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DOSSIER : Catalogne

Comment la droite catalane s’est mise en marche vers l’indépendance

Mis en ligne le 7 novembre 2017 Convergences Monde

Fin 2010, Artur Mas remporta les élections au Parlement catalan et devint Président de la Généralité. Il se présentait alors toujours, à l’image de son mentor Jordi Pujol, comme un bon gestionnaire, de droite, pour la Catalogne. Mais la crise battait son plein et sa politique fut d’abord de multiplier les coupes budgétaires sur les services publics, la santé, l’enseignement, les aides sociales, etc.

En mai 2011, le mouvement des Indignés, initié à Madrid, s’étendit vite à Barcelone. Les protestataires occupèrent la place de Catalogne, dénonçant tous les hommes politiques, ceux de Madrid comme ceux de Barcelone. La police catalane fût chargée d’évacuer, sans ménagement, le campement des Indignés. Mais ces derniers ne se démobilisèrent pas.

En juin 2011, une manifestation entoura le Parlement catalan où le vote de coupes budgétaires était à l’ordre du jour. Artur Mas fut contraint d’emprunter un hélicoptère pour accéder au Parlement. Si, à la contestation de la rue, on ajoute toutes les affaires de corruption qui touchaient son parti, décidément, Artur Mas était en bien mauvaise posture.

Du « pacte fiscal » au « droit à décider »

En 2012, Artur Mas demanda à Mariano Rajoy (arrivé au pouvoir à Madrid fin 2011) de renégocier un « pacte fiscal », une modification des modalités de gestion des ressources budgétaires par la Généralité de Catalogne. Mariano Rajoy lui opposa une fin de non-recevoir.

C’est alors qu’Artur Mas décida d’engager un bras de fer contre Madrid et annonça un tournant vers une possible indépendance. Il commença à parler du « droit à décider » des Catalans, modifia ses alliances en faisant bloc avec l’ERC et se rapprocha des associations indépendantistes ANC et Òmnium cultural, qui allaient devenir des relais de la politique du gouvernement de la Généralité. Il chercha à se dédouaner de sa politique anti-ouvrière en accusant Madrid d’étrangler financièrement la Catalogne.

Ce fut le début du procès (le processus) vers l’indépendance, marquée par les grandes manifestations tous les 11 septembre depuis 2012. Ce procès avançait à pas de tortue. Pendant que l’on parlait de « projet de pays », de « droit à décider », de « nouveau pays d’Europe » et autres belles formules… le quotidien des mesures adoptées par le gouvernement Mas restait le même. La répression de la contestation sociale ne cessait pas : lors de la grève générale du 14 novembre 2012, une manifestante perdit un œil d’un tir de balle de gomme… de la police catalane.

Le 9 novembre 2014, une première consultation, interdite par les autorités de Madrid, mais que Rajoy n’avait pas cherché à empêcher par la force, se tint. 80 % des votants se prononcèrent pour l’indépendance, mais avec une participation de l’ordre de 33 % (un peu moins de deux millions de votes favorables à l’indépendance).

La réponse du gouvernement de Rajoy resta inchangée : pour Madrid, la consultation était illégale, l’indépendance de la Catalogne impossible car contraire à la Constitution, il n’y avait rien à discuter.

Artur Mas remplacé par Puigdemont : quand « l’extrême gauche » vient au secours de la droite

Le 27 septembre 2015, eurent lieu des « élections plébiscitaires » comme les avait appelées Artur Mas en les convoquant après une deuxième dissolution du Parlement catalan (la première avait eu lieu fin 2012). Dans ces élections, se présentait une liste large de partisans de l’indépendance, mêlant CDC (le parti d’Artur Mas) avec l’ERC, d’autres formations et des personnalités de la « société civile ». La liste avait l’indépendance pour seul programme, et s’appelait Junts pel Sí. Artur Mas ne se présentait pas comme tête de liste (on préférait mettre en avant une personnalité issue de la gauche), même si toute la manœuvre visait à lui garder la place de Président de la Généralité. C’est que tout portait à croire que s’ils s’étaient présentés sur des listes séparées, les indépendantistes de gauche de l’ERC seraient arrivés en tête devant le parti d’Artur Mas.

Mais cette coalition connut un revers électoral. D’une part, elle se retrouvait bien en-dessous des 50 % des voix espérés pour légitimer le programme de l’indépendance (39,59 % des voix). Et, d’autre part, elle ne parvenait pas à conserver la majorité absolue au parlement (62 députés sur 135). Pour gouverner avec une feuille de route indépendantiste, la seule possibilité était d’obtenir l’appui des députés de la CUP (10 députés avec 8,21 % des voix), une formation indépendantiste située à l’extrême gauche qui était restée en dehors de la coalition. Après plusieurs semaines de négociations et de débats internes, la CUP accepta d’accorder son soutien parlementaire à Junts pel Sí, mais à la condition qu’Artur Mas se retire. C’est Carles Puigdemont, le maire de Gérone, un presque inconnu dans la vie politique catalane, qui fut désigné par Artur Mas pour prendre la direction du gouvernement de la Généralité. Mais, si Artur Mas s’était mis en retrait, sa politique demeurait. Son parti, renommé depuis PDeCAT, est resté à la tête du gouvernement régional. La CUP pouvait bien se féliciter d’avoir renvoyé Artur Mas aux poubelles de l’histoire… elle s’était surtout engagée à ne rien faire qui puisse gêner Puigdemont.

Le gouvernement de Puigdemont a-t-il attendu en vain des propositions de Rajoy ? Un changement de gouvernement à Madrid pour faciliter les négociations ? En tout cas, c’est un an et demi après son arrivée au pouvoir à la Généralité que Puigdemont a décidé, en convoquant le référendum du 1er octobre, d’accélérer sa marche en avant vers l’indépendance. Un moyen de se refaire une popularité dans un milieu indépendantiste qui trouvait que le procès n’avançait plus.

Un moyen aussi de remettre au-devant de la scène la question de l’indépendance. Les élections législatives pour le parlement espagnol de 2015 et 2016 avaient été marquées en Catalogne par un bon score électoral pour la coalition de gauche En Comù Podem (incluant Podemos et d’autres forces à la gauche du PSC), autour de 25 %. L’engouement pour la perspective nationaliste de l’indépendance semblait bien être en recul dans la population, notamment dans les couches populaires. En accélérant le rythme, Puigdemont pouvait remettre sur le devant de la scène l’affrontement avec Madrid et remobiliser derrière lui.

Il est certain que, en convoquant un référendum, Puigdemont cherchait à faire une démonstration de force destinée à montrer que le gouvernement catalan est capable de mobiliser derrière lui et à servir dans un bras de fer avec Madrid. Mais en aucun cas fait pour que la population prenne en main son destin. En tout cas, peu lui importe que la marche forcée vers l’indépendance ait créé des tensions dans la population catalane. Puigdemont n’est pas plus démocrate que Rajoy.

M.C.

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