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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 41, septembre-octobre 2005

À propos des « responsabilités véritablement historiques » de la LCR

Mis en ligne le 20 septembre 2005 Convergences Politique

La propension à l’extrémisme verbal n’est certes pas nouvelle chez les trotskistes. On est tout de même un étonné d’entendre dire aux camarades de la LCR ou de lire sous leur plume que la France serait entrée depuis le 29 mai dans « une crise politique majeure »  [1]. Surtout quand dans la foulée, ils reconnaissent que « tout l’été, agissant par ordonnances, violant sa propre majorité parlementaire, cette droite revancharde [il s’agit du gouvernement, Sarkozy et de Villepin] s’en est prise au code du travail, aux droits des chômeurs, aux services publics, aux libertés syndicales, aux sans-papiers... ». Un pouvoir en crise mais plus efficace que jamais contre le monde du travail ! Comprenne qui pourra !

Ou plutôt on comprend bien qu’il s’agit de justifier à tout prix l’importance donnée par la LCR au référendum, et surtout ses espoirs de voir surgir enfin le fameux parti de la gauche de la gauche après lequel elle a si longtemps couru (avec plus ou moins de conviction suivant les époques, il est vrai).

Un front politique et social

Certes, la LCR ne parle pour le moment que « d’un front d’opposition politique et social  ». Mais les objectifs qu’elle propose sont bien ceux d’un parti, c’est-à-dire un regroupement politique permanent, durable et engagé sur un programme commun... jusqu’à l’exercice du pouvoir. On est donc loin du front circonstanciel, justifié et nécessaire, que les communistes révolutionnaires peuvent conclure avec beaucoup de gens qui ne sont ni l’un ni l’autre dans telle lutte ou sur tel objectif.

Pour une telle entreprise se pose en effet immédiatement la question de la nature politique de ceux avec qui on entend construire ce parti ? C’est-à-dire, dans l’hypothèse où ils accepteraient l’aventure, de leurs véritables objectifs ?

Or l’objectif des alliés de la LCR est clair et connu de tous : préparer les prochaines échéances électorales afin de les aborder dans le meilleur rapport de force possible en vue de l’alliance avec le PS (ces « sociaux-libéraux » notoires suivant la terminologie de la LCR). Ils ne le cachent nullement d’ailleurs, que ce soit Jean-Luc Mélenchon qui bat les estrades pour assurer qu’aux présidentielles de 2007 Fabius soit à la finale le candidat commun d’un regroupement allant du PS à la LCR, José Bové qui entend faire le pont entre toutes les gauches ou Marie-George Buffet qui plaide à toute occasion pour une nouvelle alliance avec l’ensemble des socialistes. Plus honnêtes quant à leurs intentions, il n’y a guère, il faut le reconnaître ! Et il n’y a que ceux qui veulent fermer les yeux et les oreilles qui pourront prétendre demain s’être trompés sur eux ou avoir été trompés.

Sans doute la LCR espère, par-delà les chefs, s’adresser aux militants et sympathisants de ces différents courants, ceux qui aspirent à l’unité pour pouvoir mener enfin des luttes efficaces contre patrons et gouvernements.

Mais en mélangeant cette aspiration-là avec l’objectif de construire un parti commun - en fait d’ailleurs, en la faisant servir à cet objectif - la LCR contribue au contraire à la dévoyer en confortant les préjugés. Car les mêmes militants et sympathisants, même quand ils se souviennent des expériences anciennes de la gauche au pouvoir, même quand ils n’ont aucune confiance dans les chefs soi-disant socialistes, continuent quand même à penser que le principal combat politique se passe dans les urnes, que là l’unité de toute la gauche est indispensable et qu’un gouvernement de gauche, même composé de politiciens dont ils se méfient, reste le premier objectif à atteindre. Bref, faute d’autres perspectives, ils acceptent le discours que tiennent Buffet, Mélenchon ou Bové (ou encore Emmanuelli, Montebourg ou Fabius).

Quel même but ? Les élections

C’est là le piège, auquel contribue la LCR, qu’elle le veuille ou non. Elle imprime l’idée que Olivier Besancenot, en apparaissant et réapparaissant sur les mêmes tribunes, partage bien les mêmes buts, dans les grandes lignes, que les Mélenchon, Buffet, Bové, Bavay ou Salesse. Les photos sont des symboles, mais elles portent aussi un message politique : qui s’assemble - et on s’assemble beaucoup ces derniers temps ! - se ressemble, dit la sagesse populaire.

Bien plus, en leur soumettant des objectifs qu’elle sait susceptible de plaire ou de séduire ces chefs de la gauche de la gauche, elle conforte leur politique.

Car pour l’instant ce que propose la LCR, bien plus que des mobilisations dans la rue ou dans les luttes, c’est « de nouvelles élections générales », « des candidatures de rassemblement  », « un rassemblement [un de plus] des forces antilibérales et anticapitalistes d’Europe  ».

Après cela, elle peut bien esquisser le programme de gouvernement qu’elle souhaiterait pour la gauche de son cœur, « une gauche qui ne reculera pas devant la pression de la droite et du patronat, qui abrogera toutes les lois scélérates adoptées ces dernières années (sur les retraites, la Sécu, le temps de travail, l’école, les droits des chômeurs, le droit du travail...), qui reviendra sur toutes les privatisations du service public depuis 20 ans, qui régularisera les sans-papiers et ouvrira la voie à une citoyenneté de résidence pour les étrangers, qui n’hésitera pas à s’en prendre au sacro-saint droit de propriété des actionnaires des grandes entreprises pour combattre les licenciements boursiers, défendre les droits des salariés ou donner à ceux-ci droit de contrôle sur les livres de compte. »

Quel sens cela a-t-il de proposer un tel programme à des politiciens qui eux-mêmes, leur parti ou leurs amis politiques, ont fait exactement l’inverse quand ils étaient au gouvernement ? Qui dans l’opposition peuvent s’y engager (le « programme commun » de Mitterrand dans les années 70 était sur certains aspects plus radical encore) sachant qu’ils ne seront nullement contraints de l’appliquer s’ils venaient au pouvoir dans le cadre des élections ? Ne serait-ce que parce que dans ce cadre tout le monde sait qu’ils n’auront pas d’autre choix que de nouer alliance avec d’autres forces politiques (et d’abord l’autre gauche, « celle du renoncement à la domination d’un capitalisme plus prédateur que jamais  »). On a fait le coup en 1997 aux militants du PCF pour les amener à accepter l’entrée de ministres communistes dans le gouvernement Jospin.

Oui, quel sens cela a-t-il sinon de redonner une virginité à ceux qui ont un passé chargé, de cautionner les nouveaux qui sont déjà engagés sur la même voie que leurs aînés, et surtout encourager « le peuple de gauche » à mettre tous ses espoirs dans les prochaines élections plutôt que dans ses luttes (une voie qui semble autrement difficile et lointaine, c’est vrai, mais pourtant la seule qui peut déboucher un jour) ?

La LCR évoque, avec un peu d’emphase, une « responsabilité véritablement historique » de ses militants ainsi que ceux du PCF.

Peut-être. Mais alors ce n’est certainement pas de contribuer à mettre en place, même avec des tas de réticences et de réserves, par étapes et à terme, une nouvelle mouture de gouvernement de « l’Union de la gauche » ou « la Gauche plurielle ».

16 septembre 2005

Jacques MORAND


[1Toutes les citations faites dans cet article sont tirées d’une « Contribution de la LCR » distribuée en tract à la fête de L’Humanité. Il résume parfaitement les positions de la LCR exposées depuis deux mois dans d’innombrables articles ou discours de ses principaux leaders.

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