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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 118, mars-avril 2018

Élections législatives en Italie

50 nuances de droite

23 mars 2018 Convergences Monde

Les élections législatives du 4 mars ont surtout été marquées par une propagande xénophobe, sur le thème des « Italiens d’abord » et de l’expulsion des migrants, aussi bien de la part de la droite et de l’extrême droite que du Mouvement 5 étoiles (sur ses affiches on pouvait lire : « Zéro débarquement »… « L’Italie ne veut plus être le centre d’accueil de l’Europe »…) Tous ont cherché à faire du migrant le bouc émissaire de tous les problèmes, en entretenant un climat de haine qui s’est traduit notamment par la fusillade de Macerata, le 3 février, où un ancien candidat de la Ligue du Nord aux municipales a tiré sur des Africains et fait six blessés.

Après le scrutin du 4 mars, les médias se sont lamentés, encore une fois, à propos de cette Italie « ingouvernable », du fait qu’aucune des trois forces principales en présence n’a réussi à obtenir une majorité. Ceci malgré une modification de la loi prévoyant que la liste qui obtiendrait 40 % des voix bénéficierait de la majorité absolue des sièges. Les partis arrivés en tête marchanderont-ils un partage des postes gouvernementaux ? Ou finiront-ils par refaire les élections ? C’est leur problème.

Revenu au gouvernement il y a cinq ans, grâce au soutien d’une partie du centre, le Parti Democratico (PD) s’est déconsidéré par sa politique de plus en plus ouvertement dirigée contre les classes populaires : réforme des pensions, du statut du travail… Ceci explique son net recul (il a obtenu moins de 19 %, soit la moitié de son score aux élections européennes de 2014) et le succès du Mouvement 5 étoiles, devenu le premier parti du pays, avec 32 %…

Le Mouvement 5 étoiles offre ses services

Le Mouvement 5 étoiles a été créé en 2009 par le comique Beppe Grillo. Son principal slogan « Tutti a casa » (Tous à la maison) consistait à demander à ses partisans de « sortir » les politiciens corrompus. Il a remporté les villes de Rome et Turin aux élections municipales de 2016. Bien que se présentant comme « ni de droite ni de gauche », Beppe Grillo était de plus en plus coutumier de déclarations démagogiques anti-immigrés, réclamant le renvoi immédiat de ceux qui sont en situation irrégulière, la fermeture des frontières et l’interdiction du droit du sol pour les enfants d’immigrés.

Bien que se présentant comme « anti-système », et dénonçant la « caste » politicienne, le Mouvement 5 étoiles, à peine publiés les résultats, a fait ses offres de services par la voix de son nouveau leader Luigi Di Maio, en affirmant qu’il était conscient de la « grande responsabilité qui était la sienne pour donner un gouvernement à l’Italie », en se déclarant « prêt à discuter avec toutes les formations politiques ».

Le bloc Berlusconi-Matteo Salvini

Mais c’est la coalition de la droite et d’une partie de l’extrême droite qui est arrivée en tête avec 37 % des voix. Cette coalition était dirigée par Forza Italia de Berlusconi qui, bien qu’inéligible depuis sa condamnation pour fraude fiscale, a fait son come back sur la scène politique. Mais, en son sein, c’est la Lega Nord dirigée par Matteo Salvini, ami de Martine Le Pen, laquelle lui a adressé ses « chaleureuses félicitations », qui apparaît de plus en plus comme la force montante (elle est passée de 4 % des voix aux dernières élections législatives en 2013 à 16 %).

Pour l’occasion, la Lega Nord a même perdu le Nord, puisque désormais elle ne s’appelle plus que la Lega… dans le but de gagner des voix dans le sud du pays (le Mezzogiorno). Sa démagogie habituelle qui consistait à dénoncer les prétendus assistés du sud et réclamer l’autonomie des riches régions du nord s’est transformée en une nouvelle démagogie nationaliste et anti-migrants.

Même si CasaPound, un petit parti se réclamant ouvertement de Mussolini et du « fascisme du xxie siècle » a déclaré avoir subi une défaite (0,9 %), il espère continuer à s’implanter non grâce aux urnes mais par ses démonstrations musclées anti-migrants, comme les « rondes » qui au nom de la sécurité consistent surtout à s’en prendre aux vendeurs à la sauvette, ou les manifestations contre l’ouverture des centres d’accueil.

Potere al Popolo : « un nouvel espoir à gauche » ?

Une nouvelle coalition de la gauche dite « radicale » a vu le jour à l’occasion de ces élections : Potere al Popolo (Pouvoir au peuple), après que ses initiateurs ont cherché, en vain, un accord avec Liberi e Uguali, une liste formée par d’ex-« frondeurs » du PD.

Officiellement c’est un centre social de Naples qui en est à l’origine, en proposant via les réseaux sociaux une assemblée constitutive, qui a réuni environ 600 personnes, à Rome, le 18 novembre. La principale composante de ce regroupement est le Parti de la refondation communiste, né après la dissolution du PCI, mais on y trouve aussi un groupe souverainiste de gauche : Eurostop, dirigé par un ex-secrétaire syndical de la FIOM (fédération de la métallurgie de la CGIL), ainsi que des syndicalistes de l’Union syndicale de base.

Potere al Popolo, qui a obtenu 1,1 %, des voix se réclame de Podemos et de la France insoumise (il a d’ailleurs eu le soutien de Mélenchon, qui a fait le déplacement à Naples). Le premier point de son programme est : « la défense et la relance de la Constitution née de la Résistance »…

Potere al Popolo se présentait comme « l’unique nouveauté dans ces élections », un rassemblement « citoyen » qui dépasse les limites de l’extrême gauche. En fait, il faut avoir la mémoire courte pour y voir quelque chose de « nouveau » car, avant lui bien d’autres, comme Sinistra Arcobaleno (la Gauche arc-en-ciel) ou Rivoluzione Civile… sont apparus, les uns après les autres, le temps d’une élection. 

6 mars 2018, Thierry FLAMAND


La liste Per una Sinistra Rivoluzionaria (‘Pour une gauche révolutionnaire’)

Il y a un an, Sinistra Classe Rivoluzione (SCR – Gauche classe révolution), section italienne de la Tendance marxiste internationale [1], avait proposé à six autres organisations de « vérifier s’il existe les conditions d’un front commun qui, à partir de nos organisations, se donne l’objectif de présenter dans la prochaine campagne électorale une alternative de classe anticapitaliste, la plus large possible, se distinguant clairement de la gauche réformiste, et, à plus forte raison, du populisme du Mouvement 5 étoiles ». Seuls le Partito Comunista dei Lavoratori (PCL– Parti communiste des travailleurs) et Sinistra Anticapitalista (Gauche anticapitaliste), proche du NPA, s’étaient déclarés intéressés par cette proposition. Mais Sinistra Anticapitalista, qui avait déclaré d’emblée rechercher une alliance « plus large » a rejoint par la suite Potere al Popolo.

Ces deux organisations trotskystes (SCR et PCL) ont donc constitué une liste commune : Per una Sinistra Rivoluzionaria (pour une Gauche révolutionnaire) qui se proposait d’être présente dans le maximum de circonscriptions. Pari en grande partie tenu, puisqu’après avoir recueilli plus de 20 000 signatures d’électeurs au niveau national, cette liste a pu présenter des candidats dans près de la moitié des circonscriptions, totalisant environ 60 % des électeurs. Ce qui lui a également permis l’accès à la campagne télévisée [2]. Parmi les thèmes de campagne de Per una Sinistra Rivoluzionaria :

  • Pas de salaire inférieur à 1400 euros ; (NB : il n’y a pas de salaire minimum légal en Italie)
  • salaire garanti pour les chômeurs de 80 % du salaire minimum ;

-arrêt des licenciements, expropriation des entreprises qui licencient ;

-retraite à 60 ans ; (en Italie, elle est à 67 ans)

  • après trois ans de présence, droit à la nationalité pour tous les immigrés qui en font la demande.

Au-delà de son faible score électoral (0,1 % au niveau national) cette liste a montré qu’il était possible de dépasser les divergences pour défendre sur les questions essentielles, une politique révolutionnaire représentant les intérêts de la classe ouvrière. 


[1La Tendance marxiste internationale (TMI), dont le fondateur est Ted Grant, se caractérise par la pratique d’un « entrisme » au sein des partis réformistes (comme ce fût le cas en particulier en Angleterre pour la tendance « Militant » dans le Labour Party). Elle a apporté son « soutien critique » à Mélenchon, lors des dernières élections.

[2Pour pouvoir se présenter aux élections, si l’on n’est pas représenté au parlement, il faut obtenir un certain nombre de signatures parmi les électeurs inscrits sur les listes. Pour ces élections législatives, du fait qu’elles ont été anticipées, le nombre de signatures nécessaires a été abaissé, tout en restant néanmoins élevé pour des petits groupes : 375 dans chacun des 63 collèges plurinominaux, soit près de 25 000 signatures au moins pour être pouvoir être présent dans toutes les circonscriptions.

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