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Berlin (Allemagne) : la Constitution et les tribunaux ne protègent que le capital !

17 avril 2021 Article Monde

Le 15 avril, la Cour constitutionnelle allemande a annulé le plafonnement des loyers mis en place par le gouvernement régional de Berlin. Les appels à manifester en cas d’annulation, publiés déjà quelques jours avant que la décision ne tombe, ont été largement suivis. L’après-midi même du 15 avril, plus de 20 000 personnes ont défilé dans la ville, à partir de la Hermann Platz, pour crier leur colère contre cette décision et contre l’exigence du paiement des arriérés de loyers que les grands trusts immobiliers n’ont pas tardé à réclamer. La mobilisation contre la hausse de loyers qui atteignent des prix exorbitants s’organise depuis des années et tout particulièrement ces derniers mois dans la ville. Elle n’est certainement pas près de retomber.

Un plafonnement imposé par la mobilisation

Les loyers à Berlin ont explosé dans les dix dernières années, en particulier de 50 % entre 2012 et 2018, et bien plus encore dans des quartiers devenus « branchés ». Le plafonnement des loyers décidé par le Sénat de la ville au début de 2020 a freiné cette évolution. À noter que ce plafonnement a été mis en place à la suite de mobilisations massives de locataires, d’une forte pression sur les autorités de la ville notamment autour d’une large campagne militante et politique, sous le slogan « Exproprier Deutsche Wohnen et Cie  [1] ». Dont des placardages d’affiches et manifestations pour des loyers accessibles et l’expropriation des trusts de l’immobilier !

La mobilisation a eu quelques effets. Sur le site immobilier « immowelt », on pouvait lire il y a quelques mois de mauvaises nouvelles pour les spéculateurs et requins de la branche : « Selon une analyse d’immowelt, les loyers de logements disponibles ont déjà diminué de 8 % entre 2019 et 2020. Après de nouvelles diminutions en 2021, le niveau des loyers devrait s’équilibrer aux alentours de 8,70 € le m2. Pour comparer : avant le plafonnement des loyers le prix du m2 était de 11,10 €. »

La Cour constitutionnelle vient donc d’annuler le plafonnement. Elle n’a pas invoqué le « droit de propriété », mais a déclaré qu’une telle décision « n’était pas du ressort » du gouvernement régional de Berlin. Cette argutie ne doit pas faire oublier que la loi est clairement du côté des intérêts du capital, et que cette cour dite de justice est une partie intégrante de l’appareil d’État. L’un des principaux juges responsables de cette décision était d’ailleurs, avant sa nomination, ministre de l’Intérieur de Thuringe pour la CDU, le parti d’Angela Merkel. L’État n’est pas « neutre », il n’est pas là pour répondre aux besoins et problèmes de la majorité de la population. Une nouvelle preuve en est donnée.

Le RSO-Berlin


Le témoignage d’un bénéficiaire du minimum vieillesse (ou son équivalent en Allemagne) :

« Prenons mon appart dans l’est de Berlin, 36 m2, construit en 1930 sur l’ordre de la magistrature de Berlin par l’architecte du Bauhaus Adolf Rating dans un quartier près de la gare de Lichtenberg pour loger 290 familles qui étaient sans domicile. Il est resté depuis quasiment sans rénovation, à l’exception de quelques réparations suite à un bombardement par la 4e division de la flotte aérienne alliée en 1944, et de la mise en place d’un chauffage au gaz en 1991. Jusqu’à l’arrivée du gouvernement Wowereit [2], le logement appartenait à la municipalité, puis il a été vendu au rabais à la Deutsche Wohnen. Jusqu’au plafonnement décidé il y a un an, le loyer était de 384 euros. Avec le plafonnement, il est passé à 344 euros. Dès l’annonce de l’annulation du plafonnement, le trust propriétaire a annoncé qu’il réclamait la différence [3]. Bon, moi et la plupart de mes voisins, nous allons transmettre avec nos salutations cordiales la note des quelque 400 euros « d’arriérés » à Pôle emploi et au bureau des aides sociales (car en Allemagne, pour les plus démunis comme nous, ce sont les services sociaux qui paient nos loyers). Si j’étais à peine plus « chanceux », par exemple un retraité pauvre – mais donc pas pris en charge par Pôle emploi et les aides sociales –, les 40 euros mensuels de différence à multiplier par quelque douze mois d’arriérés seraient pour ma pomme. Sur une retraite de 850 euros mensuels, ça se ferait sentir ! »


[2 Wowereit est un politicien social-démocrate, qui a été maire de Berlin. La ville est gouvernée par un Sénat, dont le rôle est similaire aux gouvernements régionaux des autres Länder.

[3 L’annulation du plafonnement est rétroactive, les propriétaires peuvent donc réclamer les sommes dont ils ont « illégalement » été lésés.

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