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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 45, mai-juin 2006

En Belgique aussi : des contrats aidés... qui favorisent la précarité

25 avril 2006 Convergences Monde

La précarité au travail n’est pas une spécialité française. La Belgique a, aussi, son lot de contrats précaires et pour lesquels les patrons bénéficient de dégrèvements de cotisations patronales. Ces contrats ont pour nom : « Rosetta », « article 60 § 7 », « article 61 », « ACS », carte « Activa », « SINE », etc. Autant de noms barbares, autant de contrats à durée limitée ou aidés... pour le patronat.

Il serait long et bien compliqué de détailler tous ces contrats souvent obscurs mais ils vont tous dans le même sens : fournir une main d’oeuvre gratuite ou bon marché au patronat, aux administrations ou à des associations sous prétexte de lutter contre le chômage, c’est-à-dire souvent simplement pour camoufler celui-ci.

Une aide aux mairies...

Ainsi le contrat « article 60 § 7 » (référence à la loi des CPAS de 1976) permet aux CPAS d’engager ses propres allocataires. Les CPAS (Centre public d’action sociale) sont des organismes publics qui existent dans chaque ville de Belgique. Ils versent des allocations aux personnes qui vivent sur le territoire de la ville et qui ne bénéficient pas d’autres allocations d’un montant suffisant : par exemple, celles qui ne bénéficient pas d’allocations chômage parce que, pour différentes raisons, elles n’ont pas suffisamment cotisé pour leur en ouvrir le droit. Ces personnes viennent alors au CPAS qui verse, après enquête et visite à domicile, des aides dont le taux varie en fonction de la situation familiale : un peu moins de 700 € pour une personne seule.

Le CPAS peut engager ces personnes aidées dans le cadre de cet « article 60 § 7 ». Il devient alors employeur. Celles qui sont ainsi engagées sont mises à disposition de la mairie, d’associations liées à la mairie ou en dehors de la ville ou d’entreprises privées. Cet engagement se fait plus ou moins au volontariat en fonction de la politique définie par chaque CPAS. Mais certains CPAS peuvent être amenés à sanctionner, par le retrait des allocations durant un certain temps, les allocataires qui refusent cette « mise à l’emploi ».

Le tarif versé par le patron bénéficiaire au CPAS varie d’un endroit à l’autre. Mais bien souvent, pour la mairie ou les institutions de la ville, ces mises à disposition sont gratuites sous prétexte que la mairie participe, au travers de son budget, au financement des CPAS.

...et aux entreprises privées...

Pour ce qui est des entreprises privées, le prix de la mise à disposition défie toute concurrence puisqu’il part de 600 € net par mois toute charge et toute cotisation patronale comprise. L’aubaine se double du fait que le patronat n’a souvent qu’une obligation morale d’engager le travailleur à la fin de son contrat « article 60 § 7 ». C’est donc rarement le cas. Et il n’est pas rare non plus, dans certains secteurs, de voir les entreprises jongler avec les contrats et avec les CPAS et recourir à tour de rôle à des travailleurs venant tantôt d’un CPAS... tantôt d’un autre !

Dans ces types de contrats, le patronat ne s’occupe de rien. Les travailleurs engagés sont sélectionnés par le CPAS mais c’est le patron qui choisit qui sera engagé parmi ceux proposés. Puisque le CPAS est l’employeur et que c’est lui qui verse le salaire, le patron n’a pas à s’occuper des fiches de paie, des visites médicales, des frais administratifs, des frais de transport (remboursés aussi par le CPAS), des frais de formation qui peuvent aussi être pris en charge par le CPAS. Autre avantage, enfin, pour le patronat : en cas « de problème » avec le travailleur, trop de maladies ou d’absences injustifiées, le CPAS nomme un « accompagnateur » chargé de « régler » ces problèmes tout au long du contrat de travail !

La seule obligation pour le patronat, c’est le droit à la formation. Le travailleur a en effet la possibilité de s’absenter un jour par semaine, s’il le désire, pour suivre une formation. Cependant dans certaines entreprises, la direction ne pousse pas à la formation... Devinez pourquoi ?

...plus qu’aux travailleurs !

Les travailleurs ont un contrat de travail dont la durée dépend du nombre de jours nécessaires, durant une période de référence, à l’ouverture du droit aux allocations chômage. Ce nombre de jours dépend de l’âge de la personne : d’un an pour les plus jeunes à deux ans pour les plus vieux. Dès que le nombre de jours travaillés est suffisant pour avoir droit aux allocations chômage, les gens sont licenciés. Au bout de ce contrat, pour la très grande majorité ils ont donc quitté le CPAS... mais pour se retrouver au chômage.

Ce type de contrat est de 38 heures par semaine. La paie, quant à elle, dépend du niveau de qualification mais dans certains cas le CPAS peut choisir de payer, sauf exception, les gens au niveau le plus bas (niveau barémique E), soit à peu près 980 euros net par mois. Ceux qui ont une famille gagnent plus mais c’est parce que les impôts sur le revenu sont « prélevés à la source » (sur le salaire) et qu’ils paient moins d’impôt !

Les gens perdent aussi un certain nombre d’avantages en étant employés par le CPAS et non plus aidés comme auparavant.

Ainsi, ils doivent payer la taxe régionale de 173 € par an, ils perdent « la carte médicale » souvent attribuée par le CPAS et qui permet de se faire soigner gratuitement, ils perdent le statut VIPO (Veuf invalide pensionné orphelin) qui permet certaines réductions « sociales », les allocations familiales diminuent, les loyers des logements sociaux augmentent, etc.. On le voit, d’un point de vue financier, surtout pour les femmes seules avec des enfants (situation très fréquente au CPAS), le contrat « article 60 §7 » n’est pas très avantageux quand on doit en plus payer des frais de garde pour les enfants : école, crèche...

Malgré cela, beaucoup de personnes, humiliée de devoir demander de l’aide, pensent que ce type de contrat, même si ce n’est pas un véritable emploi, leur permet surtout de sortir du CPAS qui a mauvaise réputation et de trouver un emploi après des années de recherches vaines. Il faut dire que trouver du travail est un exploit dans certaines communes de la région bruxelloise où le taux de chômage dépasse les 20 % !

Il serait temps de combattre cette précarité qui sert les intérêts du patronat trop content d’avoir une main d’oeuvre bon marché qui tire l’ensemble de salaires vers le bas, comme le gouvernement qui se félicite publiquement de créer des emplois qui, dans la réalité, sont bidon et débouchent sur le chômage.

La lutte des étudiants français contre le CPE et la précarité a donc fait naturellement discuter les travailleurs et les militants syndicaux belges, dont nombre pensent qu’ils devraient suivre l’exemple et montrer qu’eux aussi ont la frite !

Bruxelles, 20 avril 2006

Paul GALLER

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