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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 19, janvier-février 2002

Technocentre Renault-Guyancourt (Yvelines)

Des salariés sous-traitants gagnent leur grève

Mis en ligne le 1er février 2002 Convergences Entreprises

A côté des 8000 salariés Renault, deux mille salariés travaillent en sous-traitance au Technocentre Renault de Guyancourt dans des dizaines de sociétés différentes. L’une d’elles, Geodis, s’occupait de la Logistique du Technocentre : réception, stockage et livraison de tout ce qui rentre et de tout ce qui sort du site, des pièces pour la fabrication des prototypes automobiles aux stylos bille.

Suite à des rumeurs selon lesquelles Geodis se retirait du Technocentre au profit d’autres sous-traitants, les 28 salariés et les 18 intérimaires de Geodis ont tous cessé le travail, jeudi 6 décembre, pour savoir ce qu’ils allaient devenir.

Les patrons se renvoient la balle

C’est alors seulement qu’ils ont découvert ce qui se tramait : Renault avait procédé à un appel d’offres et trouvé deux autres prestataires, les sociétés Bovis et Mainco, pour reprendre l’activité Logistique en 2002. Ni Geodis, ni Renault, au courant depuis septembre 2001, n’en avaient averti les salariés.

Geodis brandit alors l’article L122-12 du Code du Travail, selon lequel, dans le cas d’un transfert d’activité d’un prestataire à un autre, les salariés du prestataire sortant sont réembauchés par le prestataire repreneur.

Renault, Bovis et Mainco, eux, accusaient Geodis de prendre ses salariés en otage... mais, réduction de coût oblige, refusaient d’appliquer le L122-12 qui les obligeait à reprendre tous les salariés Geodis.

Les salariés étaient ainsi renvoyés des uns aux autres. Et il ne restait plus que deux semaines avant la fermeture du Technocentre pour Noël. Alors, les grévistes ont défini eux-mêmes leurs revendications : que ceux qui le souhaitaient soient repris avec les mêmes avantages (salaires, ancienneté), que ce soit ou pas dans le cadre du L122-12, et que les autres soient reclassés ou licenciés selon leurs souhaits.

Les travailleurs s’organisent

Tous les salariés de Geodis ont participé activement à cette grève, tenant tous les jours des assemblées générales.

Quelques militants de Renault ont aidé les grévistes à s’organiser et à élire leurs propres porte-parole. Ces porte-parole étaient mandatés par les grévistes pour exposer leurs revendications et écouter les propositions des différentes directions. Ils venaient ensuite en rendre compte devant l’AG, qui décidait alors des suites à donner. Du coup, les patrons qui ne voulaient pas entendre parler des assemblées générales ont été obligés d’y venir. La direction de Geodis dut ainsi subir, sans rien dire, la colère des grévistes furieux d’avoir dû faire grève pour apprendre qu’ils n’avaient plus de travail dans 15 jours.

Les salariés ont vraiment pris en main eux-mêmes leur mouvement, sous tous ses aspects. Au point que les salariés Renault, habitués aux diffusions des tracts par les traditionnels syndicalistes, ont été surpris de découvrir à leur place des jeunes de 20 ans portant casquettes, vestes de cuir à la mode ou talons compensés.

Renault, Geodis, Bovis et Mainco ont plusieurs fois essayé, sans succès, de faire reprendre le travail et de diviser les grévistes, jouant sur leurs situations différentes : salariés embauchés chez Geodis et intérimaires, ceux qui voulaient à tout prix garder un travail, ceux qui acceptaient d’être repris par Bovis et Mainco à condition de conserver ancienneté, statut et salaire, ceux qui ne voulaient pas rester, ceux qui avaient trouvé un autre travail le 1er janvier…

Mais les grévistes sont restés solidaires. Ils ont ainsi exigé que Bovis et Mainco reprennent les 28 salariés Geodis et embauchent en CDI autant d’intérimaires que de salariés Geodis qui ne voulaient pas être repris.

La grève a continué jusqu’au lundi 17 décembre. Résultat : paiement de l’intégralité des 7 jours et demi de grève. Pour les 28 salariés Geodis : 5 qui ne voulaient pas être repris sont licenciés économiques, 4 sont reclassés dans Geodis et 19 sont embauchés par Bovis et Mainco avec la reprise de leur ancienneté, de leur salaire (garanti par une prime de rattrapage) et le maintien au Technocentre au minimum pendant un an sans période d’essai. Pour les 18 intérimaires : 4 ont un CDI au 1er janvier, 3 un engagement d’embauche au 1er février et les autres sont repris en intérim, plusieurs ayant refusé l’embauche par Bovis ou Mainco.

Comme quoi des conditions plus difficiles ne condamnent pas forcément les luttes des sous-traitants à l’échec. Loin de là.

Henri LEROUX

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