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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 86, mars-avril 2013

Editorial

Attentes et luttes en cours : quelles perspectives ?

Mis en ligne le 18 mars 2013 Convergences Politique

Multiplication des annonces de fermetures d’entreprises, envol du recours aux contrats précaires dans la fonction dite publique, transcription dans la loi du chantage patronal à l’emploi, nouvelle offensive contre les retraites programmée dans les cartons ministériels, préparation de nouveaux accords scélérats entre « partenaires sociaux » sur la désindexation des retraites complémentaires par rapport à l’inflation, 4 milliards d’euros de coupes budgétaires en plus, envoi des CRS contre les grévistes en colère, invectives de Manuel Valls qui annonce des représailles pénales contre ceux de Goodyear. On pourrait dire n’en jetez plus, mais si. Le front unique gouvernement socialiste/patronat déploie ses attaques à grande vitesse. L’exploitation va redoubler, les services publics se déliter, le chômage s’envoler. On n’en est pas encore aux 25 % de chômeurs (et plus pour les jeunes) comme en Espagne ou en Grèce, mais on s’y dirige.

Pourtant, cela ne veut pas dire que les salariés ne se sont pas battus. Cela fait plusieurs années que le pays est parcouru de toutes sortes de mobilisations, parfois des grèves dures. Mais toujours isolées. La plupart de ces mouvements (au bas mot une bonne centaine pour l’année 2012, plusieurs dizaines en janvier et en février 2013) concernent des entreprises de taille moyenne ou petite. Ils peuvent avoir un retentissement local éphémère, mais généralement restent invisibles à l’échelle nationale. La plupart de ces travailleurs se sentent d’ailleurs abandonnés, non seulement par les pouvoirs publics, mais également par les instances syndicales nationales ou départementales. Les militants locaux mobilisés en sont réduits à leur propre énergie, leurs moyens limités, des solutions provisoires.

En revanche, parce qu’elles concernaient de grosses entreprises ou à la suite de coups de colère spectaculaires, certaines luttes ont bénéficié du coup du projecteur des médias. Ce fut le cas des Conti, New Fabris, Ford, etc. ou plus récemment des Fralib, Arcelor et désormais des Virgin, Sanofi, Goodyear ou PSA Aulnay. Ou même des instits parisiens. Mais là encore, malgré quelques ébauches de rassemblements communs, il s’est agi de luttes qui n’ont pas vraiment dépassé le cadre de leur entreprise ou secteur.

Voilà la difficulté du contexte actuel, marqué par la multitude des défaites locales successives de ces dernières années contre les plans de licenciements. D’où un sentiment, non pas de résignation, mais d’impuissance. Les travailleurs sont-ils fatalement acculés, chacun à leur tour, à des combats défensifs, sans espoir de gagner ?

Alors, comment faire autrement ?

Les incantations ne suffisent pas. Ni la propagande en faveur du « Tous ensemble », d’un nouveau juin 36 ou mai 68, ou de la nécessaire convergence des luttes.

Il ne suffit pas non plus d’avoir les mêmes « bons » mots d’ordre unificateurs, aussi justes soient-ils – tels que l’interdiction des licenciements – pour susciter un mouvement d’ensemble. Et encore moins bien sûr d’une revendication plus contestable comme une « loi contre les licenciements boursiers » dont il serait illusoire de croire à l’efficacité et à la portée réelle.

Ce serait plutôt l’inverse : c’est une lutte d’ensemble qui permettrait d’unifier les revendications. C’est l’instauration d’un nouveau rapport de forces qui renouvellerait les objectifs de lutte. Or depuis, disons quatre ans, chacun bataille à son tour en réaction contre un patron ou une mesure du gouvernement. C’est la situation objective. D’où toutes ces luttes échelonnées ne parvenant pas à vaincre. Évidemment, il pourra arriver à un certain moment qu’une énième mesure gouvernementale, ou un énième plan de licenciement fasse déborder la colère et se propage… en grève générale. Mais quand ? Et faut-il s’en remettre à une hypothétique extension spontanée des luttes, dans un avenir indéterminé ?

La situation objective pèse. C’est certain. Mais une bonne partie du monde du travail a une conscience claire de la politique anti-populaire et anti-ouvrière du gouvernement, comme du cynisme et des mensonges du grand patronat. Ce qui est flagrant, c’est avant tout le sentiment d’isolement de tous ceux qui sont attaqués. Oui, il y a une attente. Tout le problème est de savoir qui peut répondre efficacement à cette attente. Qui peut redonner une perspective, donc l’espoir de changer quelque chose, non pas en restant isolés, le dos au mur, mais en fédérant les mobilisations en cours dans le but d’en faire le moteur d’une mobilisation générale en entraînant justement ceux qui ne sont pas encore mobilisés ?

Certes pas les confédérations syndicales, trop préoccupées de leur statut institutionnel de « partenaires sociaux » avec le patronat et le gouvernement.

En revanche, l’espoir et les perspectives peuvent être donnés précisément par ceux qui aujourd’hui sont les plus déterminés, montrent le plus d’énergie. Ceux dont la lutte fait aussi l’actualité… politique, c’est bien le mot, et en qui se reconnaissent bien des salariés. Alors, comment ? Pas en se contentant de poser à la lutte « exemplaire » (quels qu’en soient les mérites), mais en indiquant publiquement, au moment précisément où les medias leur offrent micros et caméras, le chemin de l’unification des colères, des mobilisations. En ne se contentant pas de leur seul bras de fer avec un patron intransigeant, mais en s’adressant systématiquement aux autres salariés, à ceux qui sont déjà en lutte bien sûr, mais aussi à ceux qui l’ont déjà menée antérieurement et qui s’y sont épuisés, comme à ceux qui sont confrontés aux mêmes attaques mais se sentent aujourd’hui trop faibles et démunis.

Oui, la parole de grévistes à l’adresse des autres salariés peut devenir un acte politique, redonner confiance en une lutte unifiée.

Ce que les confédérations se refusent à faire, les grévistes de PSA, les ouvriers de Goodyear, les sidérurgistes d’Arcelor, les salariés de Sanofi, les vendeurs de chez Virgin…, tous ces salariés qui sont aujourd’hui au centre de l’attention du monde du travail peuvent l’entreprendre, avec cette détermination qui justement leur vaut leur notoriété. Ils sont dans la meilleure situation pour expliquer au reste des travailleurs qu’il faut s’atteler à faire cause commune. Cela ne signifie pas que l’on va déclencher la grève générale en claquant dans les doigts. Cela signifie qu’il faut commencer à fédérer tous ceux qui ont décidé de faire front contre leurs directions et patrons respectifs. Cela signifie prendre les contacts, les structurer, prévoir des concertations entre salariés mobilisés, planifier ensemble de futurs rassemblements et mobilisations. Autrement dit, constituer un fer de lance capable d’entraîner y compris ceux qui ont encore un emploi mais sont confrontés aux dégradations de salaires et de conditions de travail.

Voilà la politique qui nous semble la plus susceptible d’avoir un écho auprès du reste de la classe ouvrière, et de déclencher, à terme, cette lutte d’ensemble indispensable. Bien sûr, rien n’est gagné d’avance. Mais comme disent les grévistes de Citroën Aulnay, « si on lutte, on n’est pas sûr de gagner, et si on ne lutte pas, on est sûr de perdre ». Certes, mais précisons. C’est aux travailleurs qui sont aujourd’hui au point focal de la lutte de classe, de donner une perspective aux autres : « Si on se coordonne, on n’est pas sûr de gagner, mais si on reste dans son coin, on est sûr de perdre. »

10 mars 2013

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Numéro 86, mars-avril 2013