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Ordonnances Macron : tout pour les patrons !

Faciliter les licenciements… pardon, « sécuriser les relations de travail »

Mis en ligne le 5 octobre 2017 Convergences Politique

Être licencié, ce n’est pas vraiment « sécurisant ». C’est qu’en fait, il s’agit de sécuriser… les employeurs, en répondant à une idée fixe du Medef : pouvoir anticiper les coûts pour être libre de licencier en toute tranquillité. Retoqué par le Conseil constitutionnel dans la loi Macron, cela passerait ce coup-ci : on aurait donc, en matière de dommages et intérêts alloués par le juge prud’homal en cas de licenciement « non justifié » (sauf harcèlement et discrimination), un barème obligatoire établi en fonction de l’ancienneté.

C’est un genre de condamnation « low cost » puisqu’on passe de six mois de salaire minimum à trois mois (et avec un plafond très bas pour les plus anciens !). Il faut rappeler au passage que ce minimum de six mois, c’est la loi de 1973 qui l’avait introduit, parce qu’à l’époque un salarié licencié restait en moyenne six mois au chômage avant de retrouver un emploi… Aujourd’hui, c’est un an ! (et encore, selon les chiffres officiels). Au lieu de le diviser par deux, il aurait donc fallu l’allonger !

Et le diable est dans les détails : en dehors du montant de l’indemnité, le problème avec ce barème c’est que le patron n’aura pas à payer pour l’impact parfois dévastateur du licenciement « non justifié ». Prenons l’exemple d’un salarié de 50 ans, licencié afin de prendre un plus jeune payé moins cher, il ne retrouvera probablement pas d’emploi (comme deux tiers des plus de 50 ans licenciés), mais en plus il n’aura pas ses annuités pour la retraite, etc. C’est ce qu’on appelle un préjudice, que les prud’hommes prenaient normalement en compte… ce ne sera plus le cas !

Les miettes en contrepartie ? Le gouvernement avait annoncé une infime hausse des indemnités légales de licenciement : passer de un cinquième de mois par année d’ancienneté à un quart de mois… Mais il a fait marche arrière : passé dix ans d’ancienneté, on reste comme avant, cette hausse disparaît.

Haro sur le recours aux Prud’hommes : de manière générale, ce qui est dans le viseur du gouvernement, c’est ce dangereux tribunal des prud’hommes (qui, rappelons-le, est constitué à parité de représentants salariaux et patronaux, donc pour tout jugement rendu, au moins un patron doit être d’accord…) devant lequel 0,7 % des salariés traînent leur patron en France… alors que c’est en moyenne deux fois plus en Europe !

Les ordonnances veulent visiblement faire disparaître toute possibilité de recours (déjà peu nombreux) en passant le délai de recours de deux à un an. En 2008, il était encore de… 30 ans ! Aujourd’hui, seuls 2 % des licenciements économiques sont contestés et ce taux est en baisse depuis 2009, alors que le chômage a explosé : c’est que, depuis 2009, le contentieux du licenciement est court-circuité par ce que le droit appelle par euphémisme les « ruptures conventionnelles » (320 000 par an). Depuis 2015, le nombre de recours aux prud’hommes chute de 45 % par an.

Sans compter que l’employeur aurait désormais le droit de créer de toutes pièces un motif de licenciement après la rupture, et que les irrégularités de forme ne seraient plus vraiment sanctionnées (c’est-à-dire, a minima, d’être informé de son licenciement, convoqué à un entretien préalable).

C’est surtout sur le terrain des licenciements économiques collectifs que les ordonnances creusent les gouffres qui existaient déjà dans le droit. Le seuil qui contraint les patrons à mettre en place un PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi) n’est finalement pas rehaussé (10 licenciements en 30 jours), mais c’est pour mieux reculer sur autre chose : notamment une mesure, voulue par Macron lorsqu’il était ministre mais retirée du projet de loi El Khomri car trop explosive : demain, seul le territoire national serait retenu pour apprécier les difficultés économiques du groupe international qui licencie en France. Cadeau aux multinationales… Dont entre autres les françaises ! Avant, la santé du groupe y compris à l’étranger était prise en compte. Cela n’empêchait pas les plans de licenciements, mais permettait parfois, bien que des années après, de remettre dans leurs droits et d’indemniser les salariés, comme ceux de Continental à Clairoix. De toute façon, les ordonnances divisent par deux les indemnités en cas de PSE injustifié et réduisent à rien du tout (un mois) le délai pour que le comité d’entreprise tente de s’interposer (au lieu de deux à quatre mois).

Et pour faciliter les opérations de type « LBO » (de l’anglais « Leverage Buy-Out »), un type de montage financier permettant à des fonds d’investissements ou grands groupes de se payer à moindres frais des entreprises pour en ponctionner la valeur, les machines, licencier les salariés… et disparaître aussi vite qu’ils étaient venus, les ordonnances autorisent les repreneurs à ne garder aucun salarié, alors qu’ils y étaient tenus jusqu’ici.

De toute façon, aujourd’hui, les patrons ne licencient plus, ils se débrouillent autrement : ils négocient ! Ce que les ordonnances, finalement, légalisent. Façon de faire céder toutes les digues :

– Les accords de compétitivité qui permettent de baisser la rémunération et d’augmenter le temps de travail des salariés, qui existaient notamment dans l’automobile bien avant d’être légalisés, étaient jusque-là conditionnés à des difficultés économiques de l’entreprise. Les patrons s’en saisissant peu, les quatre dernières réformes ont chacune allégé les conditions pour signer un tel accord. Avec les ordonnances, plus aucune condition ! Il faut bien comprendre que ce sont des accords qui peuvent revenir sur ce qui est inscrit au contrat de travail sans que le salarié puisse s’y opposer : s’il refuse, c’est la porte.

– Enfin, toujours pour éviter les – maigres – contraintes des procédures de licenciements collectifs, les ordonnances autoriseraient les patrons à faire des charrettes de « volontaires », par l’introduction de « ruptures conventionnelles collectives » Sans payer les licenciements et sans plus aucune contrainte si ce n’est d’obtenir un accord majoritaire des syndicats.

J.A.

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