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Loi travail, dégage !

« Accord » sur les Intermittents du spectacle : Le gouvernement enfin gentil ?

Mis en ligne le 29 juin 2016 Convergences Politique

Après le refus du Medef de signer une nouvelle Convention chômage, le gouvernement prolonge la précédente et y inclut une modification très avantageuse pour les intermittents du spectacle. En prenant lui-même l’initiative d’offrir un tel ‘accord’, le gouvernement permet au Medef de sauver la face.

En préambule à la renégociation de la Convention chômage, le Medef publiait fin mars une « lettre de cadrage » particulièrement éhontée : 800 millions par an d’économies à réaliser ! Côté intermittents du spectacle, les négociations allaient s’engager en amont et pour la première fois séparément entre les syndicats des intermittents et la Fédération des entreprises du spectacle vivant, de la musique, de l’audiovisuel et du cinéma (Fesac). Tandis qu’ils occupaient théâtres et écoles d’art, les intermittents apprenaient le 28 avril qu’un accord était signé avec la Fesac. La presse applaudissait, sans insister sur le fait que cet accord, signé uniquement par les patrons du spectacle, n’avait été ni conclu ni même discuté avec le Medef, lequel détient les cordons de la bourse de l’Unedic. Le gouvernement jouait sur la confusion et avait intérêt à en faire la publicité, car les intermittents, rejoints par quelques « Nuit debout », agissaient sans attendre la grève promise par la CGT lors des festivals de l’été.

Valls se met à disposition du Medef…

Alors que le Medef commençait son chantage consistant à ne pas signer de Convention chômage, Valls cherchait encore à accorder les parties et se déclarait prêt à abonder jusqu’à une centaine de millions d’euros pour permettre à l’accord Fesac d’être intégré à la Convention chômage sans que cela ne coûte un sou au patronat. Cette solution correspond à une vieille revendication de la CFDT et du Medef, qui réclament depuis toujours que le régime spécial d’indemnisation des intermittents soit pris en charge par l’État. La CGT réclame au contraire « que l’État ne participe pas aux frais ». Samuel Churin de la Coordination des Intermittents et Précaires d’Île-de-France (CIP-IDF) explique  : « Nous devons rester pleinement dans la solidarité interprofessionnelle et éviter le début d’une caisse autonome qui conduirait à notre perte. (…) Il faut que les confédérations (dont le Medef) reprennent l’accord tel qu’il est. »

Malgré la manne d’argent public proposée par Valls, le Medef restait menaçant en jugeant l’accord sur les intermittents trop coûteux. À l’approche de la fin des négociations le 16 juin, les actions des intermittents se faisaient plus audacieuses : le 7 juin, des intermittents réussissaient à installer au deuxième étage du bâtiment du Medef la banderole « Le déficit de l’UNEDIC masque les profits du patronat » et le lendemain, la ministre Myriam El Khomri découvrait au pied de son appartement un slogan attribué à Louise Michel : « Ce que le peuple obtient, il le prend. » Alors que beaucoup d’intermittents rejoignaient spontanément les manifestations contre la Loi travail, ces actions soulignaient que les intermittents ne se battaient pas seuls. Le gouvernement et le Medef commençaient à s’apercevoir qu’il serait dangereux de ne pas agréer l’accord d’une façon ou d’une autre…

… qui préfère renvoyer le bébé

Cette convergence devenait évidente au point que le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez demandait lui-même le 14 juin que le gouvernement « tape du poing sur la table » pour obliger le Medef à signer. Ça s’est plutôt fini par une dérobade, le Medef choisissant d’achever les négociations sans signer de Convention chômage. Le fait ne s’était plus produit depuis 1982. En tel cas, lorsque les partenaires sociaux ne parviennent à s’entendre, la Convention chômage précédente est simplement prolongée. Myriam El Khomri profitait cependant de la situation pour « rassurer l’ensemble des demandeurs d’emploi : ils continueront de percevoir leurs allocations ». Et la ministre en profitait pour critiquer le Medef car il aurait rompu les négociations alors qu’il s’agissait, selon elle, de lutter contre le recours « parfois abusif aux contrats très courts ».

À la recherche d’une paix séparée à l’approche des festivals

En réalité, cette petite mise en scène d’une confrontation gouvernement-Medef cachait la volonté des deux parties de sortir les intermittents de la convergence des luttes qui menace : le jour même de la fin de négociations, le gouvernement annonçait qu’il allait intégrer l’accord sur l’indemnisation des intermittents à la Convention chômage.

En prime de cette paix séparée sur le front des intermittents il y a, pour le gouvernement, outre l’intention de séparer les intermittents de la lutte contre la loi El Khomri, l’espoir de s’assurer un bon déroulement des festivals, sans grève. C’est à voir.

Mais en tout cas l’application de cet accord est une victoire à mettre au crédit de tous ceux qui luttent depuis des mois, y compris contre la loi El Khomri. Car sans cette pression, le MEDEF et le gouvernement n’auraient jamais choisi une telle solution.

17 juin 2016, Laurent VASSIER


T’as des contrats, t’as du boulot ?

Le régime spécial d’indemnisation chômage des intermittents protège des salariés dont l’emploi est, par nature, discontinu.

Les intermittents du spectacle représentent un pool d’environ 120 000 salariés, techniciens ou artistes travaillant en CDD. Contrats de trois jours ou de trois mois, ils retombent systématiquement au chômage. La question de collègues qui se revoient après une période d’absence est toujours celle-ci : « t’as des contrats, t’as du boulot ? » À cette instabilité, qui poursuit les intermittents tout au long de leur vie professionnelle, correspond un régime spécial, régit par les annexes 8 et 10 de la Convention chômage.


Les gains de l’accord du 28 avril

Depuis 2003, les intermittents ayant travaillé suffisamment d’heures pour bénéficier du régime spécial d’indemnisation obtenaient le droit à 243 jours d’indemnisation, période à l’issue de laquelle leur situation était réexaminée. Ce réexamen intervenait à une date aléatoire, en fonction du calendrier de travail de chaque intermittent, qu’il maîtrise bien peu. Ce système obligeait les intermittents à courir après les cachets, sans que cela ne les mette à l’abri de l’exclusion du système d’indemnisation au moment du réexamen de leur situation.

L’accord du 28 avril revient au système antérieur à 2003 : le réexamen des droits intervient une fois par an à date fixe. Cet accord comprend d’autres avancées, comme pour les femmes enceintes qui, ayant refusé des périodes de travail pendant quelques mois, étaient jusque là victime de baisses d’indemnisations.

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