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Accueil > Les articles du site > Ce qu’ils appellent « les classes moyennes »

Des mouvements de protestation sans suite : poujadisme et CID-UNATI

Mis en ligne le 4 avril 2021 Article Politique

Pierre Poujade et l’UDCA

Le poujadisme, du nom de son initiateur, Pierre Poujade, est un mouvement de protestation des petits commerçants (et dans une moindre mesure des artisans) né en 1953.

Pierre Poujade était papetier à Saint-Céré dans le Lot. Il a milité avant la Deuxième guerre mondiale dans les rangs des jeunesses du Parti du Peuple Français (PPF), une organisation d’extrême-droite créée par Jacques Doriot, un ancien dirigeant du PCF passé du stalinisme au fascisme.

Le mouvement commença par une révolte contre les contrôles fiscaux jugés trop tatillons et discriminatoires. Puis elle prit peu à peu la forme d’une protestation contre la multiplication des grandes surfaces qui étranglent le petit commerce. Enfin, elle mit en cause l’incurie parlementaire d’une IVe République victime de crises ministérielles à répétition.

Le succès fut foudroyant. L’organisation syndicale lancée par Poujade, l’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA), compta très vite des sections dans tout le grand Sud-Ouest, puis dans toute la France. Ses militants n’hésitaient pas à mettre à sac les perceptions, à bloquer l’entrée des supermarchés, voire à faire le coup de poing contre la police… et les organisations de gauche. Le 24 janvier 1955, Pierre Poujade se fit acclamer par une foule conséquente (évaluée à l’époque entre 65 000 et 200 000 personnes) lors d’un meeting tenu porte de Versailles à Paris.

L’aile politique du mouvement, Union et Fraternité Française (UFF), présenta des candidats aux élections législatives de 1956. Elle obtint 2 millions de voix et 52 députés, parmi lesquels des bouchers, des boulangers, des charcutiers, des épiciers, des libraires et un certain Jean-Marie Le Pen. Outre son antiparlementarisme, son chauvinisme cocardier, son hostilité à toute idée d’union européenne et sa haine des intellectuels, elle prit résolument position pour l’Algérie française. Bref, elle reprit à son compte les thèmes classiques de l’extrême droite.

Mais le mouvement fut balayé par la vague gaulliste de 1958. L’UFF perdit alors tous ses députés, sauf deux, dont Jean-Marie Le Pen. La mobilisation qui avait permis son succès a finalement disparu et ses militants se sont ralliés soit au gaullisme, soit à l’extrême droite.

Gérard Nicoud et le CID-UNATI

Une dizaine d’années plus tard surgit un nouveau mouvement qui ressemblait par bien des côtés au poujadisme, mais sans en avoir ni l’ampleur, ni une idéologie aussi marquée. Il s’agit de la Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants (CID-UNATI) dont le fondateur était Gérard Nicoud. À l’origine de la colère de commerçants et d’artisans, l’adoption, en 1968, d’une loi instaurant l’assurance-maladie obligatoire pour les travailleurs non salariés. Gérard Nicoud, cafetier à La Bâtie-Montgascon, dans l’Isère, prit la tête du mouvement. En 1972, le CID-UNATI se transforme en organisation syndicale qui, deux ans plus tard, remporta la présidence de 21 caisses d’assurance-maladie sur 27, ce qui permit à Nicoud de devenir président de la Caisse nationale d’assurance-maladie des professions indépendantes. En janvier 1975, l’organisation obtint une vingtaine de présidences de Chambres de métiers.

Nicoud affirmait que le commerçant et l’artisan n’intéressaient personne. Dans l’interview donnée sur Antenne 2 en février 1980 dans l’émission « Passez-donc me voir », il déclarait : « L’un et l’autre se trouvent coincés entre deux systèmes : l’un capitaliste et l’autre socialiste, qu’on leur propose. Ils sont donc condamnés à être tués par une grande surface ou un magasin d’État. »

Mais, peu à peu, le mouvement rentra dans le rang. Nicoud, qui se proclamait « apolitique » entretenait d’excellentes relations avec des politiciens de droite, en particulier le très réactionnaire Jean Royer, ancien délégué du fascisant Rassemblement du peuple français (RPF) de De Gaulle, maire de Tours et ministre du Commerce et de l’artisanat sous le gouvernement de Pierre Mesmer. À la demande de Nicoud, Royer fit adopter une loi rendant plus difficile l’ouverture de commerces de plus de 1 000 mètres carrés. Ce qui n’empêcha nullement la prolifération des grandes surfaces.

En résumé, les coups de colère et les révoltes des commerçants et artisans ont toujours fini par être récupérés par les politiciens de droite. D’une part, parce que ces derniers ont su jouer sur les préjugés de classe de ces couches sociales et de leurs leaders (corporatisme, nationalisme, etc.), mais aussi parce que ces mouvements n’ont jamais été dirigés contre le cœur du système capitaliste lui-même, mais seulement contre certains de ses aspects, au demeurant assez secondaires.

J. L.

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