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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 44, mars-avril 2006

Belgique : l’asile politique garanti... aux capitalistes français

Mis en ligne le 11 mars 2006 Convergences Monde

Depuis le 19 octobre 2005, des « sans-papiers » occupent une église à Ixelles, commune de la Région bruxelloise. D’autres avaient fait des occupations et des grèves de la faim dans des églises les années précédentes avec la même revendication : l’obtention de titres de séjour. Mais ces occupations se sont toujours soldées par des échecs : le gouvernement refusant à chaque fois la régularisation collective qui était demandée. À Ixelles, certains occupants ont été déjà arrêtés, conduits dans des centres fermés avant une éventuelle expulsion.

Selon les chiffres officiels, le CGRA, (Commissariat général aux réfugiés et apatrides), l’organisme qui traite les demandes d’asile, avait 10 380 dossiers en retard fin 2005 ! Ce retard explique que certains vivent depuis des années, parfois avec toute leur famille, dans une situation illégale, sans travail déclaré, et sans droits. Et quand le gouvernement essaie de résorber ce retard, ce n’est pas dans l’intérêt des « sans-papiers »... mais pour les expulser plus rapidement ! Ce retard est tel, la situation si dramatique et scandaleuse, que même PS, Écolo et CDH (Centre des démocrates humanistes), alliés des différents gouvernements, viennent de faire une proposition de loi pour une régularisation collective des sans-papiers.

Ces sans-papiers sont d’abord victimes de profiteurs en tout genre. Ainsi, la police vient de faire une descente dans plusieurs immeubles de la Région bruxelloise, à deux pas du centre ville. 92 personnes vivaient dans de véritables taudis, gérés par des « marchands de sommeil » auxquels elles payaient une fortune : de 400 à 500 euros par mois pour une chambre où s’entassaient 7 ou 8 personnes.

Un scandale auquel l’État belge a rajouté un autre scandale. Sur les 92 personnes interpellées, onze étaient en situation illégale : cinq d’entre elles ont été tout de suite emmenées dans un centre fermé et six autres immédiatement rapatriées vers leurs pays d’origine. Quant aux autres, pour l’instant, on ne sait pas encore quel sort leur sera réservé !

Durcissement général

D’une façon générale, on assiste en ce moment à un durcissement des mesures prises à l’égard des personnes en séjour illégal. Ainsi, le ministre de l’Intérieur a fait parler de lui (et provoqué quelques remous) en indiquant début janvier 2006 que les individus et les associations qui aident ou hébergent des personnes en situation illégale pourraient être sanctionnées pénalement. Rajoutant qu’il souhaitait instaurer une carte d’identité électronique comprenant des données biométriques - comme les empreintes digitales - pour les seuls ressortissants étrangers. Une ville pilote (Anvers) serait désignée pour tester la mesure : comme par hasard la ville où l’extrême droite est très forte et serait peut-être en mesure de conquérir la mairie aux prochaines élections communales d’octobre 2006 !

Des projets qui risquent bien de se concrétiser, car ils ont déjà été préparés par toute une série de mesures ou d’actions destinées à paver la voie.

Ainsi, à Anvers justement, des contrôles dans les bus ont été menés conjointement par les contrôleurs... et par des agents de l’Office des étrangers, un des organismes qui réceptionne les demandes d’asile. Gare à la personne en situation illégale et sans ticket : elle risque ni plus ni moins qu’une amende... et l’enfermement ou l’expulsion hors de Belgique !

La loi sur le regroupement familial a été durcie. Entre autres mesures, les parents qui viennent dans ce cadre-là doivent avoir des revenus suffisants pour ne pas tomber à charge des organismes d’aide publique (CPAS). D’après les ministres de l’Intérieur des Pays-Bas et de la Belgique, qui se sont rencontrés il y a peu, ces regroupements familiaux seraient encore plus faciles et moins chers en Belgique. Ils se sont promis de faire cesser cette situation.

Enfin, une circulaire a été envoyée par l’Office des étrangers aux maires des communes pour que la surveillance d’éventuels mariages blancs soit accrue.

Multiplication des expulsions des personnes

Mercredi 21 décembre 2005, huit Nigérians et deux Libériens étaient trouvés dans un réduit qui entoure le gouvernail d’un bateau à Anvers. Ils sont restés douze jours sans quasiment boire ni manger et deux d’entre eux sont morts durant le voyage. Une fois retombée l’émotion suscitée, l’asile qu’avaient demandé les « dix clandestins » a été refusé ; ils vont être expulsés !

Des sections supplémentaires « pour familles » vont être créées pour celles en situation irrégulière dans deux nouveaux centres fermés qui vont s’ajouter aux deux existant déjà ! Dans un de ces derniers, « le 127 bis », le HCR (Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) indique que plus de la moitié des occupants, soixante-six, sont des enfants.

Une journaliste venue de Mongolie, où sa vie était menacée, a été expulsée avec son fils de 10 ans après quatre mois passés dans un centre fermé. Ce rapatriement forcé a eu lieu en toute discrétion malgré les nombreuses associations de soutien à cette journaliste.

Terre d’accueil des grandes fortunes

Soyons juste. Certains immigrés sont quand même bien accueillis.

En particulier, la Belgique est une terre d’accueil pour les Français les plus riches qui souhaitent échapper à l’impôt sur les grandes fortunes. Ainsi, chaque année, 400 fortunes françaises s’expatrieraient en Belgique. Parmi elles, la famille Mulliez, actionnaire d’Auchan qui préfère, de cette manière, mettre sa fortune au vert ! Ces riches immigrés font le bonheur des agences immobilières belges par leurs achats de propriétés de luxe, voire de châteaux !

Mais la vie de château, ce n’est pas pour les immigrés illégaux. Leur situation, la politique du gouvernement, les mesures répressives dont ils sont l’objet, sont dénoncées par des associations de soutien aux immigrés et des organisations politiques. Des manifestations de protestation sont organisées, comme celle qui a eu lieu le 16 février 2006 à Anvers et qui a réuni 5 000 personnes issues plutôt du milieu associatif et catholique et une autre, nationale, organisée à Bruxelles le 25 février avec de 7 000 à 11 000 participants suivant les sources.

Mais l’indignation, pour l’instant, est loin de celle qui a suivi la mort de Samira Adamu, étouffée avec un coussin par la police dans l’avion lors de son expulsion en 1998. Des milliers de personnes avaient alors manifesté et le ministre de l’Intérieur de l’époque avait dû démissionner ! Elle n’est même pas aussi importante que celle qui a suivi la découverte, en 1999, des corps sans vie de deux adolescents guinéens dans le train d’atterrissage d’un avion en provenance de Conakry.

Pourtant, dans les mois qui viennent, les travailleurs en situation illégale devront, sans doute, faire face à d’autres mesures répressives encore. L’approche des élections communales où l’extrême droite, aussi bien en Flandres qu’en Wallonie, risque de faire des scores élevés favorisera ces politiques dites sécuritaires. La bataille pour les droits des travailleurs immigrés ne fait que commencer. À tous ceux qu’indigne la politique du gouvernement, et en particulier aux militants communistes révolutionnaires, de faire prendre conscience que cette bataille est liée à celle pour les droits de tous les travailleurs, belges comme immigrés.

Bruxelles. 27 février 2006

Paul GALLER

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