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Le parti de la riposte ? Encore à construire

jeudi 19 septembre 2002

« Le communisme a de l’avenir… Parce que je suis révolutionnaire, et utopiste, j’ai envie de dire : ensemble, ayons l’ambition de changer le monde », a conclu Marie-George Buffet à la tribune de la fête de l’Humanité. A en croire la secrétaire générale du PCF, son parti voudrait retrouver son identité et à nouveau « faire rêver ».

Les mots ronflent. Les dénonciations de la politique de Raffarin aussi, qui préparerait le lit de l’extrême droite. (Mais pourquoi avoir appelé à voter Chirac pour s’en protéger ?) Comme gronde la dénonciation des menaces de guerre américaine en Irak et de la politique d’Israël en Palestine, auxquelles on se contente d’opposer les résolutions de l’ONU et de faire appel au sens des responsabilités de la « communauté internationale », c’est-à-dire des gouvernants de la planète !

Si Robert Hue et Marie-George Buffet disent avoir entendu ceux que le gouvernement de gauche à déçus, il n’est pas question pour eux, ni pour aucun dirigeant du Parti communiste, de remettre en cause leur participation au gouvernement pendant cinq ans. Ce serait se réduire à une simple formation, « véhémente et impuissante », comme le serait l’extrême gauche, argumente Robert Hue. Ils n’ont qu’un objectif : être en position de remettre ça dans cinq ans.

Quand Hue dit qu’il ne sera pas question cette fois pour le PC d’accepter un « remake de l’expérience que les Françaises et les Français ont sanctionnée », il se contente de répéter ce qu’il avait dit au moment de l’entrée dans le gouvernement Jospin. Ça n’a pas été un simple « remake » de la participation gouvernementale de 1981-1984, dont le PC avait fini par claquer la porte. Ça a été pire : pire pour les travailleurs qui ont subi l’aggravation de la précarité, la flexibilité des horaires et les privatisations à la pelle ; pire pour le Parti communiste lui-même, qui cette fois a bu la participation gouvernementale jusqu’à la lie et en a récolté le plus cuisant échec électoral.

Mais, à l’intention des milliers de militants communistes qui se posent des questions sur cet échec, les débats de la fête de l’humanité ne tournaient qu’autour d’un seul thème : comment reconstruire la gauche, et quelle place en son sein pour le Parti communiste ?

En présentant leur parti comme celui de la « riposte » à la politique de Raffarin, Robert Hue et Marie-George Buffet voudraient lui redonner quelques airs contestataires, dans l’espoir de retrouver une partie des voix perdues, notamment au profit de l’extrême gauche, ou d’avoir l’oreille de ceux que peuvent attirer aujourd’hui, pour les ramener au bercail du Parti socialiste, les courants dit « anti-mondialisation ». Partisan d’états généraux du communisme, où il rêverait d’associer une fraction de l’extrême gauche (du côté de la LCR notamment), le refondateur Martelli, lui, verrait plutôt une gauche en poupées russes où, par prises de participations successives, le Parti communiste pourrait peser un peu plus au sein de la gauche : un courant communiste recomposé, au sein d’une gauche critique anti-mondialiste, aiguillon de la gauche inévitablement dominée par le Parti socialiste. Chacun peut inventer ses montages. Aucun n’a beaucoup de chances de sauver le Parti communiste de la débâcle.

Car pour faire vraiment du PCF « le parti de la riposte », comme dit Buffet, il lui faudrait rompre avec toute sa politique passée. Comment mobiliser les travailleurs pour s’opposer à la prochaine « privatisation d’Air-France », c’est-à-dire en réalité à l’augmentation de la part des capitaux privés, sans rompre franchement avec la politique d’un Gayssot, ministre des transports ayant « ouvert le capital », c’est-à-dire commencé la privatisation ? Comment mobiliser réellement les travailleurs contre la réforme des retraites et l’introduction de fonds de pension, lorsque celle-ci a déjà été programmée par la gauche, et que l’Humanité continue de présenter la caution des syndicats au développement de l’épargne salariale prônée par Fabius comme une grande première de la participation syndicale au contrôle des institutions financières ? Comment soutenir jusqu’au bout la lutte des sans papiers pour leur régularisation quand on a cautionné en la matière la politique de Chevènement et qu’on reste lié à une gauche socialiste qui prône de se limiter au cas par cas ?

Inutile de multiplier les exemples. Car de façon générale s’efforcer de mobiliser la classe ouvrière contre les attaques dont elle est victime, s’appuyer sur ses luttes, la seule chose qui pourrait permettre au PC de regagner la confiance des travailleurs, ce serait se couper, et pour longtemps, du Parti socialiste et de toute perspective de participation gouvernementale, c’est-à-dire de retour à la gestion des affaires de la bourgeoisie. Ce dont les dirigeants du Parti communiste ne veulent surtout pas, quitte à être impuissants à enrayer le déclin de leur parti.

Aux dizaines de milliers de militants que le Parti communiste a encore dans ce pays, et plus particulièrement à ses militants ouvriers, ce que les militants révolutionnaires ont à proposer n’est évidemment pas de reconstruire la gauche, pas plus celle qu’on connaît déjà qu’une nouvelle qui se prétendrait plus « vraie » ou plus « anti-capitaliste », tout en visant une future participation gouvernementale. C’est d’agir ensemble pour préparer les luttes de la classe ouvrière. C’est de contribuer à la construction d’une force politique communiste révolutionnaire qui ne coure derrière aucune participation gouvernementale, mais vise à la constitution d’un parti ouvrier communiste, un parti de lutte de classe, le seul moyen qu’ont les travailleurs de peser vraiment dans la société d’aujourd’hui et de préparer celle de demain.

Olivier Belin