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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 71, octobre 2010

Courrier des lecteurs : La Chine ne va pas dominer le monde, mais elle va en dominer une partie

Mis en ligne le 23 octobre 2010 Convergences Monde

Le dossier sur la Chine publié dans Convergences n° 70 de septembre 2010 marque une certaine évolution par rapport à la tribune de la Fraction du 21 février 2005 publiée dans la revue Lutte de classe, qui s’appliquait à minimiser le développement de l’économie chinoise de façon caricaturale et ironisait sur ceux qui prétendaient que la Chine serait la seconde économie du monde, devant le Japon… en 2020, alors qu’elle l’est, de fait, en 2010. Toutefois, ce dossier qui entend polémiquer avec des analyses et des auteurs, non précisés, prétendant que la Chine « va dominer le monde », s’efforce encore de nier que la Chine est passée de la situation de pays semi-colonial dominé par l’impérialisme à celle d’impérialisme de premier plan, même si elle est très loin de pouvoir concurrencer les États-Unis à l’échelle mondiale.

Parmi les arguments invoqués par les auteurs de ce dossier : la dépendance technologique de la Chine et le fait que, selon eux, la Chine « ne lance pas ses capitaux à l’assaut du monde » (sic). D’une part, la Chine se positionne aujourd’hui comme le cinquième investisseur mondial, derrière les États-Unis, le Japon, l’Allemagne et la France, mais devant l’Angleterre, ce qui n’est pas rien. D’autre part, si la Chine est encore dépendante de certaines technologies, elle tend de plus en plus à s’en libérer. Et ce qui compte, ce n’est pas la situation de cette dépendance à un moment donnée, mais les tendances de son évolution. C’est ainsi que la part des produits de haute technologie dans les exportations chinoises est passé de 12 % en 1990 à 37 % en 2005, soit le même pourcentage que les États-Unis. La Chine arrive aujourd’hui à la seconde place derrière les États-Unis par le nombre de chercheurs scientifiques formés chaque année. On pourrait multiplier les exemples car il semble que les auteurs de ce dossier aient sélectionné les éléments qui vont dans le sens de leurs préjugés, de façon à minimiser encore une fois le développement de la Chine.

Bien que la Chine reste incontestablement marquée par de profondes contradictions et le sous-développement de la majeure partie de son territoire, son rôle sur l’échiquier mondial n’est plus seulement celui d’atelier de montage et d’exportateur de produits textiles fabriqués par une main d’œuvre à bon marché. La centralisation de la majeure partie de ses moyens par l’État, jointe à l’importance de ses richesses et de sa population, lui a permis d’accumuler un capital suffisant pour concurrencer dans de nombreux domaines les grandes puissances déjà établies et leurs trusts. La Chine participe désormais à la course au pillage des richesses naturelles dans de nombreuses régions du monde : Asie (sa zone d’influence privilégiée), mais aussi Afrique et Amérique latine. On peut donc considérer que la Chine est devenue ou en passe de devenir un impérialisme de premier plan, loin devant certains vieux impérialismes du début du vingtième siècle, comme l’Italie. Quant à la faiblesse de son marché intérieur, souvent pointée comme une de ses faiblesses, elle doit être relativisée avec le développement, à côté de la grande bourgeoisie, de nouvelles couches sociales urbaines représentant au moins une centaine de millions de consommateurs potentiels. (Et non plus 30 millions comme l’affirmait Convergences en 2005, déjà en retard sur la réalité.)

Il faut enfin souligner que la Chine, à l’échelle historique, dans la période qui va de la veille de la guerre de 1914 à nos jours, s’est développée beaucoup plus vite que l’URSS-Russie (même en limitant la période de comparaison à 1991), bien qu’elle soit partie d’un niveau plus bas et d’une situation beaucoup plus défavorable, dans la mesure où elle fut morcelée, dominée et occupée par les puissances impérialistes – ce qui ne fut jamais le cas de la Russie, déjà considérée comme un État impérialiste en 1914.

Cette « performance » devrait conduire les trotskistes à réfléchir sur le dogme selon lequel seul un « État ouvrier », même dégénéré, avait la possibilité de se développer aussi vite.

En l’absence de révolution, comme le signale Convergences, le capitalisme a continué à transformer le monde, à développer les forces productives à un rythme sans précédent. C’est dans le cadre de ce développement « inégal et combiné « que de nouveaux impérialismes régionaux et mondiaux apparaissent, tandis que certains vieux impérialismes sont relégués à des places de second rang.

G.R., Paris


La tribune de la Fraction dans Lutte de classe de février 2005 minimisait peut-être – quoi que… – à force de nuances, le développement de l’économie chinoise mais, cinq ans plus tard, histoire de ne pas tomber dans la caricature comme nous y invite notre ami lecteur, nous serions néanmoins plus prudents que lui qui affirme (comme certains raccourcis de presse) que l’économie chinoise est désormais « la seconde économie du monde ». En termes de PIB absolu... peut-être. D’autant que la Chine comprend plus d’un milliard trois cent mille habitants. À ce compte-là, cela ferait déjà un bout de temps que la Chine devancerait l’impérialisme français et d’autres ! En fait, en termes de PIB par habitant, indicateur également contestable mais néanmoins plus parlant, la Chine arriverait au 87e rang des économies mondiales, entre l’Ukraine et le Gabon ! Bref, autant pondérer son jugement avant d’annoncer que la Chine est parvenue au stade « d’un impérialisme de premier plan ». Pas de péril chinois imminent au sein de l’ordre capitalisme mondial. Certes, notre dossier aurait pu affirmer que la Chine est une puissance impérialiste, en tout cas pas moins que la Suisse ou les Pays Bas. Mais que faudrait-il en déduire ? Qu’elle serait en mesure de renverser les rapports de force entre puissances impérialistes ? Nous laisserons le soin à notre lecteur de s’aventurer dans de tels pronostics.

Quant au « dogme selon lequel seul un ‘État ouvrier’, même dégénéré, avait la possibilité de se développer aussi vite », ce n’est certainement pas celui des trotskystes que nous sommes, qui n’avons jamais cru au « socialisme dans un seul pays ». Pas plus d’ailleurs qu’au capitalisme dans un seul pays ! Et dans son argumentation, ce camarade semble oublier une dimension essentielle de l’essor actuel de l’économie chinoise, son rôle tout particulier dans la division mondiale du travail sous l’égide d’un impérialisme toujours dominant. Ce sur quoi certains articles de notre dossier s’efforçaient de faire le point.

Où, en revanche, nous sommes bien d’accord avec lui, c’est, comme nous l’avons écrit, « qu’en l’absence de révolution le capitalisme a continué à transformer le monde… ». Mais pas tant, comme il l’affirme, pour reléguer certains vieux impérialismes à des places de second rang (pour l’heure on en est loin !), que pour faire surgir en moins de deux décennies des centaines de millions de nouveaux prolétaires faisant une entrée spectaculaire dans la lutte de classe. Là était l’objectif essentiel de ce dossier, à partir de l’exemple de la Chine.

La rédaction de Convergences révolutionnaires

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