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La place des femmes dans les syndicats

jeudi 1er juin 2000

L’augmentation du nombre de femmes salariées a fait que leur proportion dans les syndicats s’accroît. Pourtant cela ne se traduit ni par une prise de responsabilité syndicale plus large, ni par une prise en compte plus importante de leurs revendications spécifiques.

L’augmentation du nombre des syndiquées

Une enquête réalisée par la Confédération européenne des syndicats met en évidence cette évolution, même si en Europe, les disparités sont importantes selon les pays : en Islande, le taux de syndicalisation des femmes atteint 70 %, alors qu’il n’est que de 10 % en Turquie. Mais en moyenne 40 % des femmes européennes salariées sont syndiquées.

En France les situations diffèrent selon les syndicats. La CFDT annonce pour un taux global de 9 % de syndiqués dans la population active, un pourcentage de 46 % de femmes. A la CGT ce ratio serait de 28 % de femmes, mais ces statistiques ne portent que sur un tiers des effectifs. Car la préoccupation des organisations syndicales s’est peu portée jusqu’à présent sur la représentation des femmes dans les syndicats et les statistiques hommes-femmes sont très partielles.

Moindre aux postes de responsabilité

Si la proportion de femmes syndiquées augmente par rapport à celle des hommes, il n’en va pas de même en ce qui concerne la part des responsabilités prise par les femmes.

La CGT affiche sa volonté d’établir une certaine parité dans ses instances : ainsi, au Comité Exécutif issu du dernier congrès, sur 90 membres, 43 sont des femmes. La politique volontariste de la direction est flagrante : en neuf ans, le pourcentage des femmes à la direction exécutive est passé de 25 à 48 %. Les déclarations faites au 46e congrès reflètent cette préoccupation : « L’avenir du syndicalisme est avec les femmes, pas sans elles. Le temps est venu pour la CGT de donner un message clair sur sa volonté d’agir contre les discriminations subies par les femmes. »

Mais il en va tout autrement dès que l’on prend des organismes à l’échelon départemental ou celui des fédérations : à la tête des 95 Unions départementales, on trouve seulement 7 femmes, et parmi les responsables des 33 fédérations, uniquement deux femmes. Certes les gros bataillons de la CGT se recrutent beaucoup dans la métallurgie, où les femmes sont minoritaires, et dans les secteurs où les femmes prédominent, comme la grande distribution, le taux de syndicalisation à la CGT est très faible. Mais l’explication ressemble plus à une tentative de justification.

A la CFDT la secrétaire générale est une femme, Nicole Notat, personne ne l’ignore. Mais si 46 % des syndiqués sont des femmes, elles ne sont plus que 20 % à 25 % au congrès, au comité exécutif ou dans les comités de direction. Elles ont des responsabilités dans les structures qui s’occupent des problèmes des femmes, de la formation ou de la santé. Mais il n’y qu’une seule femme présidente de ces structures : celle concernant les femmes !

Les obstacles à la parité

La situation des femmes dans les syndicats reste encore bien marquée par la prédominance des hommes. Depuis des décennies, ce sont les hommes qui se sont trouvés à exercer les postes de responsabilité, et ils ont du mal à y faire une place aux femmes. La situation des femmes était considérée comme secondaire, pour ne pas dire marginale. Au point que même le nombre de femmes syndiquées n’était pas comptabilisé. Ceci dit la plupart des syndicats sont sensibles à cette sous représentation des femmes dans leurs organes de direction. Ils prennent des mesures systématiques comme l’instauration de quotas dans les organes de direction, ou mettent en place des commissions femmes spécifiques. Mais la solution n’est pas si simple. Comment remplacer certains responsables hommes par une femme au seul nom de la parité ?

Un autre moyen de favoriser la sensibilité du syndicat aux problèmes des femmes réside dans l’instauration de commissions, voire de congrès de femmes. Mais cela peut avoir comme effet pervers de cantonner les femmes dans un ghetto s’occupant de leurs problèmes spécifiques sans que le reste de l’organisation se préoccupe davantage d’elles.

Enfin, le poids de la condition de la femme dans la société pèse aussi sur leur disponibilité pour prendre en charge des responsabilités syndicales : la présence à des réunions hors des horaires de travail par exemple alors qu’il faut s’occuper des enfants est un lourd handicap.

On ne peut reprocher à l’organisation syndicale de subir elle aussi les contraintes de la société et d’en refléter les limites. Par contre on peut la critiquer de ne pas toujours mener une lutte systématique pour repousser ses limites et d’abord combattre les préjugés en son propre sein.

L’action des syndicats envers les femmes

Les syndicats revendiquent le principe qu’à travail égal, le salaire doit être égal. En effet dans la plupart des cas une femme gagne 25 % de moins qu’un homme pour un travail identique. Cette égalité revendiquée par les syndicats reste lettre morte auprès des patrons. Il y a également des revendications qui correspondent à la situation spécifique des femmes dans cette société, relative par exemple à la double journée de travail : à l’usine et à la maison pour s’occuper de la famille. Les syndicats dans les secteurs où les femmes représentent une part importante de la main d’œuvre, posent les problèmes des absences payées pour soigner un enfant malade, des heures payées pour la rentrée des classes, voire l’instauration de crèches dans certaines entreprises employant un grand nombre de femmes dans des banques ou des assurances.

Mais les syndicats colportent aussi bien des préjugés. La place des femmes dans la famille comme le préconisait Pétain, par exemple en organisant la fête des mères chaque année au travers des Comités d’Établissement. On en a vu « fêter les catherinettes »… mais jamais « fêter » les vieux garçons célibataires. Certains syndicats ont signé des accords d’entreprise rétablissant le travail de nuit des femmes, après plusieurs décennies d’interdiction en France, au nom de l’égalité des femmes avec les hommes et de l’alignement sur ce qui se fait dans les autres pays d’Europe.

En fait nul ne peut prétendre que les syndicats sont indifférents à la condition de la femme dans le monde du travail. Mais ils contribuent comme pour bien d’autres choses à perpétuer les préjugés de la société dans l’organisation, cantonnant les femmes à des rôles subalternes. Car leur démarche est tout aussi conformiste lorsqu’ils développent des réflexes catégoriels ou sectoriels, voire nationalistes (produisons français), parmi la classe ouvrière. Les organisations syndicales ne sont pas plus virulentes ni efficaces sur les problèmes des femmes qu’ils ne le sont dans la défense de la classe ouvrière dans son ensemble. On le voit en ce moment par rapport aux attaques patronales sur les lois Aubry ou les retraites dans le privé par exemple, qui frappent de plein fouet l’ensemble de la classe ouvrière, même si les femmes les subissent souvent en première ligne.

Marcel MALOUIN

Mots-clés Droits des femmes , Société , Syndicats