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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 60, novembre-décembre 2008

Crise de l’automobile : les chauffards veulent garder le volant

Mis en ligne le 2 décembre 2008 Convergences Politique

Fermeture temporaire de sites de production et chômage partiel en France ou en Allemagne, mais aussi dans les pays de l’Est, au Brésil ou en Chine. Licenciements aux États-Unis… L’automobile est entrée dans une zone de grosses turbulences. Pas un constructeur ne semble en réchapper, entraînant dans son sillage équipementiers et sous-traitants. Renault et PSA en France. Nissan ou Toyota au Japon. BMW ou Mercedes en Allemagne. Ford ou General Motors aux États-Unis... La crise s’étend maintenant à tous les continents, touchant aussi bien les pays riches que ceux dits « émergents ».

La crise ne fait qu’augmenter une concurrence entre constructeurs pourtant déjà exacerbée. Ainsi, cela fait des années que les constructeurs américains, les « big three » (General Motors, Ford et Chrysler) sont à la peine dans le combat qui les oppose, aux États-Unis, aux constructeurs japonais. La crise actuelle pourrait bien être l’estocade finale pour certains constructeurs… et une opportunité de développement pour d’autres. En tout cas, les mois et les années qui viennent seront certainement l’occasion de grandes manœuvres, d’alliances voire de rachats.

Le coup de la panne

Pour justifier ces dizaines de milliers de mises au chômage, partiel ou total, tous les constructeurs automobiles invoquent la crise financière et ses effets sur l’économie réelle. Les particuliers comme les entreprises dépensant moins, les achats de voitures sont reportés et les ventes chutent ? Oui, mais des réductions d’effectifs étaient déjà annoncées, voire en cours. Car la crise actuelle survient dans une période où les surcapacités de production industrielle, résultat d’une hausse continue de la productivité ces dernières années, sont déjà énormes.

Face à un marché automobile stagnant dans les pays riches, les constructeurs automobiles s’étaient fixé principalement deux objectifs. Premièrement, accélérer les gains de productivité en baissant les coûts de production, en réduisant la masse salariale (les salaires et les effectifs), en augmentant les cadences de production, en délocalisant pour faire baisser le coût de main-d’œuvre, etc. Ce qui fait que même avant la crise actuelle, c’était déjà la crise pour les travailleurs. Deuxièmement, gagner des parts de marché dans les pays « émergents » (Chine, Inde, Russie, etc.) en pleine croissance et dont les marchés automobiles étaient en hausse.

La crise financière et la baisse des ventes dans les pays riches mais aussi, par effet de dominos, dans les pays émergents change donc la donne, mais pas la trajectoire. Certains y voient même un bon prétexte pour mettre en œuvre des réductions d’effectifs dans le seul but d’augmenter les profits. Ailleurs les réductions de coûts prévues sont revues à la hausse, la baisse des ventes creusant davantage le décalage entre les capacités de production et les possibilités d’écouler cette production, entraînant la réduction (chômage partiel) voire la destruction de ces capacités de production (fermeture de site).

Bien sûr, face à la baisse des ventes, les patrons n’envisagent jamais de baisser les cadences de production ou de diminuer l’intensité du travail. Ce serait baisser la productivité et aurait un effet sur leurs profits. Ainsi, en pleine crise, parallèlement aux mesures de chômage partiel et de réduction d’effectif, ici on programme des heures supplémentaires, là une augmentation moyenne du temps de travail suite à des remises en cause d’ARTT (accords de réduction du temps de travail).

La dépanneuse de l’État

Ce grand monopoly est à peine troublé par l’intervention des États. On se souvient que jusqu’à très récemment les constructeurs ne juraient que par le marché et la libre concurrence. Il s’agissait alors de faire tomber les barrières protectionnistes, ce vieux fatras qui barrait la route au progrès. Il fallait non seulement qu’il n’y ait plus de marchés nationaux protégés, mais même de constructeur national. Les « petits » constructeurs (Skoda, Dacia, Seat, Saab, Daewoo, etc.) tombaient dans l’escarcelle des grands, qui ne rêvaient eux-mêmes que de s’entre-dévorer. En Asie, Renault, tout juste privatisée en 1996, « sauvait » Nissan en 1999, liquidant au passage 21 000 emplois. En Europe de l’Est, la chute des régimes staliniens donnait des démangeaisons à tous les constructeurs automobiles de l’Ouest, allemands mais aussi français ou italiens.

L’État tant décrié hier revient donc aujourd’hui à la mode. Tous les patrons implorent son aide. Et pas une aumône. Dans ce domaine, on parle en dizaines de milliards d’euros ou de dollars. Et les centaines de milliards de profits réalisés ces dernières années ? Disparus dans quelques paradis fiscaux. Envolés dans les casinos boursiers de la planète. Oubliés aussi les milliards de bénéfices toujours réalisés par la plupart des constructeurs. Car, si la tendance est certes globalement à la baisse des profits, ceux-ci ont encore de beaux restes : 6,4 milliards d’euros pour Porsche pour l’exercice 2007/2008, 1,5 milliard pour Renault sur les six premiers mois de l’année 2008, etc.

Pour « sauver » l’automobile, les États sont donc prêts à mettre la main à la poche. Dans celle du contribuable bien sûr. Pour sauver l’emploi naturellement. Mais n’a-t-on pas déjà entendu cette vieille rengaine ? Obama, à peine élu, promet des aides aux constructeurs américains qui réclament 25 milliards de dollars. Les constructeurs européens demandent 40 milliards d’euros, pas moins.

Les États ne fixent pratiquement aucune contrepartie à leur aide. Il suffira aux constructeurs de promettre de tout faire pour garantir l’emploi. Quant au terme même de nationalisation, cela reste toujours pour l’instant un gros mot. L’État aide mais ne s’immisce pas. Les ouvriers de l’automobile mis au chômage technique, avec jusqu’à 30 % de baisse de salaire comme à Renault Sandouville, n’ont pas droit au même régime de faveur.

Des syndicats qui jouent les mécanos

Les constructeurs peuvent compter sans crainte sur la béquille de l’État. Mieux encore, sur celle de certains syndicats.

Il ne s’agit pas seulement de taire les revendications, notamment en termes de salaires et de temps de travail. Face aux supposées difficultés rencontrées par certains constructeurs, de nombreux syndicats avalisent les concessions et se montrent solidaires de leur direction.

À General Motors aux États-Unis, l’UAW a accepté l’an dernier la baisse de moitié du salaire d’embauche, en échange de la reprise de la gestion déficitaire des caisses de retraites.

À Renault, tous les syndicats sauf la CGT et SUD, ont signé des accords aggravant la flexibilité. Même scénario à PSA à propos de la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) qui a permis à la direction de supprimer depuis deux ans des milliers d’emplois, en douceur et sans conflit

Pire, les syndicats CGC, FO et la CFTC de Renault viennent de monter au créneau pour défendre la direction attaquée en justice par la CGT qui tente de faire annuler le plan de 4 000 départs volontaires. Leur argument ? En cette période de crise, un plan de départs volontaires est toujours moins pire que des licenciements ! État, patrons, syndicats. La crise se pare des oripeaux de l’union sacrée.

En France, les suppressions d’emplois ont bien déclenché quelques mouvements locaux. Autour des salariés de Ford Blanquefort, près de Bordeaux. Ou des travailleurs de l’usine General Motors à l’origine d’une manifestation de 500 personnes fin octobre à Strasbourg. Ou encore des salariés de Renault Sandouville près du Havre où 2 500 personnes ont manifesté le 8 novembre. Mais les militants et les syndicats les plus combatifs restent le plus souvent isolés. Les directions syndicales nationales ne donnent aucune perspective à la mesure des attaques. Ni mots d’ordre. Ni manifestations nationales.

Le 10 octobre dernier, l’appel de la CGT à manifester au Mondial de l’automobile à Paris avait pourtant recueilli un bon écho : plus de 3 000 salariés de l’automobile (Renault, PSA, équipementiers) avaient répondu présents, envahissant le salon de l’auto aux cris de « interdiction des licenciements » et de « 300 € d’augmentation pour tous » ! La preuve que ce genre d’initiatives peut avoir du succès. Mais depuis, aucune nouvelle mobilisation n’est annoncée.

Avec un bon GPS…

Il faudra donc que les initiatives partent de la base. Dans les syndicats, parmi les militants et les syndiqués. Et, au-delà, parmi tous les non-syndiqués qui forment depuis longtemps l’écrasante majorité des salariés. Car la crise peut mettre en action de nombreux travailleurs du rang et qui pourraient décider de prendre leur sort en main autour d’objectifs clairs :

  • interdiction des licenciements, sous toutes leurs formes : départs volontaires, GPEC... ;
  • maintien des rémunérations en cas de chômage technique ou de baisse des primes liées aux résultats financiers ;
  • augmentation des salaires pour faire face à la baisse du pouvoir d’achat et sur la base des profits énormes réalisés ces dernières années ;
  • contrôle des comptes des entreprises par les travailleurs, car c’est aux riches de payer leur crise avec les fortunes qu’ils ont accumulées ces dernières années.

Un vaste programme ! Plus utopique dans cette période de crise que les centaines de milliards déversés aux banques et aux industriels sans contrepartie ? En fait, ce sont les seuls objectifs réalistes pour que ce ne soit pas encore une fois uniquement les travailleurs qui fassent les frais de la crise.

Une gageure tant les travailleurs se sentent impuissants ? Pas si un mouvement d’ensemble, qui ferait converger toutes les luttes vers des actions et des objectifs communs, changeait le rapport des forces.

20 novembre 2008

Gilles SEGUIN


Renault invente le congéthon

Face « aux difficultés que traversent l’entreprise », la direction et les syndicats de Renault, sauf CGT et SUD, viennent de signer un accord pour permettre aux salariés qui ne sont pas touchés par le chômage technique de céder un jour de congé (RTT) aux collègues qui le subissent. Ces jours, monnayés et versés dans un fonds spécifique, pourraient permettre d’augmenter l’indemnité versée à ces derniers. Pour chaque jour de RTT versé, la direction abonderait 110 % de cette somme. C’est dire que la direction ne paiera que si les salariés donnent de leur poche. Une sorte de téléthon pour les chômeurs !

Le chômage technique devient en effet un véritable fléau. Plutôt que de baisser les cadences de production pour suivre la baisse des ventes, et alors que les délais pour obtenir un véhicule s’allongent (jusqu’à 120 jours pour se faire livrer une Clio 3 fabriquée à Flins), Renault a choisi de fermer ses sites de production pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois comme à Douai. Les salariés sont d’abord priés de prendre dans leurs « compteurs » (leur réserve de jours de congés et de formation). Et quand il ne leur reste plus rien, comme à Sandouville, ils passent sous le régime du chômage technique (ou partiel).

Ce qui signifie perdre pas mal d’argent puisque les indemnités, payées principalement par l’État et les salariés, se montent à environ 65 % du salaire nominal, un pourcentage que les « dons » demandés aux autres salariés pourraient faire passer au mieux à 75 % .

Des accords d’entreprise excluent pour l’instant du chômage technique les techniciens (ETAM) qui sont rémunérés sur la base d’un forfait d’heures mensuelles ou les cadres qui sont en forfait jours. Les salariés concernés par le chômage technique sont donc principalement les ouvriers de production. Plutôt que d’interdire le chômage technique et de maintenir l’intégralité du salaire, l’idée de la direction et de certains syndicats est donc de permettre la solidarité des techniciens et des cadres envers les ouvriers.

Les sacrifices seraient ainsi répartis entre tout le monde. Vraiment ?

Pourtant Renault continue de faire des bénéfices : 1,5 milliards sur les six premiers mois de 2008 et 2 milliards attendus en fin d’année. Pourtant il a été versé un milliard de dividendes aux actionnaires en mai 2008 et Renault s’apprête à leur verser 1,3 milliards en 2009. Pourtant Carlos Ghosn a gagné 7,4 millions d’euros en 2006 et a touché 780 000 € de stock options en 2007. Pourtant Renault a fait des dizaines de milliards de profits ces vingt dernières années, grâce notamment à l’augmentation des cadences qui a abouti à la crise présente.

Mais pas question pour eux de toucher à ces milliards. Pour cela, il faudra sûrement que les salariés donnent… des jours de grève.

G.S.

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Réactions à cet article

  • Depuis des années déjà s’est développée une surproduction d‘automobiles et une surcapacité criante de ces entreprises. Personne conteste que le transport routier individuel des personnes et des marchandises est un des plus important facteur provocant la crise climatique qui explose. Dans les banlieues des grandes agglomérations, il est souvent difficile de joindre les banlieues avoisinantes. D’ailleurs il est bien connu que le transport individuels coûte très chers à la société (construction de l’infrastructure routières, couts de accidents, pollutions....) mais la production pour le profits à court terme préfère cette mode de production où une grande partie des frais est „socialisée“ et les profits énormes sont privatisées par les grands trusts de l’automobile, pétroliers.... Pourquoi alors les communistes n‘osent pas des propositions qui amélioraient sérieusement les transports en communs et gratuit et de transformer les usines d’automobiles pour fabricer des tramways qui sont connus d‘être de loins (!) le moins chere mode de transport en commun. Dans le 93 près de Paris : le terminus du métro à Bobigny est relayé par tramway à la ville de St.Denis. Il serait surtout dans l’intérêt du monde du travail d‘allonger cette ligne de tramway, voire construire un réseau qui entoure toute l’agglomération parisienne comme une, voire plusieurs, périphériques. Il ne fallait plus aller de la périphérie au centre et de retour. Vue la pollution des grandes agglommérations les révolutionnaires ne doivent pas se battre seulement pour des emplois utiles mais se rendre compte du réchauffement de la terre donc les conséquences coûteront plus chère encore que la crise économique actuelles engendrée par le gâchis et l‘anarchie de la production capitaliste. Les révolutionnaires ne dédaignent pas de se batttre pour les salaires et la fameuse „tasse de thé“ comme disait Lénine mais ils savent bien qu’il faut une explosion sociale et des grêves généralisées qui en sont des préalables à toute sérieuse amélioration de la vie du monde du travail, mais il faut avoir des perspectives dans toutes les domaines et aussi dans la crise la plus grave qui nous menace aujourd’hui, et qui s’aggrave chaque jour surtout dans les pays les plus pauvres.

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