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DOSSIER : Loi Fillon, accords d’entreprise, représentativité… Les syndicats embourbés dans le « dialogue social »

Accords d’entreprise contre conventions collectives

Mis en ligne le 12 janvier 2004 Convergences Politique

En novembre dernier, François Fillon, le ministre des Affaires sociales, présentait un projet de loi portant sur la « réforme des règles de négociation collective », qui visait à ouvrir une nouvelle brèche dans le droit du travail français.

En effet, il existe en droit du travail ce que l’on appelle une « hiérarchie des normes », prévoyant qu’un accord d’entreprise ne peut contenir des dispositions moins favorables aux salariés que l’accord de branche qui lui-même ne peut être plus défavorable que la loi. Ce principe, également nommé « principe de faveur », protège les salariés des petites entreprises où les travailleurs rencontrent généralement plus de difficulté à s’organiser collectivement. Un patron d’une branche est ainsi lié par ce qui a été négocié au niveau global en matière de salaire minimum, de temps ou d’organisation du travail, et il ne peut y déroger, même si, par quelque chantage à l’emploi par exemple, il arrive à obtenir l’accord des salariés de son entreprise. Or, le projet du gouvernement prévoit, dans un premier temps, de sortir un certain nombre de sujets de ce cadre : des dispositions sur la durée et l’aménagement du temps de travail, l’organisation du travail, l’élaboration d’un plan social, et l’épargne salariale, pourraient faire l’objet d’un accord d’entreprise en retrait par rapport à la convention collective dont ils dépendent, ce qui, jusque-là, a été maintes fois tenté par les patrons, mais constamment rejeté par les tribunaux [1].

Les conventions collectives : une double finalité

Les conventions collectives s’appliquent à toute une branche (métallurgie, commerce, textiles, etc.). Leur essor date de juin 1936, après la grève de mai-juin. Avant cette date, à peine 4 % des travailleurs français étaient soumis au régime d’un contrat collectif. En 1935, avant les grèves, il y avait 28 conventions collectives. Elles passeront à 1123 en 1936 et 3064 en 1937 [2]. La loi du 24 juin 1936 reprend les points essentiels de ces conventions, qui doivent obligatoirement contenir des dispositions relatives à la liberté syndicale, aux délégués du personnel, aux salaires minimaux par catégories, aux congés, aux procédures de conciliation. L’article premier des accords Matignon est ainsi libellé : « la délégation patronale admet l’établissement immédiat de contrats collectifs de travail ». L’explosion des conventions collectives a correspondu à un rapport de forces favorable aux travailleurs, au moment des grèves de mai-juin où le patronat craignit de tout perdre, y compris la propriété de ses usines. Il céda donc sur un aspect jugé jusque là essentiel de son emprise sur les salariés : la négociation individuelle le plaçant en situation de force face à un seul salarié. Ces accords collectifs ont permis de garantir, du moins pour un temps, les avancées arrachées par la lutte collective, qui s’appliquaient dès lors à toute une profession, dans les petites entreprises comme dans les grandes.

Les conventions collectives sont donc plus protectrices pour toute une catégorie de travailleurs que les accords d’entreprise, même s’il ne faut pas exagérer leur portée : en effet, si les travailleurs y gagnent, cela permet également aux patrons de fixer dans un cadre stable les avancées momentanément obtenues. En juin 1936, l’article 7 des accords Matignon prévoyait que « la délégation ouvrière demandera aux travailleurs en grève de décider la reprise du travail dès que la direction des établissements aura accepté l’accord intervenu ». Les conventions collectives gèlent le rapport de forces à un moment donné, en évitant à la combativité ouvrière de s’exprimer plus longtemps et plus fortement et ils avaient pour objectif de mettre fin à l’occupation des usines.

Lorsque les luttes ouvrières cessent, les cadres limitant la liberté des patrons dans les conventions collectives les gênent et ils n’ont de cesse de les dénoncer et d’essayer de les démanteler. Le gouvernement Raffarin, en voulant permettre à des accords d’entreprise de déroger aux accords collectifs, s’attelle à son tour à la besogne pour le compte de l’ensemble des patrons.

Laurence VINON


[1Cf jugement du TGI de Paris, 14 mai 2002, CGT contre FFSA) dans le magazine Options n°450 du 26 mai 2003, édité par l’Ugict.Cgt

[2In Juin 36-Jacques Danos et Marcel Gibelin Ed. petite collection Maspéro

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