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Dame de compagnie : en immersion au pays de la vieillesse, de Ixchel Delaporte

Editions du Rouergue, 218 p., 2021 – 19,90 €

3 décembre 2021 Article Culture

Dans son nouveau livre Dame de compagnie : en immersion au pays de la vieillesse, la documentariste Ixchel Delaporte nous livre un témoignage saisissant de huit mois de travail dans le service à la personne âgée [1]. L’autrice insiste dans ces pages sur les conséquences du mauvais traitement de ces travailleuses sur le quotidien des personnes âgées, dans ce marché juteux de la « silver économie », ou économie des seniors. Au fil du récit d’entretiens d’embauche à la chaîne, on en apprend beaucoup sur cette profession : moyenne d’âge autour de 45 ans, 98 % de femmes, en majorité immigrées, temps partiel en CDI avec horaires fragmentés, week-end compris. La désertion est courante, car les femmes qui postulent le font par nécessité et non par vocation, étant donné la dureté des conditions de travail imposées. Sur les premiers mois de son expérience d’aide à domicile, Ixchel a gagné entre 353 et 527 euros net en fonction des heures travaillées. Un emploi « low cost », comme elle le dit si bien.

Une profession essentielle pour répondre aux besoins des personnes âgées

Le livre fourmille de détails sur sa relation parfois intime avec ses bénéficiaires, dont Hélène, 78 ans, atteinte de la maladie de Parkinson. Une relation qui, à l’image de celles entretenues avec le couple Padilla et avec Simone, Ginette et Catherine, nous fait mesurer à quel point l’aide à domicile représente pour ces personnes le seul lien avec l’extérieur.

Mais l’attitude des agences qui emploient les aides à domicile est elle aussi clairement dénoncée. C’est le cas lorsque l’autrice raconte, au moment de sa première démission, les pressions de sa direction, furieuse de risquer de perdre par la même occasion Hélène, une bénéficiaire qu’elle considérait comme une poule aux œufs d’or. Par ailleurs, une agence impose à Ixchel, sans formation, de s’occuper de Paulette, une personne âgée atteinte d’une déficience mentale. C’est que les entreprises du secteur cachent aux employées une réalité qu’elles découvrent sur place, se sentant alors particulièrement démunies. Ainsi va le marché de la « silver économie », qui pèse en France plus de 92 milliards d’euros.

Des arrêts de travail et des démissions en cascade, une conséquence de l’exploitation

Au cours de ses mois d’expérience, Ixchel Delaporte subit le rythme infernal des cadences, les prestations s’enchaînant avec à peine un quart d’heure de battement. Et c’est seulement au bout de cinq mois qu’elle rencontre des collègues. À chaque fois, c’est la même chose : on apprend que les entreprises abusent de leurs salariées, les contraignant souvent à rallonger leurs heures et à travailler gratuitement. Des heures de prestations sont également rajoutées au dernier moment, si bien qu’Ixchel, « pressée comme un citron » par sa boîte, décide de démissionner, et que Marie-Hélène, qui travaille depuis plus longtemps dans le secteur, se retrouve en arrêt pour accident du travail.

Mais le livre d’Ixchel Delaporte, qui décrit très bien le quotidien des aides à domicile en se focalisant sur l’expérience personnelle de l’autrice et des collègues rencontrées sur sa route, ne mentionne pas les luttes qui ont commencé juste avant son immersion et qui rompent justement avec le climat de résignation qu’elle décrit [2]. Ce livre n’en demeure pas moins un excellent témoignage de la réalité de ce métier essentiel, mal considéré et mal payé, mais aussi du quotidien des personnes âgées en situation de dépendance dont l’autrice fait le portrait.

Martin Eraud


[1À ce sujet, écouter l’émission de France Inter du 14 novembre 2021 : Accompagner la détresse des personnes âgées, avec Ixchel Delaporte (https://www.franceinter.fr/emission...).

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