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Colère des hospitaliers : Véran alpagué lors de sa visite au CHU de Grenoble

Mis en ligne le 14 novembre 2021 Convergences Politique

En visite au CHU de Grenoble, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a été accueilli par plus d’une centaine d’hospitaliers en colère. Conscient de son manque de popularité, y compris dans cet hôpital où il a pourtant exercé avant de devenir ministre, il avait tenu à garder sa visite secrète. Peine perdue, un comité d’accueil l’attendait à son arrivée. Banderoles, slogans, sirènes d’ambulance, le rassemblement a visiblement effrayé le ministre qui n’a même pas osé s’adresser à ses anciens collègues et a préféré rejoindre le bâtiment… par les sous-sols. Il a dû mener son opération de communication sous les huées et les slogans de la foule à l’extérieur. Un signal fort de la colère qui monte chez les hospitaliers.

« Des millions pour un bâtiment, pas de lits pour les patients ! »

Venus de plusieurs centres hospitaliers de la région, différents corps de métier étaient présents : aides-soignants, infirmiers, médecins, agents administratifs, mais aussi ambulanciers et infirmiers de bloc et anesthésistes respectivement en plein mouvements nationaux de grève. Le ministre venait annoncer de futurs plans d’investissements dans différents établissements hospitaliers mais la réponse des soignants est sans appel : cet argent ne règlera pas le manque criant de personnel. La preuve par Voiron, à quelques kilomètres de là, où les urgences de l’hôpital flambant neuf ouvert à la rentrée ont dû fermer deux nuits en début de semaine, faute de personnel.

« Du fric pour l’hôpital public ! »

La tension due au manque de personnel est devenue partout ingérable. Notamment dans les services d’urgence, où les manques de lits dans le reste de l’hôpital se répercutent automatiquement, au point de ralentir la prise en charge, voire de créer des situations dramatiques. L’impossibilité d’hospitaliser les patients dans les services après leur passage aux urgences crée une surcharge de travail énorme pour les urgentistes. Pour un service comme celui de Grenoble, c’est au moins 30 patients en plus à gérer en permanence – soit environ un tiers de plus que d’habitude – avec l’angoisse de réussir à maintenir les soins, sous la menace d’une détérioration de leur état de santé.

Les hôpitaux de la région ont d’ailleurs déclenché le « plan blanc », depuis une semaine. Mais ce dispositif de crise, mobilisé ailleurs en France, ne permet que de créer artificiellement des lits en augmentant le ratio de patients par soignant : par exemple, une infirmière, responsable en temps normal de huit patients, aura à en gérer douze. Les conditions de travail s’en trouvent largement aggravées. D’autant que s’ajoute souvent une pression à revenir travailler plus que son service, enchaîner les gardes, etc. Or, de nombreux hospitaliers sont déjà frappés par la fatigue, le burn-out ou le découragement devant la gestion catastrophique de l’hôpital public, qu’ils dénoncent sans cesse depuis des années. La crise de l’hôpital, qui a précédé de loin l’épidémie, n’a fait que s’accroître avec celle-ci. Et le fait que le gouvernement persévère dans sa politique de fermeture de lits en pleine crise sanitaire, ne fait qu’aggraver le scandale.

Au point d’ailleurs que certaines pointures montent au créneau : ce matin, sur France Info, le président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP, Rémi Salomon, a qualifié la situation de « catastrophique ». Alertant sur un « effondrement de l’hôpital » imminent, il a multiplié les exemples des conséquences du manque de personnel : lors des épidémies de bronchiolite, des nourrissons envoyés à 200 kilomètres faute de places d’hospitalisation ; les services d’urgence ou blocs opératoires qui ferment ; des greffes refusées ; à Paris, 30 % des lits dans les urgences neurovasculaires fermés, entraînant pour les victimes d’AVC un délai d’attente potentiellement fatal… Déjà une tribune de chefs de service parue dans Le Monde la semaine dernière soulignait que, dans ces services, 50 % des postes d’infirmiers ne sont pas pourvus.

Le sous-effectif ne tombe pas du ciel, c’est une politique

La soi-disant pénurie de personnel n’est pas une fatalité, elle est la conséquence immédiate de deux stratégies du gouvernement. D’abord, faire tourner les services avec le moins de personnel possible pour réduire la masse salariale au maximum. Ensuite, surcharger de travail le personnel existant, sans pour autant ne serait-ce que revaloriser son salaire en fonction de l’inflation : le point d’indice est gelé depuis onze ans, ce qui signifie non seulement que les salaires n’augmentent pas, mais que leur valeur diminue par rapport au coût de la vie ! Absence d’embauche et dégradation des conditions de travail et de salaire, il y a en effet de quoi en dégouter plus d’un de rester travailler à l’hôpital public.

Mais alors que le diagnostic des 20 % de lits fermés à l’hôpital s’est enfin imposé dans le débat public, le gouvernement s’est contenté de « diligenter une enquête », niant catégoriquement sa responsabilité et rejetant la faute sur ses prédécesseurs. Pire, dans son allocution mardi dernier, le président a osé se vanter « d’investir dans la santé » et d’avoir augmenté les soignants de 200 à 400 euros en moyenne. Combien d’hospitaliers ont bondi en entendant cela ! Il fait sans doute référence aux 183 euros arrachés après des mois de mobilisations l’année dernière, mais qui n’ont pas été octroyés à des dizaines de professions à l’hôpital. Ou encore, à la récente « revalorisation » des grilles de salaire lâchée par le gouvernement, là aussi seulement pour certains corps de métier… et souvent pour des augmentations ridicules, à hauteur de quatre euros pour certains échelons ! Sans compter que beaucoup n’ont encore rien touché. À l’heure où, par exemple, une infirmière ne touche pour une garde de nuit qu’une prime d’environ 10,70 euros, une augmentation générale des salaires est une urgence vitale. Ce n’est qu’à ce prix que les hôpitaux pourront de nouveau embaucher et rouvrir des lits.

Joan Arnaud

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