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La nouvelle mobilisation des sans-papiers

samedi 5 octobre 2002

Avec l’occupation de la basilique de Saint-Denis à la fin août, la lutte et la mobilisation des sans-papiers vient d’atteindre un nouveau palier.

La lutte des « Saint Bernard » en 1996 avait marqué la première tentative des clandestins de sortir au grand jour. En août de cette même année la fracture à la hache par les CRS de la porte de l’église où certains s’étaient réfugiés, avait propulsé la question dans les médias. Mais la participation effective au mouvement des dizaines de milliers de victimes de l’exclusion administrative était restée très minoritaire. Cette fois, c’est en grand nombre qu’ils se sont impliqués.

Tout d’abord, l’occupation de la basilique leur a donné un point de ralliement au moment où leur situation se trouvait considérablement aggravée par le déploiement policier engagé par le nouveau ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Des milliers de gens qui ont une situation précaire mais sont souvent tout de même parvenus à se constituer une petite vie, avec un travail et un logement misérables, se voient menacés à tout moment par la multiplication des contrôles policiers, même si ceux-ci ont pour prétexte de mettre un terme à la délinquance et non de rechercher les sans-papiers eux-mêmes. Leur situation est de moins en moins tenable.

A Saint-Denis, les militants sans-papiers et ceux qui les soutiennent ont recueilli des dossiers pour les soumettre à nouveau aux autorités et ce geste a provoqué une importante mobilisation. Le gouvernement ayant déclaré qu’il allait traiter la question différemment de ses prédécesseurs et que tous les dossiers seraient réétudiés même quand ils ont déjà été l’objet de tous les rejets légaux, l’espoir est revenu. Le simple fait que l’on puisse déposer à nouveau son dossier a eu un effet d’entraînement qui a largement dépassé le rassemblement et l’occupation de Saint-Denis, et tmuché tout le pays. Les foyers de travailleurs immigrés n’ont jamais été aussi sensibilisés et des communautés entières comme les Africains ou les Chinois sont en train de s’y organiser.

Des illusions et des espoirs

Il y a sans doute une grande illusion dans les suites favorables qui pourraient être données au dépôt de ces dossiers. C’est tout au plus quelques cas sur des milliers que les préfectures s’apprêtent à régulariser et le gouvernement n’a fait là que se donner une posture plus humaine pour contrecarrer l’effet médiatique de la mobilisation. Et surtout, il a réaffirmé que le cas par cas resterait la règle. Il a établi plusieurs contre-feux, en montrant la lutte des sans-papiers comme une simple agitation de lême-gauche ou encore en faisant donner une partie de la hiérarchie catholique pour dénoncer les occupations d’église.

La plupart de ces travailleurs ont déjà suivi le parcours du combattant du clandestin et été rejetés successivement par toutes les institutions (l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, les préfectures, le ministère, le tribunal administratif, le conseil d’Etat...). Ils ont eu d’autre part, avec les reniements de Chevènement, l’exemple concret de la valeur qu’il faut accorder aux promesses d’un ministre de l’Intérieur. Mais évidemment, le besoin d’obtenir ces fameux papiers est si grand que l’espoir renaît au premier signe d’un changement possible, même le plus mince.

C’est bien ce qui rend ignoble le refus des gouvernements successifs de légaliser ces travailleurs. D’autant plus que ce refus n’a d’autre raison que de permettre aux bourgeois de ce pays d’engranger des milliards de bénéfices supplémentaires. Pas seulement des petits patrons de la restauration ou du bâtiment, mais certains grands du textile ou de la métallurgie. Par exemple, des sans-papiers ont travaillé pour construire le Technocentre Renault ultramoderne de Guyancourt. L’exploitation des sans-papiers est une bénédiction pour les patrons : pas de cotisations sociales, pas d’indemnités de licenciement, pas d’assurance ni déclaration en cas d’accident même grave, etc... L’Etat n’a donc nullement l’intention de renvoyer les sans-papiers. Au mieux de faire quelques exemples pour continuer à précariser les autres, à les maintenir dans l’état de gens traqués, proies faciles des acheteurs de main-d’œuvre à bon marché.

Bien des salariés français ont marché quand Rocard affirmait que « la France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Les mêmes pourtant ne sont pas indifférents au caractère révoltant des récits, rapportés régulièrement par la presse, d’immigrés clandestins retrouvés morts accrochés au train d’atterrissage d’un avion ou encore jetés à la mer d’un cargo en pleine tempête. Alors s’il est certainement difficile de rompre le cercle infernal dans lequel les clandestins sont enfermés, surtout en l’absence d’une mobilisation des travailleurs en situation régulière, leur lutte n’est pourtant pas automatiquement condamnée d’avance à rester vaine. Les patrons et le gouvernement peuvent craindre qu’une agitation dans cette fraction surexploitée du prolétariat ne contribue à perturber le climat social, à ouvrir les yeux de tous sur le fait que le sort de celui-ci n’est pas indépendant de la situation faite à celle-là. C’est en tout cas le devoir des organisations ouvrières de mettre l’accent sur cette solidarité.

28 septembre 2002

Robert PARIS

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Mots-clés Immigrés , Politique , sans-papiers
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