Belgique : Les méthodes patronales de la Brink’s… et des autres
29 janvier 2011 Convergences Monde
La Brink’s est une entreprise de transport de fonds et de diamants, qui emploie 60 000 travailleurs dans le monde (dont 450 en Belgique). À l’issue de 25 jours de grève en Belgique, en octobre et novembre derniers, les syndicats avaient obtenu la promesse qu’il n’y aurait ni les licenciements ni le changement du statut des salariés annoncés en attendant un « repreneur » pour une partie de ses activités. Moins de deux mois après la fin de la grève, retour à la case départ.
Chantage patronal et bonne volonté syndicale
À l’origine du conflit, l’annonce par la direction, pour cause de « difficultés financières », du licenciement de 60 travailleurs et du passage de tous les travailleurs du statut d’employé à celui d’ouvrier. C’est la première fois qu’une entreprise exige un changement de régime collectif dans ce sens. Les travailleurs sont immédiatement partis en grève. Sur la question des statuts des employés (que de façon générale le patronat belge veut remettre en cause), les syndicats de la Brink’s se sont, dès l’ouverture des négociations, déclarés prêts à accepter le changement proposé, à condition qu’on ne touche pas à la durée du préavis de licenciement. Omettant la baisse des salaires et le recours au chômage temporaire. La direction est restée inflexible : elle tenait, pour ses autres restructurations à venir, aux réductions de préavis de licenciement.
Complicité de la ministre
Après deux semaines de grève, le 12 novembre, la direction de Brink’s Belgium déposait le bilan, accusant les travailleurs en grève d’avoir précipité la faillite. Or, elle venait d’isoler son activité la plus rentable, le transport de diamants, dans une nouvelle société, Brink’s Diamond & Jewellery Service (BDJS). C’est ce qui mettait tous les compteurs dans le rouge ! Le tribunal de commerce a dû reconnaître la faillite frauduleuse et nommer deux administrateurs.
Entre-temps, la ministre de l’Intérieur avait accordé une licence temporaire de transport de fonds à la toute nouvelle BDJS, tentant ainsi de casser les reins aux grévistes. Elle n’est pas revenue dessus malgré une manifestation de 1 000 travailleurs devant son ministère. Il a fallu l’avis de faillite frauduleuse annulant la vente de BDJS, pour rendre caduc l’octroi de cette licence.
Des promesses… à la case départ
Le 22 novembre, les syndicats ayant négocié avec les administrateurs provisoires qu’il n’y aurait ni licenciement ni changement de statut, la grève s’arrêtait. Depuis, un accord a été signé (le 13 janvier) : la faillite sera prononcée le 31 janvier et les 13,5 millions d’actifs de Brink’s serviront à payer des indemnités. En échange, les syndicats renoncent à contester en justice la cession de l’activité la plus rentable de transport de diamants…
Quant au repreneur, une seule offre est venue, qui prévoit une reprise des activités le 1er février prochain, avec seulement la réembauche de 300 ou 320 personnes sur 400 et le passage de 265 travailleurs du statut employé vers le statut ouvrier ! À peu de choses près, les mêmes conditions pour lesquelles les travailleurs de Brink’s étaient partis en grève !
Trusts de tous les pays unissons-nous
Simultanément, en Belgique, se déroulent les négociations pour l’Accord interprofessionnel (AIP). Celles-ci ont lieu tous les deux ans entre patrons et syndicats et l’accord qui en résulte sert de cadre de référence pour des négociations ultérieures, par secteur ou par entreprise du secteur privé. Un instrument pour maintenir la paix sociale car les syndicats se portent garants que les revendications des salariés n’iront pas au-delà de cet accord. Cette année, en plus des augmentations salariales pour 2011 et 2012, les discussions portent aussi, précisément, sur l’harmonisation des statuts entre employés et ouvriers. Vers le bas, veulent l’ensemble des patrons belges. Le principal concurrent de Brink’s, Groupe 4, emploie ses salariés sous statut ouvrier. Il y a un an, Carrefour a utilisé les mêmes armes que la Brink’s : un savant montage juridique avait rendu déficitaire sa filiale belge, prétexte au licenciement de centaines de travailleurs, avec pertes de salaires pour ceux qui restent pouvant aller jusqu’à 300 euros par mois !
C’est bien à l’échelle interprofessionnelle (et interrégionale, l’exploitation ne connaissant pas l’artificielle frontière Flandre-Wallonie, ni aucune autre frontière d’ailleurs) que les travailleurs pourront mettre un coup d’arrêt à cette nouvelle attaque. Pas par les parlottes syndicales, mais par la lutte.
Bruxelles, le 15 janvier 2011
Louise CHIMAY
Mots-clés : Belgique