Diego Maradona, un gaucher exclusif
9 décembre 2020 Convergences Société
Le plus grand joueur de l’histoire est mort cette semaine… entraînant des scènes de tristesse et de deuil sur tous les continents. C’est que Maradona n’était pas tout à fait un footballeur comme les autres, et pas seulement pour des raisons sportives.
Noceur, fêtard, cocaïnomane, le gamin en or (« el pibe de oro », un surnom attestant de sa précocité), a traversé les années 80 comme une bombe. Auteur de prestations proprement époustouflantes, en particulier lors de la Coupe du monde de 1986 au Mexique, il crée sa propre légende sur le terrain, et se permet à peu près tous les excès en dehors. Mais déjà, ses choix de carrière, sans être philanthropiques, ne sont pas les plus raisonnables ou rentables, pour une star du football. En particulier, il passera ses plus grandes années à Naples, dans un Sud italien moqué et détesté des grandes cités industrielles du Nord, pour ses pauvres et sa mafia. Diego se fera le porte-parole des uns et fréquentera d’un peu trop près les autres…
C’est à partir des années 90 que Maradona attaquera directement les grands de son monde, dans un premier temps. N’exagérons rien, ses saillies contre la Fifa et les dirigeants du football international sont souvent des réponses à ses contrôles positifs à la cocaïne… Mais Maradona, qui a toujours mis en avant ses origines extrêmement modestes, fait preuve alors d’une personnalité bien différente des autres vedettes du football, plus conformistes, comme les figures de proue des instances du football, un Pelé ou un Platini trempant dans les finances secrètes de la Fifa…
La dimension politique du personnage se révélera surtout dans son après-carrière. Aussi en pagaille que sa vie, mais toujours d’un côté sympathique. Admirateur de Castro (pour qui il était le Che du sport), c’est à Cuba que Diego effectue ses cures de désintoxication depuis 1987. Regardant avec les yeux de l’amour dans les années 2000 tout ce que la gauche sud-américaine produira comme chefs d’État : embrassant à sa manière, tonitruante, les bons (anti-impérialisme US) et les mauvais côtés (des régimes bien souvent militaires populistes) de ces mouvements.
Point d’orgue de cet engagement : sa participation en novembre 2005, aux côtés d’Hugo Chavez, au rassemblement altermondialiste de Mar del Plata, organisé en marge de la venue de Bush en Amérique du Sud. Encore récemment, il dédiait une de ses (rares) victoires d’entraîneur à Maduro et « aux Vénézuéliens qui souffrent », non sans dénoncer Trump ou Bolsonaro lors de leur accession au pouvoir.
Si bien que l’aura exceptionnelle de Maradona tient tout autant à ses capacités de « cerf-volant cosmique », comme l’a surnommé un lyrique commentateur après le but du siècle marqué contre l’Angleterre, qu’à ses convictions, lui qui se définissait comme un « soldat du péronisme », encore une illusion en cette « gauche » argentine bien conformiste. On ne peut pas attendre d’un footballeur fabuleux la même clairvoyance en politique que sur le terrain, mais Diego, toute sa vie révolté, savait parler aux sans-le-sou d’autre chose que de ses « buts en or ».
Philippe Cavéglia
9 décembre 2020 — Nous complétons cet article par la brève ci dessous. En effet, le seul qualificatif de noceur ne saurait résumer les plaintes de certaines compagnes de Maradona. Comme on dit en football, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. PC
Football féministe
La footballeuse Paula Dapena, qui joue en troisième division espagnole, a donné une leçon de féminisme aux amateurs du ballon rond. Lors d’une minute de silence en hommage à Diego Maradona, elle s’est assise en tailleur, le dos tourné. Elle entendait dénoncer l’attitude machiste et agressive de l’idole du football contre certaines de ses compagnes.
Paula a souligné avec ironie que la journée internationale de l’élimination des violences faites aux femmes, le 25 novembre, avait fait moins de bruit que la mort du numéro dix. Voilà un bon moyen d’allier le résultat et la manière.
Mots-clés : Football