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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 39, mai-juin 2005

Belgique : 104 jours de grève contre un plan de licenciements

Au bout de 104 jours la grève des travailleurs d’AGC Automotive a pris fin le 21 mars dernier. Depuis le 2 décembre, ils se battaient contre le licenciement de 284 personnes sur les 840 du site, dont environ 600 à la production. L’usine de Fleurus, près de Charleroi, fait partie du groupe japonais Asahi Glass et fabrique des vitres pour l’industrie automobile. Ce trust a réalisé plus d’un milliard d’euros de bénéfices l’année dernière. Il prévoyait quand même de mettre dehors la moitié des ouvriers de l’usine.

La grève a commencé par un coup de colère, la séquestration de l’équipe de direction pendant 24 heures. Mais la détermination ne s’est plus démentie tout au long de ces trois mois de grève. Les plus impliqués, un noyau dur d’une quarantaine d’ouvriers, ont été présents chaque jour au piquet de grève. De jour comme de nuit, par des températures souvent très basses, ils ont continué à se relayer de longues heures durant. Et pour rallier un grand nombre de ceux qui restaient la plupart du temps chez eux, ils ont organisé différentes festivités comme un réveillon pour la nouvelle année.

Le contrôle, celui de la grève comme celui de la caisse de grève, est resté dans les mains des syndicats

Mais ce ne sont pas ces grévistes radicaux qui ont dirigé la grève. Elle est restée, du début à la fin, encadrée par les deux syndicats présents sur le site, la FGTB (le syndicat socialiste) et la CSC (le syndicat chrétien). Et ceux-là, en versant aux grévistes des indemnités de grève journalières, ont permis à la lutte de s’installer dans la durée mais pas d’aller vers une victoire.

Le front commun des deux syndicats a de nombreuses fois volé en éclat. La FGTB a joué la carte du radicalisme, parlant d’une grève exemplaire qu’il fallait tenir jusqu’au bout. La CSC celle du syndicat responsable, se posant en interlocuteur sans cesse prêt à dialoguer avec un patron, qui ne lâchait rien, et alarmant les grévistes, en faisant mine de croire à toutes les rumeurs et tous les chantages à la fermeture. Ce petit jeu d’opposition a bien servi à l’un et à l’autre pour aveugler les salariés sur les raisons d’un échec.

La FGTB a proposé de mettre en place un comité de grève. Mais il n’était pas élu par l’assemblée générale, et n’avait aucun pouvoir. C’était un regroupement de toutes les bonnes volontés, ceux qui étaient toujours présents au piquet. Et à leurs dires même, ils se sont retrouvés à faire cuire les brochettes et n’ont pu avoir aucune initiative. Pendant la période des négociations, qui ont duré de longues semaines en février, ils n’étaient au courant de rien de ce qui se discutait. Les délégués ne passaient plus au piquet. Certains auraient aimé faire des actions pour faire connaître leur grève, aller voir les salariés d’autres entreprises... Mais ils n’en avaient pas les moyens financiers : seuls les délégués avaient le contrôle de la caisse de grève, dans laquelle il y avait une somme non négligeable, les dons affluant d’un peu partout en Belgique. Beaucoup d’entre eux auraient voulu que cet argent serve sur le moment, pour se faire voir dans le pays. Mais les syndicalistes le réservaient... pour un partage à la fin de la lutte.

Malgré 249 licenciements, liste « noire » et liste « grise », la fierté d’avoir lutté

De fait, les grévistes se sont rapidement retrouvés isolés. La solidarité de la population et des salariés du coin était pourtant forte. Dès décembre une manifestation avait rassemblé 5 000 personnes à Charleroi, souvent venues d’entreprises voisines. Dans une région, le Hainaut, où le taux de chômage est de plus de 25 %, nombreux étaient ceux qui se sentaient concernés par cette lutte contre un plan de licenciements massif. Des visites à d’autres sites verriers ont aussi été organisées au début, mais soigneusement encadrées par les syndicats : les grévistes étaient toujours reçus par les délégations syndicales, qui faisaient barrage à tout contact direct avec les ouvriers.

Aussi les grévistes commençaient-ils à fatiguer début mars. Ce qui ne les a pas empêchés de repousser à une majorité de 56 % les propositions de la direction, lors d’un vote à bulletins secret. Il faut dire que ces propositions étaient particulièrement crapuleuses : le maintien de 249 licenciements, avec une « liste noire » de 75 personnes, des « indésirables » qui ne pourraient pas remettre les pieds à l’usine, et une « liste grise » de 60 autres travailleurs, qui seraient mis à l’épreuve pendant six mois à un an, constamment menacés d’être mis à la porte. C’est pourtant ce même plan patronal que les deux syndicats ont signé trois semaines plus tard, acceptant de ce fait le démantèlement de leurs délégations syndicales, puisque 14 syndicalistes « protégés » ont été licenciés. Conclusion pourtant de Christian Viroux, secrétaire régional de la FGTB : « Pas de regrets, si c’était à refaire, je le referais de la même façon, nous avons eu le contrôle de nos actes et de ceux de nos affiliés du début à la fin ».

Certes parmi ceux qui restent dans l’usine comme parmi les licenciés, ils sont nombreux à considérer ce qu’ils ont fait avec fierté, et qui, non découragés, entendent continuer, apporter leur soutien à d’autres usines en grève, raconter leur expérience. Mais il faudra qu’ils en tirent toutes les leçons, pour mener plus loin le prochain combat, à AGC ou ailleurs...

29 avril 2005

Lydie GRIMAL

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