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Allemagne : « avoir froid pour la paix » ou réchauffer le climat social ?

16 septembre 2022 Article Monde

Le gouvernement allemand redouble d’efforts pour faire passer des mesures d’austérité et sauver les profits des grandes entreprises, en justifiant les sacrifices nécessaires par la guerre en Ukraine. Mais de premières réactions apparaissent dans la rue.

Chantage sur le chauffage

La potentielle pénurie de gaz est omniprésente dans les médias : les écrans qui affichaient les chiffres de contamination au Covid montrent maintenant les seuils des réserves stratégiques de gaz et l’évolution des prix. Les discours politiciens carburent à plein feu sur le « chantage à la solidarité ». Un slogan claque et rime : « Frieren für den Frieden » (« avoir froid pour la paix »). Manière de préparer les classes populaires à passer l’hiver sans chauffage, au nom du soutien à l’Ukraine ! Les politiciens écolos se surpassent en tutoriels d’économie d’eau chaude. Mais du côté du patronat, pas de coup de froid en vue… Une solution a été trouvée pour dédommager les grands importateurs des surcoûts liés à la pénurie de gaz russe : une Gasumlage (surtaxe gaz) qu’ils pourront facturer aux consommateurs. Ainsi 26 millions de foyers financeront les profits des géants de l’énergie et des industries énergivores.

Le gouvernement a tout de même annoncé un plan de 65 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat : des aides ponctuelles, des « chèques énergies » de 200 à 300 euros, et le triplement des bénéficiaires de l’aide au logement. Des mesurettes qui cherchent à apaiser le climat social plutôt qu’à pallier les dégâts de l’inflation. Car l’ambiance se réchauffe outre-Rhin.

« Un automne chaud pour éviter un hiver froid » ?

Dans un contexte de grèves pour les salaires, les syndicats avaient menacé d’appeler à des manifestations. Mais ils ont finalement salué le plan d’aide et rétropédalé pour le moment. C’était le but de l’opération. Ainsi, les premières oppositions dans la rue sont restées modestes, appelées par la gauche… ou par l’extrême droite. Tout l’été, les médias et les services de renseignement ont brandi le danger d’un « front transversal » de protestation allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, qui voudraient surfer sur la colère.

De premières oppositions dans la rue, à l’appel de la gauche, sont restées pour l’instant modestes : des « manifestations du lundi », en rappel de celles qui avaient eu lieu à l’époque de la chute du mur, comme en 2004 en protestation contre les lois Hartz de Schröder contre les chômeurs. À Leipzig, 3 000 à 5 000 personnes ont manifesté à l’appel de Die Linke, le « parti de gauche ». Bien plus que les 300 personnes réunies à proximité à l’appel d’un groupe d’extrême droite local. À Berlin, un peu plus tard, mille personnes se sont rassemblées devant le siège des Verts, fer de lance de « l’austérité solidaire », à l’appel de Die Linke et d’organisations d’extrême gauche. Les revendications – augmentation des salaires, nationalisation du secteur de l’énergie, plafonnement des prix – tranchaient clairement avec les discours d’extrême droite. Même s’il existe au sein de Die Linke des divergences sur la guerre en Ukraine et un courant partisan de « la paix » comme solution pour faire baisser les prix de l’énergie par la réouverture des robinets de gaz russe.

Il est vrai que les conséquences de la guerre en Ukraine sont plus palpables en Allemagne qu’en France, et que l’inflation y est ressentie comme le résultat de la guerre de Poutine et des sanctions de l’Union européenne. Mais lier l’inflation au soutien à l’Ukraine, c’est tomber dans le piège du gouvernement qui cherche, comme ici, un prétexte et argument moral pour serrer la ceinture et le thermomètre aux classes populaires. C’est laisser de côté les revendications salariales urgentes. Sans parler d’un risque que l’extrême droite pro-russe s’engouffre dans la brèche. Son principal courant, l’AfD, a déjà prévu d’appeler à des manifestations. Elle l’avait déjà fait pour tenter de détourner la colère populaire il y a quelques années contre les immigrés et plus récemment contre les mesures sanitaires.

Pour le moment, les manifestations sont encore petites. Mais le spectre d’un hiver de misère pourrait bien déclencher la colère et il faudra que les classes populaires expriment leur refus de payer la politique de la bourgeoisie, qu’elles réclament la nécessaire augmentation des salaires pour ne pas se geler cet hiver. Cela signifie dépasser la question de la « paix » et poser celle de la lutte… de classe !

Dima Rüger

(Article publié dans l’Anticapitaliste no 628)

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