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DOSSIER : Industrie de guerre et trafic d’armes à l’heure de la mondialisation

50 ans de course aux armements sous la houlette des Etats-Unis

Mis en ligne le 17 mai 2003 Convergences Société

« Nous traversons une période de développement fébrile des armements terrestres, navals et aériens. Chaque perfectionnement de la technique militaire entraîne la réorganisation du mécanisme militaire ; toute innovation, tout accroissement de la puissance militaire d’un Etat incite les autres à suivre son exemple ». Ces lignes, écrites au tout début du 20e siècle par le révolutionnaire russe Nicolas Boukharine, dans son livre sur L’économie mondiale et l’impérialisme, montrent que la course aux armements ne date ni d’aujourd’hui, ni des années de la « guerre froide ».

Les chiffres qu’il citait sur la part des dépenses militaires dans les budgets des Etats en 1907-1908, donc en période de paix, bien avant la première guerre mondiale, sont impressionnants : 48,6 % du budget pour la Grande-Bretagne, première puissance impérialiste à l’époque, 37 % pour la France, 28,3 % pour l’Allemagne et 35,6 % pour la Russie tsariste, « la puissance militaire du pays étant la dernière instance à laquelle font appel les groupes capitalistes nationaux ».

Depuis, les mécanismes et les raisons de cette course aux armements n’ont pas changé. Mais l’industrie militaire et le rôle qu’elle occupe dans toutes les branches industrielles ont acquis une nouvelle dimension ; les rapports de force tant économiques que militaires entre les grandes puissances se sont modifiés ; enfin, le marché des armements s’est étendu à l’échelle de la planète, au-delà des grandes puissances, à tous les Etats sortis formellement indépendants de l’éclatement des anciens empires coloniaux au cours des années 1950-60.

La « Guerre froide » et l’essor du lobby militaro-industriel américain

Commentant, à la fin de son mandat, le développement depuis la seconde guerre mondiale d’un énorme complexe militaro-industriel aux USA, Eisenhower, président de 1954 à 1960, affirmait qu’il avait été le premier président américain à connaître une industrie permanente de l’armement et des effectifs militaires aussi élevés en temps de paix (3,5 millions d’hommes).

La raison essentielle du développement d’un gigantesque complexe industriel d’armement américain (commencé à se mettre en place pendant la guerre mondiale) n’était pas le prétendu danger qu’aurait représenté l’armée russe pour les Etats-Unis, ou pour le monde capitaliste en général. La raison en était le nouveau rôle de l’impérialisme américain. Il sortait de la seconde guerre mondiale avec des bases militaires implantées un peu partout dans le monde. Il était devenu le leader incontesté du camp impérialiste. Il contrôlait le Pacifique, volait la place de l’Angleterre au Moyen-Orient ou prenait le relais de la France en Indochine.

La bombe atomique et les rampes de lancement de fusées orientées vers l’Est, n’étaient pas qu’une menace vis-à-vis de l’URSS, mais aussi vis-à-vis de tous les peuples de la planète. Vis-à-vis de l’URSS elle-même, l’impérialisme américain avait fait momentanément la part du feu : il lui suffisait de la contenir. L’énorme potentiel militaire américain, c’est en Corée, en Amérique Latine, au Vietnam, aux Philippines… (comme tout récemment en Yougoslavie et au Moyen-Orient) qu’il a servi. De la même façon, c’est surtout en Afrique qu’a servi le potentiel militaire français, au Moyen-Orient le potentiel militaire anglais, ou encore aux Malouines pour la seule raison que le régime argentin, pourtant réactionnaire, voulait par démagogie toucher aux intérêts d’une grande puissance.

Quant aux puissances impérialistes subalternes, comme la France et l’Angleterre, elles tenaient à rester dans le peloton de tête de la course aux armements pour défendre leur rang de grande puissance et se donner la capacité d’intervenir militairement sans tutelle, du moins dans leur zone d’influence, quand bon leur semblait. Elles se réservaient également la possibilité, dans le cas d’un conflit majeur, même alliées aux USA, d’avoir leurs moyens de pression et une certaine liberté de manœuvre pour défendre leurs propres intérêts, c’est à dire ceux de leurs trusts.

Dans le même temps, les dirigeants des nouveaux pays indépendants se sont empressés de constituer leurs propres armées et de les suréquiper, offrant aux trusts de l’armement des pays riches de nouveaux marchés. Ces derniers représentent près de 30 % des dépenses d’armement de la planète et absorbent près de la moitié des exportations d’armes des pays riches.

De la guerre du Vietnam à la « guerre des étoiles »

Les Etats-Unis ont essuyé au début des années 1970 le contre-coup de l’explosion des dépenses militaires entraînées par la guerre du Vietnam. La fin de cette guerre leur a permis de réduire leurs budgets militaires de quelque 20 %.

Les industriels de l’armement ont vite trouvé des compensations : les commandes des principaux pays du Moyen-Orient ont commencé à exploser et pris le relais. L’Iran le marché privilégié des USA avant la chute du Shah, l’Arabie Saoudite est toujours celui des USA et de la Grande Bretagne ; quant à la France, elle fit surtout affaire en Irak, avec notamment 80 mirages vendus en 1978, puis 5 milliards de dollars de ventes d’armes (Mirages, Exocet, « location » d’avions Super-Etendard) de 1980 à 1985, pendant la guerre Iran-Irak, ce qui représentait 40 % des ventes d’armes françaises.

Aux Etats-Unis même, les restrictions du budget militaire cessèrent au bout de cinq ans. A partir de 1981, le gouvernement Reagan relançait la course aux armements avec le projet d’Initiative de Défense Stratégique (IDS), surnommée « guerre des étoiles ».

De 1986 à 1989, au plus fort des dépenses du programme IDS, le budget militaire américain global était remonté pratiquement au niveau le plus élevé atteint pendant la guerre du Vietnam. Et si la guerre des étoiles n’a pas vu le jour, il en est sorti une nouvelle génération d’armements expérimentés dans les guerres plus terre-à-terre du Kosovo et d’Irak, avec, entre autres, les bombes guidées par laser, des satellites pour repérer les cibles (système dit GPS) et les avions furtifs.

1989-91 : de la fumisterie du désarmement à la première guerre du Golfe

A la fin des années 1980 s’engagèrent les négociations dites de « désarmement » avec Gorbatchev.

« Désarmement » est un grand mot. Il ne s’agissait que de réduire le fardeau de la course aux missiles entre l’URSS et les Etats-Unis. De fait, ces négociations URSS-USA ont tout juste précédé le lâchage par l’URSS des pays d’Europe de l’Est, puis le rétablissement en URSS même de la propriété privée et de la libre entreprise, et la réintégration de celle-ci dans le monde capitaliste.

A part cela, tout l’arsenal militaire des Etats-Unis, comme des autres puissances impérialistes de l’OTAN, continuait de se perfectionner : des blindés de plus en plus sophistiqués aux petits missiles de « théâtres d’opération », en passant par les porte-avions géants permettant de disposer d’une base militaire déplaçable à volonté, les nouvelles générations d’hélicoptères, de chasseurs ou bombardiers. Bref tout l’arsenal qu’on a vu depuis en action dans le Golfe ou en ex-Yougoslavie. Sans oublier les bombes atomiques. Sans oublier les missiles maintenus qui laissent aux Etats-Unis la capacité de semer la terreur en Chine, en Corée ou au Moyen-Orient.

1990-1998 : petite cure de minceur mais de nouveaux marchés

Au cours des années 1990, la baisse des dépenses militaires, portant essentiellement sur les achats d’équipements et les investissements nouveaux, a été de 30 % aux Etats-Unis, mais de 11 % en France. Il faut relativiser la baisse du budget militaire des Etats-Unis. Elle faisait suite à une telle hausse qu’elle ne ramenait le budget de défense qu’à une valeur proche de la moyenne des budgets de la période de la guerre froide. Simultanément, l’un des gros clients de l’industrie d’armements, l’Arabie Saoudite, dont le budget militaire avoisinait déjà au début des années 1980 la moitié de celui de la France, l’a accru de 25 %, sans parler d’une pointe en 1991 et 1992 (pendant la première guerre du Golfe) dépassant alors le budget militaire français.

D’autre part le marché mondial s’est ouvert à de nouveaux clients, en Europe de l’Est et dans une partie du tiers-monde, du fait de l’effondrement de l’URSS. A partir du milieu des années 1990, le gouvernement américain, à la demande de ses producteurs d’armes, a supprimé les restrictions de ventes d’armes à certains pays, en premier lieu la Chine.

1998-2003 : en avant toute

Suite à la vague de concentrations dans le secteur, le lobby militaro-industriel s’est mis à revendiquer une relance des commandes d’Etat. Demande entendue dès 1998 aux Etats-Unis par Clinton qui annonçait une augmentation des budgets d’armement et mettait en chantier, sous le sigle de NMD (National Missile Defense), une nouvelle version, plus soft, de la « guerre des étoiles ».

La hausse des budgets militaires devint un objet de surenchère entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine de 2000. En 2003, les augmentations que vient de décider Bush à l’occasion de la guerre d’Irak dépassent largement les promesses électorales.

O.B.

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