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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 9, mai-juin 2000

Autour de la « refondation sociale » : Le feuilleton « MEDEF-syndicats » continue

Mis en ligne le 1er juin 2000 Convergences Politique

Avec en arrière-fond la menace de se retirer de tous les organismes paritaires de protection sociale d’ici la fin de l’année 2000, le MEDEF pousse en avant sa « refondation sociale ». Elle a déjà donné lieu à une série de réunions avec les confédérations syndicales.

Personne ne pouvait sérieusement penser que le MEDEF ait eu l’intention de faire aux syndicats des propositions « honnêtes », au sens où il puisse y avoir quoi que ce soit de bon à en tirer pour les travailleurs. Les porte-parole du patronat avaient d’ailleurs clairement annoncé la couleur et ils l’avaient fait sous la forme d’un ultimatum.

Qu’à cela ne tienne ! Ce n’est pas ça qui pouvait empêcher tous les dirigeants syndicaux d’occuper avec empressement la place offerte par le MEDEF autour du tapis vert. Quand bien même c’était pour y discuter de la remise en cause de ce qui reste de la législation et des acquis favorables aux travailleurs.

Les projets patronaux

Le MEDEF veut donner à la politique contractuelle une priorité sur la loi. Aujourd’hui si des accords d’entreprises sont inférieurs à la loi, c’est la loi qui s’applique. Et un patron qui ne la respecte pas peut en principe être condamné par les tribunaux. En revanche si les vœux du MEDEF venaient à être exaucés, les réglementations découlant du code du travail pourraient être rendues caduques par des simples accords d’entreprises ou de branches, voire même par des contrats individuels.

Autre chapitre de la « refondation sociale », l’assurance-chômage : la convention UNEDIC vient à expiration le 30 juin et elle doit de toute façon être rediscutée d’ici là. Pour l’occasion, le patronat veut instaurer un système visant à « accélérer le retour à l’emploi des chômeurs », mais à sa manière… par des sanctions plus draconiennes contre ceux qui ont perdu leur emploi. Le dispositif proposé consiste en l’établissement d’un « bilan de compétence » propre à chacun des chômeurs, lequel sera suivi d’une proposition de stage ou d’emploi, et en cas de refus se traduira pour l’intéressé par une baisse voire la suppression de ses indemnités de chômage !

Il s’agit ni plus ni moins que d’obliger le travailleur sans emploi à accepter à n’importe quel prix n’importe lequel de ces « jobs » que les patrons « généreusement », en cette période d’expansion, sont prêts à lui offrir. Un bon moyen de faire une pression à la baisse sur l’ensemble des salaires.

Les patrons en demandent davantage également en matière de précarité. Les actuels CDD (contrats à durée déterminée) et l’intérim, qui ont connu une vertigineuse ascension ces dernières années, ne leur suffisent plus. C’est à l’occasion de la discussion sur l’assurance-chômage que le MEDEF a présenté sa volonté de mettre en place deux nouveaux contrats provisoires de travail visant à remplacer les CDI (contrats à durée indéterminée) : les « contrats de mission » à l’image des « contrats de chantier », et les « contrats à durée maximum » de 5 ans, à l’image des « contrats emploi-jeunes » inventés par ce gouvernement et déjà en œuvre dans la fonction publique. Avec ce type de contrats, plus de problèmes de licenciements pour les patrons, plus besoin de plans sociaux ni même d’indemnités.

Le patronat a par ailleurs, au cours des discussions précédentes, déjà affiché son projet de « retraite à la carte ». Dans un premier temps il propose de faire sauter le verrou de la retraite à 60 ans pour les retraites complémentaires, en remplaçant la règle actuelle par une modulation des pensions en fonction de l’âge du départ, avec minoration en dessous de 60 ans et majoration au delà.

Restent à venir les discussions sur la formation professionnelle, l’égalité professionnelle, l’encadrement et la protection sociale qui doivent avoir lieu au second semestre de cette année. Aucun doute que les propositions du MEDEF soient de la même eau que celles qui précèdent.

Les protestations syndicales

Le plus ridicule dans ce feuilleton, ce sont les cris d’orfraie poussés par les représentants des confédérations syndicales. Les dirigeants syndicaux unanimes ont un moment tenté de nous faire croire qu’ils n’auraient jamais pensé que le patronat puisse aller aussi loin ! Mais leurs protestations ne vont pas jusqu’à s’adresser à toutes les prétendues propositions du patronat – les « incitations au retour à l’emploi » ont trouvé une oreille complaisante auprès de certains par exemple – mais uniquement aux nouveaux contrats de travail visant à remplacer les CDI.

Les cinq syndicats interlocuteurs du MEDEF ont adressé une lettre commune à ce dernier : « Les organisations syndicales ne sauraient accepter comme ordre du jour et conclusions des travaux du groupe, les seules propositions présentées par les organisations patronales » et elles ont demandé que soient discutés lors de la réunion suivante « le diagnostic de la situation de l’emploi et de la réalité de la précarité » et un « bilan des dispositifs législatifs et conventionnels », faute de quoi elles claqueraient la porte…

Bigre ! Le patronat en a tellement été effrayé, qu’à la séance suivante il a accepté de les écouter poliment… mais sans retirer ses propositions. « Nous n’étions pas là pour négocier, mais pour écouter les propositions que les syndicats avaient à faire ; nous allons maintenant travailler à partir de nos propositions qui restent valables et de celles qui nous sont faites » a conclu le représentant patronal à l’issue de la réunion. Mais cela n’a pas empêché des représentants syndicaux de se féliciter du nouvel esprit de la négociation.

La « menace » gouvernementale

Le jeu entre les syndicats et le MEDEF n’a hélas pas le mérite de la nouveauté. Le patronat tape du poing sur la table, demande le maximum, et quand il revoit un peu ses prix ou simplement y met un autre ton, cela suffit à des dirigeants syndicaux pour prétendre avoir obtenu quelque chose.

Le scénario initié par le MEDEF serait cependant trop élémentaire s’il ne mettait pas en scène le gouvernement et la « gauche plurielle ». Le gouvernement Jospin brandit depuis des mois et même des années la menace de faire une loi pour limiter l’abus du travail précaire. Sans être jamais passé à l’acte. Il aurait déjà pu faire appliquer la réglementation existante que le patronat bafoue allégrement au vu et au su des « autorités ». Mais non. Son projet de loi consisterait, selon ce que nous en livre la presse, à moduler les allégements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises pour celles qui abusent du travail précaire.

Moduler quelques-uns des cadeaux fait au patronat ? En voilà une menace ! Cela n’empêchera aucunement le développement de la précarité. Pire, si un tel texte voit le jour, il légalisera les abus de fait de la précarité, même si c’est en contrepartie de subventions minorées aux patrons qui en usent.

Quant aux partis de la gauche plurielle, le PCF, le PS, ils ont tenu eux aussi à se poser en adversaires du MEDEF. Le PCF a dénoncé le « coup d’Etat du patronat » et le PS a fait part de son opposition « farouche ». Le PCF veut prendre la tête de la mobilisation contre le projet patronal et invite « le mouvement social » à s’associer à lui. Il appelle à un « véritable front des progressistes » contre « la refondation sociale » du MEDEF.

Robert Hue ainsi que François Hollande… ont demandé audience au « baron Seillière », qui n’a pas refusé de les recevoir. On va voir ce que l’on va voir !

Toute cette comédie n’est finalement destinée qu’à faire passer à moindre frais l’essentiel des volontés du patronat, tout en essayant de maintenir au mieux la paix sociale et sans le faire payer trop cher aux partis de la gauche plurielle lors des prochaines élections.

25 avril 2000, Louis GUILBERT

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