Belgique : Les travailleurs répondent présent, mais tout reste à faire
28 janvier 2015 Convergences Monde
Novembre-décembre 2014 a été marqué en Belgique par d’impressionnantes grèves. Une manifestation de plus de 100 000 personnes à Bruxelles (dans un pays de 12 millions d’habitants), une série de grèves tournantes dans les différentes provinces et enfin, point d’orgue, une grève nationale le 15 décembre. Cette grève nationale a été un succès. Elle fut générale, combative, massive : trains nationaux et internationaux arrêtés, bus et métros à l’arrêt, piquets de grève importants, magasins clos et de nombreux services publics fermés etc. Les trois syndicats organisateurs : la FGTB, la CSC et le syndicat libéral CGSLB, unis dans ce mouvement, peuvent être satisfaits de voir que les travailleurs ont répondu massivement aux mots d’ordre de grève. La grève fut un succès aussi bien en Flandre qu’en Wallonie, comme quoi la division des travailleurs entre le Nord et le Sud du pays s’estompe quand la rue appartient aux grévistes !
Les syndicats protestaient contre les mesures d’austérité annoncées par le gouvernement de droite. Ces mesures visent les travailleurs : report progressif de l’âge de départ à la retraite à 67 ans, réforme du système des préretraites, limitation de la progression des salaires qui, en Belgique, sont indexés sur l’évolution des prix (selon le syndicat FGTB, cela équivaudrait à une baisse de 2 % des salaires), économies dans le secteur de la santé… mais volonté du gouvernement de réduire les charges patronales !
Une rencontre de négociation est prévue le 15 janvier 2015 entre syndicats et patronat. D’autres actions de grève seront-elles programmées ? Ce qui semble plutôt à l’ordre du jour, aussi bien au niveau gouvernemental que patronal ou syndical, ce sont des négociations, la fameuse « concertation sociale ».
Le premier ministre, non sans humour (volontaire ?) déclarait : « je n’ai pas peur des formules, je peux même dire que le gouvernement place la paix sociale sous le sapin de Noël » et encore : « le gouvernement a un cap, on ne varie pas par rapport au cap et à l’orientation, mais il y a un espace qui va permettre, de manière traditionnelle, que la concertation sociale puisse s’exercer » !
Du côté syndical, la FGTB (syndicat ‘socialiste’), indique qu’elle souhaite : « en tout cas laisser toutes ses chances à la concertation à condition qu’elle ne soit pas un jeu de dupes » et que « le gouvernement soit disposé à rendre aux interlocuteurs sociaux la maîtrise des domaines qui sont de leur compétence et traditionnellement matière à concertation sociale ».
Ce ne sont pas que des mots puisque, à la mi-décembre, une rencontre au sommet a eu lieu entre les représentants du patronat et ceux des trois syndicats (syndicats et patronat appelés « groupe des dix »), qui s’est traduite par un accord avalisé par le gouvernement. Cet accord a pour objet : les préretraites, le crédittemps et les statuts ouvriers-employés (différents en Belgique mais pour lesquels les syndicats revendiquent un statut unique). Cet accord renvoie à des négociations ultérieures entre patronat et syndicats ou accorde des changements à la marge.
L’avenir dira si les syndicats organisent d’autres mouvements de grève, limités ou localisés, ou non, ne serait-ce que pour appuyer les négociations. C’est là le fond du problème : les syndicats belges, bien intégrés au système capitaliste (ils gèrent en grande partie l’assurance chômage, par exemple), comme les syndicats français, sont de chauds partisans de la concertation sociale et ne conçoivent les luttes que comme un moyen de pression face au patronat et au gouvernement.
Les travailleurs belges ont répondu massivement aux appels des syndicats, mais si la lutte à venir dépasse le cadre et les objectifs syndicaux on pourra alors vraiment parler de succès.
10 janvier 2015, Paul GALLER