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Françafrique : comment les banques pillent l’Afrique

26 octobre 2021 Article Monde

Dans un rapport sorti le 12 octobre, l’association Oxfam (une ONG d’aide aux victimes de la famine) dénonce le rôle des banques françaises en Afrique et toute l’hypocrisie du moratoire sur la dette africaine qui avait été annoncé en 2020 et était censé soulager ces pays aux prises avec la crise du Covid.

Ce rapport nous apprend que cette initiative de suspension du service de la dette adoptée par le G20 en 2020, qui n’était qu’un simple report d’échéance sans annulation ni restructuration durable, ne concernait qu’une petite partie de ces dettes : les dettes vis-à-vis des banques publiques des pays du G20, pas celles vis-à-vis des banques privées. Or les grandes banques privées sont les principales détentrices des dettes, grâce auxquelles elles touchent des centaines de millions de dollars, avec des taux d’intérêts de 9,5 % en moyenne. Citons parmi elles les banques françaises comme la BNP Paribas, la Société générale ou encore la Banque populaire/Caisse d’épargne, notamment en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Et rappelons que ces taux d’intérêt très élevés sont réservés aux États africains, car aujourd’hui, lorsque la France ou l’Allemagne s’endettent, cela ne leur coûte quasiment rien. Macron se prétendait « grand soutien » de l’Afrique pendant la pandémie. Lui et ses amis du G20 ont surtout permis aux banques de préserver, y compris pendant les années particulièrement difficiles de 2020-2021, leur rente lucrative sur le dos des populations locales. Et pour cause : le moratoire sur le remboursement des dettes vis-à-vis des banques publiques garantissait le versement par les pays africains des intérêts et remboursement de leurs dettes vis-à-vis du privé, en s’endettant encore plus par de nouveaux emprunts (à rembourser plus tard) vis-à-vis des banques des États prêteurs.

Pour se faire une petite idée de la façon dont ces dettes ruinent les pays africains, citons la Côte d’Ivoire, où le remboursement de la dette se monte à 133 millions de dollars, alors que le budget annuel de l’ensemble des hôpitaux s’élève à 85 millions. En pleine pandémie on voit où va l’argent !

Mais Macron a d’autres idées pour aider ses patrons sur le dos de l’Afrique : en mai 2021, il avait annoncé l’annulation prochaine de près de cinq milliards de dollars de créances françaises sur le Soudan, une dette composée pour l’essentiel de pénalités de retard. Cette déclaration faisait suite à la « transition démocratique » dans laquelle s’était engagée le Soudan. C’était surtout une manière de placer les investisseurs français en bonne position dans la course aux investissements possibles dans ce pays riche en ressources pétrolières et minières. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, avait même déclaré pour l’occasion : « Nous nous occupons de la dette. Vous pouvez investir dans ce pays. Il n’y a pas de raison de ne pas investir au Soudan désormais. » En effet, le Medef s’est montré tout à fait enthousiaste, et son patron, Geoffroy Roux de Bézieux s’est empressé de déclarer qu’une délégation de patrons devrait rapidement y être envoyée. Le « désormais » de Le Maire faisait donc référence à l’arrivée d’un nouveau régime (nouveau mais où les militaires étaient toujours aux manettes) qui lui semblait prometteur pour les affaires. Le nouveau coup d’État, ce 25 octobre, où les militaires se sont débarrassés de leurs alliés civils, et contre lequel la population est aussitôt descendue dans la rue, va peut-être, un temps, réduire les paris des investisseurs. Mais l’État français sera toujours là pour qu’ils n’y perdent aucune plume.

On voit où va la générosité de Macron.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, la question des dettes africaines ne s’arrête pas là. Bien des observateurs, comme le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, montrent que la majorité de l’argent emprunté, qui ruine les budgets de ces pays, n’a jamais profité aux populations. Alors évidemment ces dettes devraient être annulées. Ce que les gouvernants des pays riches décrètent eux-mêmes parfois, mais quand c’est la seule façon d’éviter l’effondrement total et la diffusion d’une crise économique qui ruinerait leurs propres banques, comme ça avait été le cas en Argentine dans les années 2000. Mais pour abolir ces dettes, ce sont les banques elles-mêmes qu’il faudra exproprier.

Marina Kuné

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