape, quand il n’était qu’évêque, avait reconnu avoir participé à des réunions avec les futurs dictateurs Massera et Videla, dans le cadre de cette organisation.

Ce passé a été rappelé en long et en large par le quotidien Página/12 dans les jours qui ont suivi l’élection de Bergoglio [1]. Ce journal, que dirige Horacio Verbitsky, ancien montonero (mouvement péroniste de gauche guérillériste férocement réprimé sous la dictature) a mené pendant près d’une semaine une très intense campagne contre le souverain pontife, faisant appel aux témoignages de parents de victimes de la répression. Verbitsky est en effet aujourd’hui très proche de la présidente Cristina Kirchner, péroniste de gauche, elle-même emprisonnée sous le régime des généraux. Celle-ci a d’autant moins apprécié l’élection de Bergoglio qu’il faisait figure de leader de l’opposition de droite. Bergoglio s’était en particulier déchaîné contre la loi autorisant le mariage gay. En lui rappelant son passé, sans doute a-t-elle voulu lui donner un avertissement. Cette campagne a d’ailleurs brusquement cessé quand Kirchner, pour tenter de profiter de la gloriole de Bergoglio, n’a pas hésité à poser à Rome à ses côtés.

Il n’en reste pas moins que de nombreux médias, dans le monde entier, se sont sentis obligés de reprendre au moins une partie de ces informations. L’Église argentine fut en effet l’un des plus fidèles soutiens de la dictature qui, de 1976 à 1983, fit près de 30 000 victimes et mit le pays en coupe réglée. Horacio Verbitsky rapporte dans El vuelo [2] comment des prêtres étaient chargés de soulager la conscience des aviateurs qui jetaient dans la mer des prisonniers préalablement drogués. Jamais Bergoglio qui, en tant que haut prélat, ne pouvait ignorer ces faits, n’émit la moindre protestation. Selon Página/12, s’appuyant sur les témoignages de leurs familles, le futur pape donna même le feu vert aux militaires pour arrêter deux jésuites, dont il était le supérieur direct, partisans de la théologie de la libération et connus comme opposants à la dictature. L’armée hésitait en effet à s’en prendre à des religieux pour ne pas mécontenter l’Église. De son côté, Myriam Bregman, avocate d’une famille de disparus et membre d’une organisation humanitaire, rapporte dans divers articles et interviews [3] que, contrairement à l’image d’humilité qu’il cherche à se donner aujourd’hui, Bergoglio était, sous la dictature, un personnage arrogant qui éconduisait les parents des victimes avec condescendance. Il a d’ailleurs usé de son statut pour refuser de comparaître devant un tribunal où il était cité. Jamais non plus Bergoglio n’a écarté de l’Église les rares prêtres condamnés pour leur participation aux assassinats, pas davantage que ceux condamnés pour actes pédophiles. Quant à son attitude vis à vis des pauvres, «  Au cours des 15 années passées à la tête de l’archevêché de Buenos Aires, il (n’a fait qu’apostropher les profiteurs et prêcher la docilité aux opprimés) » écrit Horacio Verbitsky [4].

Face à cette campagne, l’Église a très vite réagi en lançant une contre-offensive médiatique avec l’appui du groupe Clarín [5], lequel avait soutenu la dictature. Elle a notamment sorti de son chapeau le président de la Cour suprême, Ricardo Lorenzetti, et Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix, qui ont juré la main sur le cœur que Bergoglio avait sauvé des opposants sous la dictature, mais avait préféré agir discrètement par souci d’efficacité…

Mais elle n’a pas réussi à démontrer que les diverses et précises accusations étaient fausses. Tout au mieux, Bergoglio aurait-il joué double jeu, à la manière d’un Mitterrand sous le régime de Vichy…

Pour soigner l’image du « pape des pauvres », les services de communication de l’Église ont aussi cru bon de faire participer… un cartonero (récupérateur de déchets, « métier » désormais officialisé) à une délégation de religieux et de politiciens envoyée à Rome congratuler le pape François. Mais le malheureux qui s’est prêté à cette opération s’est fait arrêter sans ménagement par la police à l’aéroport car son allure ne cadrait pas avec celle des dignitaires. Tout un symbole.…

15 avril 2013

George RIVIERE






[1Avec plusieurs pages par jour sur ce sujet entre le 14 et le 19 mars.

[2El Vuelo (Le vol), la guerre sale en Argentine. Traduction française aux éditions Dagorno 1995. Épuisé en librairie.

[3Notamment à la BBC le 16 mars.

[4Article de Página/12 traduit par Courrier International le 14 mars.

[5Clarín possède non seulement le plus important quotidien argentin mais plusieurs chaînes de TV.

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