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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 103, janvier-février 2016

À la SNCF aussi on réforme le Code du travail

Mis en ligne le 11 février 2016 Convergences Entreprises

Fin décembre, dans plusieurs régions, des cheminots se sont mis en grève. Parmi eux des contrôleurs et agents de conduite, ainsi que des cheminots en gare. La raison de leur colère ? Le manque d’effectifs dû aux suppressions d’emplois de ces dernières années, et leurs conséquences sur l’organisation du travail et la sécurité. Les contrôleurs craignent de nouvelles suppressions de postes avec la généralisation de l’EAS (Exploitation Agent Seul), mise en œuvre dans les nouvelles rames TER qui roulent sans personne d’autre dans un train que le conducteur. À la vente, l’hémorragie d’emploi est permanente, justifiée hypocritement par le développement de l’internet.

Au même moment la direction SNCF annonçait l’offensive qu’elle compte mener pour 2016 : 1 800 suppressions de postes à SNCF Mobilités [1], essentiellement des non-remplacements de départ à la retraite au matériel, au fret, aux guichets et chez les roulants (contrôleurs et agents de conduite). Il y aurait environ 400 embauches à SNCF Réseau, une bien maigre consolation au regard des milliers de postes supprimés au fil des années dans tous les secteurs qui doivent réparer et entretenir le réseau, et, à côté des galères que cela impose aux usagers, des graves problèmes de sécurité que cela a déjà pu engendrer.

Une organisation du travail exceptionnellement flexible…

Ces suppressions de postes massives, qui dans la réalité dépassent même les annonces de la direction, s’accompagnent d’une course infernale à la productivité. Toujours moins nombreux pour faire toujours plus, les journées de travail des cheminots sont de plus en plus surchargées. À tel point que les entorses aux règles de l’organisation du travail, pourtant exceptionnellement flexible, se multiplient. Après avoir mis les cheminots devant ce fait accompli, la direction voudrait maintenant modifier ces règles à son avantage : le 20 décembre, Guillaume Pépy a annoncé qu’il comptait « renégocier à la SNCF la façon de faire les 35 heures pour que nos 35 heures soient plus efficaces ».

Le règlement qui encadre les plannings de travail des cheminots porte le nom barbare de RH0077. Il est basé sur un décret adopté en 1999, à la suite des lois Aubry sur les 35 heures. Pourquoi un décret ? Parce qu’il contient déjà des dispositions dérogatoires au Code du travail. Par exemple la possibilité de faire travailler les cheminots six jours d’affilée à la suite d’un seul jour de repos. Ou encore une durée minimale de neuf heures de repos entre deux journées de travail pour les roulants (repos hors résidence).

Les cheminots avaient à juste titre fait grève contre sa mise en place en 1999, contre l’avis de la CGT qui soutenait alors ses « camarades ministres » de la gauche plurielle. Cette flexibilité à outrance est seulement tempérée par des accords locaux, arrachés lors de luttes locales.

… Mais pas encore assez pour le patronat

Mais c’est déjà trop de contraintes pour la direction. La loi du 4 août 2014 sur la réforme du ferroviaire, contre laquelle les cheminots se sont mis en grève à l’époque, prévoit l’abrogation de ce décret au 1er juillet 2016, et son remplacement par une « convention collective nationale ferroviaire » négociée avec les syndicats. Chantage patronal habituel : si rien n’est signé d’ici là, la direction décidera seule.

L’objectif des négociateurs patronaux est de revoir complètement l’organisation et le temps de travail des cheminots en les alignant sur ce qui existe déjà dans le ferroviaire privé. La direction de la SNCF parle « d’harmonisation » et l’envisage évidemment par le bas. Plutôt gonflé alors que les cheminots de la SNCF sont 150 000 et ceux du privé moins de 5 000 ! À titre d’exemple, l’amplitude maximale de la journée de travail est de 11 h à la SNCF contre 12 ou même 13 h dans le privé. Les cheminots de la SNCF ont droit à 52 repos doubles (deux jours de repos consécutifs, en compensation des week-ends) dans l’année alors que ceux du privé n’en ont que 25, etc.

Les dirigeants syndicaux acceptent de se livrer à ce jeu de dupes des négociations, sans faire aucun effort pour en informer les cheminots. À ce jour, seul le périmètre de la convention collective a été ratifié : il est des plus réduits puisqu’il exclut d’emblée le nettoyage, la restauration à bord des trains, les réparations de matériel et les travaux sur les voies. En gros, cette convention ne concernera que les cheminots de la SNCF (mais dans l’avenir les ouvriers des ateliers de réparation, aujourd’hui SNCF, pourraient en être exclus), plus quelques centaines de travailleurs de minuscules opérateurs ferroviaires privés. Cette prétendue convention collective n’est donc que le prétexte pour attaquer les conditions de travail des cheminots. Il ne s’est pourtant trouvé qu’un seul syndicat, Sud-rail, pour dénoncer cet accord, la CGT ayant choisi de le laisser passer.

Quant au gouvernement, il vient d’annoncer qu’il publierait le 15 mars un nouveau décret-socle qui servirait de base à ces négociations. Un décret au rabais, même par rapport au précédent, qui sera un sacré coup de pouce aux négociateurs de la direction de la SNCF. Le ministre des Transports, Alain Vidalies, s’est même fait menaçant en déclarant que « s’il n’y a pas de convention collective au 1er juillet, c’est le droit du travail ordinaire qui s’appliquera ».

Mêmes attaques, même riposte

Cette attaque de Pépy sur les 35 heures s’est accompagnée d’une propagande médiatique invoquant « qu’un cheminot roulant dispose de 38 jours de congés payés et de 22 jours de repos complémentaires au titre des 35 heures » [2] (cf. encadré Intox). Cette campagne mensongère, orchestrée par la direction de la SNCF et le gouvernement, est destinée à présenter les cheminots comme des privilégiés et à les isoler des autres travailleurs. Pourtant Pépy s’inscrit dans la droite ligne de la politique menée dans tous les secteurs : comme dans les hôpitaux de l’AP-HP, où sous couvert de revoir les 35 heures, Martin Hirsch veut supprimer des jours de RTT. Ou comme chez Smart où la direction a imposé les 39 heures payées 37 avec la bénédiction du gouvernement.

En 2016, les cheminots de la SNCF et des entreprises ferroviaires privées devront être en position de montrer qu’ils ne sont pas prêts à laisser passer ces attaques. Il s’agira à la fois de se battre contre ce projet de convention collective mais surtout de formuler des revendications propres, en particulier des embauches, qui rejoignent celles de tous les travailleurs. La réforme de l’organisation du travail des cheminots est le pendant côté SNCF de la réforme du droit du travail qui concerne toute la classe ouvrière. C’est à cette échelle qu’une riposte sérieuse s’impose.

26 janvier 2016, Stella MONNOT


Intox

  • 38 jours de congé payés ? Faux

Les agents SNCF toutes catégories confondues bénéficient de 28 jours de congés. Les agents, dans leur grande majorité, n’ont pas le choix et sont contraints d’obtenir l’autorisation de la hiérarchie lorsqu’ils posent des congés. Les agents qui sont en horaires décalés, c’est-à-dire pouvant travailler la nuit, les week-ends et les jours fériés pour garantir le maintien du service (cela représente une bonne partie des agents, hors personnel encadrant et ceux des bureaux) ont à ce titre des jours de repos compensateurs, à l’égal de bien d’autres travailleurs qui assurent une continuité de service sept jours sur sept.

  • 22 jours de repos au titre des 35 heures ? Faux

Les agents SNCF toutes catégories confondues bénéficient de 10 jours de repos au titre des 35 heures. Il ne faut pas confondre ces jours de repos, avec les repos compensateurs dont bénéficient les agents qui travaillent en horaires décalés.


[1Division de la SNCF chargée de l’exploitation des trains de voyageurs et de marchandises.

[2Le Monde du 21/12/2015.

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Numéro 103, janvier-février 2016