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La guerre contre les travailleurs américains

dimanche 23 mars 2003

308 000 emplois ont disparu aux Etats-Unis au cours du mois de février 2003. C’est la plus forte baisse d’emplois depuis le mois record de novembre 2001 (327 000 emplois en moins) quand, au lendemain du 11 septembre 2001, plusieurs grandes firmes avaient annoncé des plans de licenciements. A commencer par les compagnies d’aviation qui affichaient leur intention de supprimer pas moins de 140 000 emplois sous prétexte des pertes de clientèle qu’allaient leur valoir les attentats.

En fait il s’agissait de bien autre chose : d’une politique de réduction drastique des effectifs, menée dans pratiquement tous les secteurs afin de baisser le coût de la main-d’œuvre en augmentant la charge de travail, en multipliant les temps partiels ou les emplois occasionnels.

L’explosion du chômage

Car cette vague de licenciements avait déjà commencé plusieurs mois avant le 11 septembre 2001. Dès l’automne 2000, les compagnies de l’électronique comme Lucent Technologie, Xerox, Motorola, Intel, et d’autres avaient annoncé des milliers de licenciements. Elles étaient suivies par les constructeurs automobiles, comme Chrysler annonçant, en janvier 2001, 26 000 suppressions d’emplois, ou d’autres grands groupes industriels comme General Electric, 50 000 le même mois. Le nombre des licenciements dits « de masse » (« mass lay-off », grosso-modo équivalents à nos « licenciements collectifs » [1]) qui était de 103 755 en octobre 2000, grimpait à 216 514 en novembre, à 326 743 en décembre 2000. Tout au long des années 2001 et 2002, ce chiffre mensuel a tourné entre 160 000 et 200 000 avec des pics à 253 826 et 273 807 en juin et juillet 2001, près de 300 000 en novembre 2001 et presque autant les deux mois suivant, ou encore 240 000 en novembre 2002.

Le taux de chômage est passé, en conséquence, au cours de l’année 2001, de 4 % de la population active pendant l’année 2000 à 5,8 % en décembre 2001. Il oscille depuis entre 5,8 % et 6 %. Le nombre total de chômeurs aujourd’hui est de 8,45 millions. Auxquels il faut rajouter, entre autres, le nombre de ceux qui travaillent à temps partiel alors qu’ils cherchent un plein emploi et qui lui aussi a grimpé en flèche. Au cours de l’année 2000, ils étaient 3,2 millions. Ils sont aujourd’hui 5,1 millions (chiffre de janvier 2003). Sans parler de ceux qui n’ayant aucun droit, ne sont pas recensés.

L’attaque en règle contre la classe ouvrière

Les Etats-Unis, après dix ans de taux de croissance positif, sont en récession, d’après les statistiques gouvernementales, depuis mars 2001. Là aussi, donc, le 11 septembre et Ben Laden n’y sont pour rien. Quant aux vagues de licenciements, elles ne sont en rien une conséquence fatale de cette récession. Elles ont commencé six mois plus tôt, et elles sont sans commune mesure avec la stagnation ou le faible recul de la production. Comme en France, les gros trusts qui licencient sont en général largement bénéficiaires et ne font qu’accroître ainsi leur marge.

L’offensive du patronat se mène sur tous les terrains : sur l’emploi, mais aussi sur les salaires, l’assurance maladie ou les retraites.

C’est ainsi que la compagnie aérienne United Airlines vient d’obtenir d’un tribunal, en janvier dernier, l’autorisation d’imposer une réduction de 13 % pour plusieurs mois, des salaires de ses 35 000 mécaniciens, ainsi qu’une réduction de leurs retraites, sous prétexte de difficultés financières de l’entreprise. Cela va lui rapporter 70 millions de dollars par mois. Pour les autres catégories, pilotes, régulateurs de vol et hôtesses, la compagnie avait déjà obtenu, par le chantage à la faillite, de réduire les salaires par simple accord avec les syndicats. Il ne reste plus qu’à reprendre les négociations pour une réduction permanente, a commenté le directeur, après le jugement.

Ce même mois de janvier, 17 000 travailleurs de General Electric ont fait grève contre le projet de la direction du trust de réduire sa participation à la couverture maladie du personnel (120 000 employés) ainsi qu’à celle des retraités de moins de 65 ans (ils sont 25 000). Une belle économie pour un trust qui devrait annoncer pour cette année quelques 16 milliards de dollars de bénéfices.

Le gouvernement Bush a même mis sur la table un nouveau projet d’épargne-retraite par lequel les compagnies pourraient reconvertir les caisses existantes. Mais, d’après le New York Times du 6 mars, Bush pourrait craindre sur cette question un veto du Congrès : en effet une étude vient de paraître montrant que si le projet était appliqué aux sénateurs et députés, ceux-ci perdraient des centaines, voire quelques milliers de dollars sur leurs pensions.

Boeing, General Electric et les autres : que la guerre est jolie !

Avant même de commencer la guerre a déjà ses retombées contre la classe ouvrière. Elle sert à prêcher les sacrifices, au nom de l’unité nationale, du coût financier de l’aventure guerrière et des difficultés des entreprises. Et si quelques syndicats viennent de créer un regroupement des « Syndicats américains contre la guerre », ils restent à ce jour minoritaires, face à l’appareil syndical de l’AFL-CIO. Les dirigeants de la centrale qui avaient promis, au lendemain du 11 septembre, de remettre à plus tard toute grève et soutenu sans sourciller la guerre en Afghanistan, se contentent pour celle d’Irak de déclarations ambiguës, pendant qu’ils acceptent de marchander avec le patronat tous les reculs sociaux.

Mais pour les plus grandes entreprises précisément, qui toutes, de la mécanique à l’électronique en passant par l’énergie ou la chimie, sont peu ou prou dépendantes de l’industrie d’armement ou de l’énorme « complexe militaro-industriel » américain, la guerre est une aubaine. Sans parler des trusts pétroliers, et de ceux qui attendent pour l’après-guerre, les marchés de la reconstruction.

Avec la fin de l’Urss il avait été vaguement question de récupérer enfin les dividendes de la paix et du désarmement. La première guerre du Golfe a vite pris le relais. Et alors que dans la propagande gouvernementale les « Etats voyous » remplaçaient le « danger du communisme », qui avait justifié naguère l’énorme budget militaire, le Pentagone mettait sur pied sa nouvelle stratégie. La présence militaire doit être renforcée partout dans le monde, notamment dans les zones jadis sous contrôle de l’Urss. Et la « doctrine Powell », tirée de la première guerre d’Irak, y rajoute que pour mener une guerre sur un champ de bataille un tant soit peu important sans risquer trop de morts dans l’armée américaine, il faut comme en 1991 augmenter la débauche d’équipements sophistiqués et les pilonnages de bombes.

Sans atteindre le pic des dépenses militaires atteint en 1985 sous Reagan, les budgets militaires américains ont donc repris leur vitesse de croisière des années précédentes, aux alentours de 300 milliards de dollars (en dollars constants 2001). Et maintenant Bush force la vapeur ! L’augmentation qui vient d’être adoptée par le congrès, amène le budget militaire à 380 milliards de dollars pour 2003 (42 millions de dollars à l’heure !).

Ce qui est bon pour Boeing, Northtrop ou General Motors, n’est jamais bon pour la population américaine.

O.B.


[1Sont répertoriés comme tels les licenciements de plus de 50 salariés dans la même entreprise dans un laps de temps inférieur à un mois

Mots-clés Monde , USA