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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 49, janvier-février 2007 > DOSSIER : Gauche, droite, gauche… le piège de l’alternance

DOSSIER : Gauche, droite, gauche… le piège de l’alternance

De Jospin à Villepin : crochet du gauche, puis direct du droit !

Mis en ligne le 18 janvier 2007 Convergences Politique

Depuis 2002, la droite aura aggravé la situation sociale de manière continue, à coups d’attaques nombreuses et brutales : la réforme des retraites, de la sécurité sociale, du « dialogue social », du contrat de travail avec l’invention du CNE, la réforme de la loi des 35 heures. De massives suppressions d’emplois dans tous les services publics (à l’exception bien sûr de l’armée et de la police !) qui ont permis de financer d’extraordinaires cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus fortunés. Tout cela accompagné d’une criminalisation des mouvements sociaux et d’une répression accrue des travailleurs en lutte, des marins de la SNCM aux ouvriers de Thomé-Génot.

Une situation catastrophique

En septembre 2006, le nombre de titulaires du RMI était de 1 247 700, soit une augmentation de 16 % par rapport à décembre 2002 (1 068 923). Les chiffres de la précarité au travail, du mal-logement ou encore de la pauvreté sont tout aussi éloquents. Aujourd’hui, 12 % des salariés sont précaires (CDD, intérim, etc.), environ 3,8 millions de salariés sur 22 millions travaillent à temps partiel, soit 17 % d’entre eux. Pour la moitié d’entre ceux-ci, le salaire net est inférieur à 750 € par mois.

Le taux de chômage (qui ne comptabilise en réalité que la moitié des chômeurs), resté scotché à 10 % [1], ne commence à baisser que depuis peu, grâce à l’accélération des radiations et sans doute, c’est magique, à l’approche de la campagne électorale. Les chômeurs ont vu la durée de leurs indemnisations amputée de 7 à 8 mois dès décembre 2002 avec l’aval de François Fillon alors ministre des Affaires sociales.

En conséquence, selon les critères retenus, la France comptait en 2004 entre 3,6 millions et 6,9 millions de personnes pauvres et le nombre de travailleurs pauvres (moins de 645 € par mois) oscillait autour de 1,3 million de personnes. Alors même que la protection sociale a été largement entamée par les réformes gouvernementales !

Face à un tel bilan de la droite, il n’est pas trop difficile pour la gauche de sembler être... de gauche. On comprend que bien des travailleurs aient envie, sur le terrain électoral, de rendre les coups reçus ces cinq dernières années, en chassant la droite du pouvoir. Mais il ne faudrait pas pour autant devenir complètement amnésique !

Pour mémoire...

Sous le gouvernement Jospin, de 1997 à 2002, la situation des salariés s’est-elle franchement améliorée ?

Le nombre de Rmistes a tout de même augmenté de 2 %. Les salaires ouvriers, globalement gelés, ont parfois franchement baissé. Il y a bien eu baisse des chiffres du chômage, les trois premières années : 3,4 millions de chômeurs en 2000 contre 4 millions en 1997. Mais il est vrai aussi que la gauche a bénéficié d’un regain de croissance. Quand celle-ci s’est enrayée, le chômage a fait un bon de 12 % en un an (de novembre 2000 à novembre 2001) sous l’effet de plans sociaux en rafales.

Surtout, même la baisse du chômage des premières années du gouvernement de la gauche plurielle fut un trompe-l’œil. Car, dans le même temps, le travail précaire augmentait à vive allure, l’État donnant même l’exemple en créant les emplois jeunes, ce CDD d’un an renouvelable cinq fois, payé au Smic, à destination de la fonction publique. La société française s’américanisait un peu : moins de chômeurs mais, à la place, la banalisation des petits jobs précaires sous-payés, et la multiplication des « travailleurs pauvres ».

En 2002, le terrain était bien préparé

Si la situation des travailleurs s’est brutalement aggravée au cours des cinq dernières années, il s’agit donc d’un glissement à long terme où la gauche aura eu un rôle non négligeable. Y compris en commençant et préparant des réformes réalisées par la droite ! Pour preuve, bien des scénarios mis en œuvre par le gouvernement Raffarin à son arrivée étaient issus des cartons ou projets déjà en cours, de la gauche plurielle. Le plus emblématique, celui de la réforme des retraites trouve son inspiration dans le rapport Charpin (octobre 1998) qui préconisait déjà l’allongement du nombre d’années de cotisations jusqu’à 42 ans et demi. Jospin s’engagera à le faire en compagnie de Chirac au sommet européen de Barcelone.

Comment ceux qui se sont battus contre la réforme Fillon pourraient-ils donc placer leur confiance dans les politiciens socialistes ?

Et les chômeurs, alors que le plan d’aide au retour à l’emploi (Pare), accord entre le Medef et les syndicats qui vise à radier les chômeurs des liste de l’Unedic plus rapidement, a été entériné par Martine Aubry ? Alors que les chômeurs qui occupèrent les assedics pour arracher une amélioration de leur sort en furent chassés à coups de matraque par les CRS de Chevènement ?

Et ceux qui se sont battus contre le CPE, alors que la précarité du travail avait plus que jamais augmenté sous Jospin, y compris dans le public ? Et les licenciés ? À peine élu en 1997, Jospin trahissait sa promesse de revenir sur la fermeture de Renault-Vilvoorde en déclarant « qu’on ne vivait plus dans une économie administrée », en bref que les salariés se débrouillent.

Gauche, puis droite : le rythme des attaques n’a pas été le même mais, en définitive, elles sont toujours là. C’est pourquoi le patronat, lui, se soucie bien peu de la couleur politique du moment. Car c’est bien le patronat, en définitive, qui fait l’essentiel de la politique économique, impose le rythme des dégradations sociales, refaçonne la société selon ses intérêts. La classe politique, qu’elle émarge au PS, à l’UMP ou à l’UDF, ne fait finalement qu’accompagner le mouvement, dans un emballage plus ou moins cynique... ou « social ».

Marc OUSSY


Les 35 heures, chef-d’œuvre de la gauche plurielle ?

Sociale, la loi Aubry sur les 35 heures ? La propagande de la droite et du Medef finirait presque par nous le faire croire ! Sous prétexte d’une diminution du temps de travail, elle a pourtant exaucé l’un des vieux rêves du patronat : organiser les horaires du travail à sa guise, en annualisant le temps de travail. Une semaine à 48 heures, la suivante à 20 heures, c’est au bon vouloir du patron. Un aspect particulièrement important est que les modalités d’application de cette loi se sont discutées entreprise par entreprise, ce qui était évidemment très favorable aux patrons du point de vue du rapport de force. Résultat : le passage aux 35 heures s’est accompagné de blocages de salaires la plupart du temps et a permis la remise en cause de toutes les conventions collectives. Fillon aura d’ailleurs su l’utiliser lors de sa loi sur le dialogue social qui permet aux accords d’entreprises de déroger sans condition aux accords de branches : la négociation entreprise par entreprise est devenue une pratique courante.

Au bilan : si, parfois, des cadres ont pu retirer de la loi des week-ends prolongés, les ouvriers et la plupart des employés ont échangé le gel des salaires contre plus de flexibilité plutôt qu’une vraie baisse du travail. Au chapitre des services rendus au patronat, la droite peut être jalouse.


[1Tous ces chiffres proviennent de l’observatoire de l’inégalité et de l’Insee.

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