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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 85, janvier-février 2013

Accords sur la « flexi-sécurité » : Des « partenaires sociaux » bien décidés à lier les mains des travailleurs pour leur faire les poches

Mis en ligne le 28 janvier 2013 Convergences Politique

« Flexibilité contre sécurité de l’emploi » : mercredi 16 janvier, l’espace médiatique vibrait encore des hommages rendus au savoir-faire et à la sagesse des négociateurs de l’accord national passé cinq jours plus tôt entre trois syndicats de salariés et le patronat… Las ! Il a suffi d’une seule annonce, celle de Renault, pour que se révèle l’embrouille… Carlos Ghosn, le P.-D.G. de Renault, en pleine négociation avec les syndicats pour un accord du même tonneau, annonçait… 7 500 suppressions de postes dans le groupe en France.

Tous les efforts avaient pourtant été faits pour faire passer l’accord national pour un accord « équilibré ». Juste avant, la CFDT avait claironné partout qu’il était hors de question de signer si les CDD courts n’étaient pas « taxés » et si n’était pas instaurée une complémentaire santé pour tous. Comme on pouvait s’y attendre, le 11 au soir, ces deux prétendus blocages étaient levés. C’est qu’il fallait bien permettre aux syndicats acceptant l’accord de donner l’impression qu’ils avaient obtenu quelque chose pour les travailleurs qu’ils sont censés représenter. Dans la réalité, l’accord national entre le patronat et la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC – FO et la CGT ont refusé de signer – représenterait, si le gouvernement le mettait en musique avant le printemps prochain sous la forme d’une loi comme il l’a annoncé, un recul considérable pour les travailleurs.

Un accord qui entérine les pires pratiques patronales et plus encore

L’accord du 11 janvier non seulement entérine tout ce qui peut exister comme types d’emplois précaires, mais en invente de nouveaux, comme le CDI… intermittent (déjà inventé il y a quelques années par la Poste qui avait été condamnée pour cela) : « Une expérimentation d’alternance entre périodes travaillées et chômées serait lancée dans trois secteurs pour les entreprises de moins de 50 salariés », secteurs qui sont : le chocolat, la formation et les articles de sport. Les salaires seraient « lissés » sur l’ensemble de l’année. Ce serait évidemment une remise en cause du CDI et l’on imagine sans peine tous les secteurs qui s’empresseraient de demander à rejoindre l’« expérimentation » pour que les patrons en question puissent ainsi faire en toute légalité… pire que ce qu’ils font déjà.

La liste des mauvais coups prévus par l’accord contre les travailleurs est longue : possibilité pour les patrons de faire varier les horaires, de baisser les salaires. Le tout pour « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi »… Ben voyons ! Ce ne serait rien d’autre que la généralisation des « accords » imposés aux travailleurs à Continental ou à Bosch, accords qui n’avaient pas empêché ces groupes de licencier les travailleurs. L’accord du 11 janvier prévoit en outre l’obligation d’accepter une mutation et/ou un changement de poste sous peine de perdre le « bénéfice » du licenciement économique et d’être licencié « pour raisons personnelles ».

En cas de licenciement collectif ? L’employeur pourrait déroger aux obligations des plans sociaux, s’il y a accord avec des syndicats, sur la forme (le nombre de réunions obligatoires, les documents à produire, les recours syndicaux à des experts) et même sur l’ordre des licenciements. Plus de critères sociaux, c’est la « compétence professionnelle » qui serait privilégiée.

Enfin, l’accord s’en prend aux recours devant les tribunaux en raccourcissant les délais laissés aux salariés pour le faire, en réclamant que les irrégularités de forme ne soient plus opposables sur le fond, en réclamant en fait le droit de licencier sans motif ; cerise sur le gâteau, les indemnités qu’un salarié pourrait réclamer seraient plafonnées.

Le Medef avait donc de quoi être satisfait : « Ce soir, les partenaires sociaux ont placé la France en haut des standards européens en matière de marché du travail et de relations sociales. L’accord auquel ils sont parvenus est en effet tout sauf un accord a minima », a communiqué l’organisation patronale. [1]

Tous les arguments qui sous-tendent cet accord – comme le fait que, si les patrons n’embauchent pas, c’est parce qu’il est difficile de licencier… – sont des arguments bidon. Cela fait des années qu’on exonère les patrons à tour de bras, qu’on « assouplit » la législation du travail sans qu’ils embauchent. Alors aujourd’hui, en période de crise !

Les licenciements vont s’accélérer et le patronat n’a l’intention d’offrir aucune « sécurité » aux travailleurs. Tout ce qu’il cherche à faire, c’est à se mettre en ordre de marche pour être concurrentiel lorsque viendrait la reprise économique, en rabotant le plus possible le Code du travail et les maigres garanties qu’il apporte aux salariés.

La CGT et FO ont refusé de signer l’accord et c’est tant mieux. Mais elles n’ont rien fait pour s’y opposer, sauf s’associer à la table des négociations, et ne préparent rien pour empêcher que l’accord ne devienne loi. Comme si cela les arrangeait que d’autres aient signé à leur place. On ne les a pas entendues, et on ne les entend toujours pas, affirmer que, pour se faire entendre du patronat, il ne suffisait pas de s’asseoir en face d’eux mais qu’il faudrait se battre. Les mois qui viennent diront si les travailleurs trouveront, avec ou sans les confédérations, les moyens non seulement de renvoyer l’accord du 11 janvier aux oubliettes mais de faire converger leurs luttes pour s’opposer aux licenciements, pour imposer des mesures d’urgence qui fassent payer la facture de la crise à ceux qui en sont responsables et en ont en plus les moyens : la classe capitaliste.

19 janvier 2013, Jean-Jacques FRANQUIER


Des « contreparties » ou d’autres cadeaux au patronat ?

Qu’est-il advenu des « ultimatums » de la CFDT ? Quelques détails : aux dires de Patrick Bernasconi, le principal négociateur du Medef, les sur-cotisations sur les CDD courts coûteraient 110 millions d’euros tandis que les exonérations pour les CDI « jeunes » rapporteraient… 155 millions… Une « concession » patronale qui lui rapporte donc quelque 45 millions.

Quant à la complémentaire santé pour tous, l’accord prévoit seulement que des négociations vont s’engager sur la question… Ensuite, ces complémentaires seraient payées pour moitié par les salariés eux-mêmes. Enfin, il s’agit d’une mesure qui pourrait bien offrir aux AXA et autres compagnies d’assurance privées des « marchés » captifs – les complémentaires santé dépendraient d’accords de branches. Et sur les quatre milliards que cela coûterait, deux seraient payés directement par les salariés !


[1-Sur l’ensemble des dispositions prévues par l’accord du 11 janvier, on pourra consulter l’analyse détaillée de Gérard Filoche, dont le plus gros défaut est d’appartenir au Bureau National du Parti Socialiste mais dont les écrits sur le droit du travail n’ont jamais manqué de pertinence. On trouvera cette analyse à l’adresse suivante : http://www.filoche.net/2013/01/12/rien-contre-le-chomage-le-medef-a-bloque-tout-avancee-pour-les-salaries-dans-cet-accord-axa-signe-par-une-minorite-syndicale/

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