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DOSSIER : Salaires : la contre-offensive s’impose, 300 euros pour tous

De gauche à droite : haro sur les salaires depuis 20 ans

Mis en ligne le 16 janvier 2005 Convergences Politique

« A l’heure actuelle, nous sommes un peu méchants avec les fonctionnaires. Leur pouvoir d’achat a perdu 4,5% depuis 2000 », déclarait, en octobre dernier, Dutreil, ministre de la Fonction publique, devant le parterre choisi d’une « Fondation » d’hommes de droite. C’est à 0,5 % en février, complété de 0,5 % en novembre, qu’il a décidé de limiter l’augmentation des salaires : une baisse supplémentaire du pouvoir d’achat d’au moins 2%, compte tenu de l’inflation.

Après cinq années de revalorisations largement inférieures à la hausse des prix, c’est en réalité près de 6 % qu’ont perdu en pouvoir d’achat les fonctionnaires depuis janvier 2000. Et de juin 1982, date du blocage des salaires décidé par le gouvernement socialiste de Mauroy, à la fin de l’année 1999, les salaires dans la fonction publique avaient déjà perdu 20 % de leur pouvoir d’achat. D’une certaine façon, pour répondre aux vœux du patronat, les gouvernements successifs ont bien donné avec les salaires des agents de l’Etat le ton de la politique salariale d’ensemble qu’ils préconisaient.

Le blocage de 1982 : sous prétexte de juguler l’inflation

A la fin des années 70, le Premier ministre de droite Raymond Barre déclarait que, pour ralentir l’inflation et favoriser les investissements, il n’était plus question que le pouvoir d’achat des salaires continue à progresser, ni même suive la hausse des prix. Ce programme, c’est la gauche qui l’a mis en oeuvre.

Le 13 juin 1982, le gouvernement Mauroy bloquait tous les salaires pour quatre mois. Quant au soi-disant blocage des prix qui devait accompagner celui des salaires, il ne concernait même pas la hausse du prix de l’essence décidée par le gouvernement. S’ajoutait au blocage des salaires une augmentation des cotisations chômage. En mars 1983, un nouveau plan d’austérité faisait suite au premier, avec augmentation des impôts, des tarifs publics, et création du forfait hospitalier (20 F par jour à l’époque, l’équivalent de 6 à 7 euros d’aujourd’hui). Le 13 octobre 1983, Gattaz, responsable du CNPF (ancien nom du Medef) incitait à poursuivre cette politique en déclarant qu’« il faut baisser le pouvoir d’achat ».

Le blocage des salaires de 1982, puis le frein mis aux augmentations dans les années suivantes ne sont pas allés sans réactions. Dans l’automobile notamment avec des grèves pour 300 F pour tous à Renault Flins ou à Chausson en janvier 1983. Mais dans l’ensemble, avec un gouvernement de gauche et jusqu’à l’été 1984 des ministres communistes, les organisations syndicales ont joué le jeu.

Modération salariale de gauche : mode d’emploi

La gauche y mit du sien. Les lois Auroux d’octobre 1982, destinées à favoriser et développer le « dialogue social » (Fillon et Borloo aujourd’hui reprennent la méthode à leur compte) modifiaient, sous couvert de nouveaux droits syndicaux, le cadre des négociations salariales. Elles interdisaient, dans les accords salariaux, toute clause d’indexation des salaires sur le Smic, afin que la révision automatique de celui-ci en fonction de l’indice des prix n’entraîne pas les autres salaires. En quelques années à peine, dans les trois quarts des branches, les minima des conventions collectives sont ainsi passés en dessous du Smic.

Et en instaurant les négociations salariales obligatoires dans chaque entreprise, le but des lois Auroux était aussi de réduire la portée des accords de branche et de laisser chaque patron maître de sa politique salariale, au détriment surtout des salariés des plus petites entreprises.

Une mathématique et un vocabulaire nouveaux envahirent alors le petit monde des négociateurs... et les tracts syndicaux. On calculait en « masse salariale » sur l’année plutôt qu’en « niveau des salaires ». On causait « GVT » (Glissement Vieillesse et Technicité) ou « effet report ». Du fait qu’on n’embauchait moins, la progression des salaires à l’ancienneté augmentait la moyenne salariale : elle était comptabilisée dans les négociations, histoire d’en conclure que sans un centime de plus pour qui n’avait pas changé d’échelon, les salaires avaient déjà grimpé presque autant que les prix. CQFD ! Plus fort encore, dans une période où le taux d’inflation diminuait, les augmentations accordées pour compenser en partie les hausses de prix de l’année écoulée, augmentant la « masse salariale » de l’année suivante, étaient partiellement « reportées » dans les calculs de cette année-là et miraculeusement déduites de ce qui serait dû pour compenser les nouvelles hausses de prix. A l’arrivée, le grand décrochage entre les salaires et les prix.

Salaires à la tête du client

En mars 1984, le ministère des Affaires sociales notait avec satisfaction que les 1 800 accords d’entreprise déjà conclus restaient pour la plupart dans les strictes limites de sa politique de modération salariale. « Aucun syndicat ne s’est distingué dans ce bilan par l’absence totale de paraphe à un accord d’entreprise », soulignait-il.

Enfin ces négociations allaient être l’occasion de faire entériner par les syndicats une plus grande individualisation des salaires, les augmentations individuelles distribuées à la tête du client étant incluses dans le calcul de l’augmentation moyenne accordée. «  En 1986 », note le journal Le Monde du 30 juin 1987, « plus d’un tiers des accords salariaux d’entreprise prévoyaient des dispositions allant dans ce sens ». En 1992, d’après le Ministère du travail, plus de 50 % des entreprises étaient concernées.

Coups de colère

Le coup pris par les salaires dans cette première moitié des années 1980 a suscité, à partir de 1986, un certain nombre de grèves marquantes. Il est vrai qu’on était sous le gouvernement Chirac, qui cohabitait avec Mitterrand depuis la victoire de la droite aux élections législatives du printemps 1986. Les syndicats avaient programmé à l’automne 1986 quatre journées de grève à la SNCF, journées auxquelles ils ne donnaient aucune perspective immédiate. Mais c’est par-dessus leur tête qu’a éclaté la grève, la vraie, celle qui allait durer du 18 décembre au 15 janvier contre les suppressions de postes et surtout pour le rattrapage des salaires, alors que la direction annonçait une nouvelle grille plus désavantageuse. C’était à 700 F, 1 000 F, voire 2 000 F par mois que les grévistes, selon les secteurs, évaluaient le rattrapage nécessaire.

Un peu plus d’un an après, au printemps 1988, c’étaient les ouvriers de Chausson (automobile) puis de la Snecma (aéronautique) qui faisaient grève, demandant respectivement 1 000 F et 1 500 F d’augmentation mensuelle pour tous. A l’automne suivant c’était au tour des infirmières et des postiers. Ces grèves ont été des coups de semonce, où les grévistes, en s’organisant eux-mêmes en comité de grèves et « coordinations » montraient leur méfiance vis-à-vis des directions syndicales et leur volonté d’aller plus loin. Mais elles ne pouvaient à elles seules, tant qu’elles n’entraînaient pas derrière elles une riposte de l’ensemble du monde du travail, suffire à remettre en cause la politique de freinage des salaires.

L’inflation qui avait atteint 14 % en 1981 était retombée à 3 % à la fin de la décennie. Mais pas question de lâcher sur les salaires. La lutte contre le chômage en baissant le coût de la main-d’œuvre pour faciliter l’emploi devenait la nouvelle chanson accompagnant la rigueur salariale.

Chômage partiel et petits boulots

A vrai dire, la forte croissance du chômage (1,6 million de chômeurs indemnisés en 1981, 2,9 millions fin 1993) suffisait déjà largement aux patrons pour maintenir une pression constante sur les salaires.

Et les gouvernements successifs, celui de Chirac entre 1986 et 1988, ceux de Rocard, Cresson puis Bérégovoy entre 1988 et 1993, et de Balladur ensuite, en ont rajouté.

Au nom d’un «  traitement économique du chômage », Rocard lançait un « plan emploi-formation » : les cotisations patronales aux caisses d’allocations familiales étaient baissées de deux points et les patrons allaient recevoir de nouvelles aides financières pour accueillir en « formation » une main-d’œuvre stagiaire bon marché. Ces types de contrats dit « aidés » se sont multipliés au cours des années suivantes.

Quant au travail à temps partiel, rebaptisé depuis 1982 par les soins d’Auroux, « travail à temps choisi », son développement était favorisé. Il fut même un temps, de 1992 à 1998, subventionné par une exonération de 30 % des charges sociales. Représentant 8 % des emplois en 1980, il en représentait 16 % au milieu des années 90, le même chiffre qu’aujourd’hui, soit 4 millions de travailleurs qui doivent vivre, sans l’avoir choisi pour l’immense majorité, d’un salaire amputé.

Le développement rapide des emplois précaires, CDD ou intérim, a aussi largement contribué à tirer les salaires vers le bas. En 1985 trois jeunes sur dix n’avaient comme premier emploi qu’un emploi précaire ; ils étaient six sur dix en 1995, neuf sur dix en 1998.

Une prime aux patrons radins

En 1993 commençait également la longue saga des dégrèvements de cotisations pour les salaires voisins du Smic. Les salariés peu qualifiés coûteraient trop cher : sous ce prétexte, un allègement de cotisations pour les salaires entre 1 fois et 1,3 fois le Smic était instauré par le gouvernement Juppé, étendu progressivement par Aubry à 1,8 fois le Smic. Ces dégrèvements représentaient 2,3 % des cotisations patronales en 1992 et 11,2 % à la fin des années 90. Un véritable encouragement à mal payer, à n’embaucher qu’au plus près possible du salaire minimum.

De l’autre côté, la part des cotisations sociales payées par les salariés a progressé, au fur et à mesure qu’on transformait en CSG (à l’assiette plus large) les cotisations familiales (en 1991), puis les cotisations vieillesse et maladie (en 1994 et 1997). La création de la contribution dite pour le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) créée en 1994 a ponctionné les salaires de 1,3 %. La création de la CRDS, en 1995, de 0,5 % supplémentaire.

35 heures, horaires flexibles, salaires bloqués

Revenue au pouvoir en 1997, la gauche a montré qu’elle avait des traditions : l’instauration des 35 heures à la sauce Aubry a été l’occasion de relancer un blocage des salaires comme en 1982.

Certes, cette fois rien n’était obligatoire, c’était seulement une possibilité offerte aux négociateurs des accords de 35 heures. Les patrons se sont empressés de s’en emparer et les syndicalistes de signer. Pour plus de la moitié des travailleurs concernés par les accords de 35 heures, ceux-ci se sont traduit par un gel des salaires (généralement pour deux ans), à quoi s’est rajouté pour beaucoup, essentiellement dans le milieu ouvrier, une baisse des primes.

Quand Sarkozy débloque

Mais une étoile monte, qui voudrait donner espoir au peuple de France : avant de s’envoler vers son rêve élyséen, Sarkozy a pris une mesure en faveur des salariés : il a décrété le « déblocage » des participations. Cette petite part des salaires versée sous forme de primes a même l’honneur de figurer aux menus des négociations salariales mais reste pendant cinq ans dans les caisses du patron. Pour une fois seulement, cette année, on a eu droit de se la faire verser. Question de nous offrir une prime... avec notre argent.

Olivier BELIN


L’Etat n’est pas Robin des bois

On parle en France d’« Etat providence ». Mais c’est surtout parce que, comme la divine providence, les voies de la redistribution sont impénétrables. La diversité des prélèvements et des prestations, avec leurs assiettes, leurs taux, leurs critères, leurs exonérations, la multiplicité des caisses, constituent une véritable usine à gaz.

D’après l’Insee cette redistribution aurait pour effet de diminuer de 20% le niveau de vie des 20% les plus riches, et d’augmenter de 53% le niveau de vie des 20% les plus pauvres.

Ces chiffres appellent quelques remarques.

1° Il faut vraiment être démuni pour bénéficier du système : les 20 % les plus pauvres (essentiellement des exclus, des parents isolés travaillant à temps partiel, des retraités) gagnent peut-être 53 %, mais les 20 % suivants ne gagnent que 3 % et les autres perdent. Le gros des salariés ne bénéficient donc en rien de « l’Etat providence ». Ils financent eux-mêmes ce qu’ils reçoivent en allocations familiales, allocation de rentrée scolaire, allocation logement, etc.

2° Selon l’Insee, la ponction de 20% sur les riches est due majoritairement à l’impôt sur le revenu. Mais cet impôt rapporte au total (sur tous les contribuables) moins de 50 milliards d’euros. Or, après la redistribution « verticale », la population consomme et paye des taxes : plus de 100 milliards d’euros de TVA, près de 25 milliards en taxes sur l’essence. Cette ponction, deux fois et demie plus importante que l’impôt sur le revenu, efface en grande partie la soi-disant redistribution. D’autant que les taxes sont fondamentalement injustes : quand on est pauvre, on n’a pas les moyens d’épargner, on paye donc la TVA sur la totalité de son revenu. De même, la TVA sera identique (19,6 %) pour le riche qui achète une Twingo à chacun de ses enfants et pour la famille ouvrière qui l’achète après des années d’économies.

J.F.

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