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Algérie : Une première victoire de la révolte sociale

Bouteflika, le Président algérien, vient d’annoncer qu’il renonce à se représenter à l’élection présidentielle ! C’est le résultat des immenses manifestations contre lui et son régime. Les manifestants refusaient le 5e mandat d’un président grabataire – s’il n’est pas déjà mort ! –, prête-nom d’un appareil d’État corrompu tenu en laisse par une armée omniprésente. Les défilés, composés en grande partie de femmes, ont été énormes. Avec des slogans d’une inventivité qui allait bien au-delà de la personne de Bouteflika. Une jeune femme affichait : « Le clan Boutef n’aura même pas notre soutien-gorge », tandis qu’une autre pancarte ironisait : « Ce camembert Président pue moins que votre système »... En France aussi, les Algériens se sont mobilisés de Marseille à Paris, où 10 000 personnes se sont retrouvées place de la République : « Mettez le FLN au musée », a-t-on pu entendre.

Accueilli par la grève

Pendant que Bouteflika – en tout cas son avion... – rentrait dimanche dans un pays en ébullition, étudiants et lycéens sont à nouveau sortis par dizaines de milliers dans les rues et ont mis en échec la tentative du pouvoir de les écarter en avançant et en prolongeant leurs vacances.

Un appel à la grève générale de cinq jours a été lancé sur les réseaux sociaux et, dimanche, à Alger, Constantine, Annaba ou Bejaia, elle semblait paralyser de nombreux secteurs – transports, administrations, commerces, établissements scolaires. Deux grandes entreprises – celle de l’agro-alimentaire Cevital et le géant des hydrocarbures Sonatrach – étaient touchées par la grève.

Les rats quittent le navire...

Le clan présidentiel s’est fissuré. Plusieurs responsables du Forum des chefs d’entreprise ont fait défection. D’anciens barbouzes dirigés par un ex-ministre de l’Intérieur de Bouteflika aussi. De même qu’une partie de la direction de l’UGTA, le syndicat inféodé au régime. La contestation a même gagné le FLN, au pouvoir depuis l’indépendance en 1962, dont sept députés ont quitté le parti et rejoint la contestation.

Tous ceux-là ont pris leurs distances tant qu’il était encore temps... pour préserver l’essentiel, la domination d’une bourgeoisie affairiste et d’un appareil d’État corrompu resté lié à l’impérialisme, en particulier français.

Le départ de Bouteflika est donc apparu, aux yeux d’une partie des couches dirigeantes, comme une nécessité. Mais cela suffira-t-il à faire taire la contestation ? Comme l’a dit un manifestant à Bordeaux : « Le cinquième mandat de Bouteflika, c’est juste la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les gens sont sortis à cause d’années de marasme social, d’austérité ; et ils sont en train de briser la peur. »

L’armée a, pour l’instant, préféré lâcher Bouteflika plutôt que réprimer. Mais le pouvoir et ses appendices avaient agité ces dernières semaines l’épouvantail d’un retour à la guerre civile, référence aux tueries qui avaient répondu à la révolte d’octobre 1988 et aux dix années de guerre contre les groupes islamistes qui avaient suivi – 150 000 morts ! L’ampleur de la mobilisation a seulement suspendu le risque de répression. Le choix de lâcher Bouteflika montre une certaine fébrilité de la part des couches dirigeantes qui tentent, de cette manière, de reprendre la main et, surtout, de vider les rues de la contestation.

Les manifestants, en particulier la jeunesse, ne sont pas dupes

Avec l’armée en embuscade, des politiciens déjà sur les starting-blocks pour dévier la contestation sociale sur un terrain électoral, les écueils ne manquent donc pas sur le chemin de la révolte populaire. Le simple recours à la grève générale avait provoqué la colère des associations de commerçants ou petits patrons qui craignent que tout cela aille plus loin, bien trop loin pour eux !

Mais la jeunesse algérienne n’est pas forcément dupe de la situation actuelle : contre Bouteflika, « tout le monde était beau, tout le monde était gentil »... mais c’est maintenant que les différences vont apparaître. Et rien ne dit que les jeunes, et, avec eux, les couches populaires, se laisseront endormir.

Cette première victoire du mouvement populaire en Algérie est un espoir et un encouragement pour tous les travailleurs et les jeunes qui, dans le monde, du Venezuela à la France des Gilets jaunes, n’en peuvent plus de la misère et de l’arbitraire.

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