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Le gouvernement Jospin : un partenaire complaisant

dimanche 1er octobre 2000

En annonçant son refus, le 24 juillet, d’entériner dans sa forme actuelle la nouvelle convention sur l’assurance-chômage voulue par le MEDEF, le gouvernement a fait mine de s’opposer au diktat des patrons soutenus par la CFDT et la CFTC. Gouvernement et patronat seraient-ils donc sur le point de se fâcher ? Evidemment non.

Jouer les chevaliers blancs…

On se souvient en effet de la mise en scène qui avait prévalu lors de l’annonce de la première loi sur les 35 H en octobre 1997 : Jean Gandois -alors président du CNPF- était sorti furieux de Matignon en criant à la trahison devant les caméras, et ce coup de gueule avait permis en particulier à la CGT et au PCF d’accréditer l’idée que la loi Aubry était une bonne loi et que le gouvernement avait su malgré tout résister aux pressions patronales.

Rien n’était plus faux : la loi Aubry a donné aux patrons tous les instruments juridiques nécessaires pour imposer aux salariés une régression considérable.

Avec le PARE, le masque est vite tombé. Dès le 26 juillet, à l’issue du conseil des ministres, Martine Aubry s’empressait d’affirmer que le gouvernement était « tout à fait favorable au plan d’aide au retour à l’emploi dans sa philosophie », et elle invitait les « partenaires sociaux à reprendre le dialogue », ajoutant que sa « porte restait ouverte ». Rien d’étonnant dans la mesure où le gouvernement avait salué dès le début de l’année l’initiative patronale d’ouvrir un vaste chantier de discussions sur la refondation sociale.

Aux yeux du gouvernement ce n’est donc pas le fond qui pose un problème car sur le fond le résultat est connu d’avance : au prochain tour ce sera la même chose à quelques détails près, et personne ne s’y opposera, surtout pas Martine Aubry qui en 1992 en tant que ministre du travail avait imposé la dégressivité de l’allocation-chômage ! Mais le patronat a été dans cette affaire sans doute un peu trop arrogant, un peu trop pressé, voulant imposer son projet au pas de charge, sans même prendre de gants avec des organisations syndicales pourtant prêtes à de larges concessions, faisant de la refondation sociale elle-même un drapeau idéologique contre l’Etat et le gouvernement en place, ce qui ne pouvait que l’indisposer.

Devant l’échec du patronat à entraîner la majorité des confédérations syndicales, le gouvernement avait tout intérêt à gagner un peu de temps, tout en apparaissant défendre les droits des chômeurs. Avec l’espoir qu’une fois passée l’émotion, il suffira d’amener le MEDEF et ses alliés à accepter d’y mettre un peu plus les formes.

…pour mieux tromper les travailleurs

Plus généralement, si le patronat se veut officiellement lancé dans une offensive pour imposer la prééminence du contrat au détriment de la loi, dans les faits on assiste surtout à une évolution pragmatique qui semble satisfaire tout le monde.

Là encore l’exemple des 35 H est une bonne illustration. Il a fallu en effet une loi, mais elle a surtout servi à démultiplier à tous les niveaux les négociations entre « partenaires sociaux », avec l’avantage aussi de multiplier les accords locaux dérogatoires au code du travail (notamment sur le calcul du temps de travail), et d’émietter au maximum les réactions des travailleurs. Une deuxième loi a ensuite entériné ce qui avait été négocié.

Il n’y a donc pas eu d’opposition mais une complémentarité dans la démarche, de la même façon qu’il y a depuis longtemps déjà un partage des rôles entre le patronat et l’Etat, notamment sur la question du chômage (l’Etat prenant directement à sa charge les chômeurs en fin de droit et demain peut-être les travailleurs jugés « non recyclables » dans le cadre du PARE pour préserver un filet minimal de protection sociale).

Dans ce partage des rôles, le patronat joue pleinement le sien, celui du bulldozer. L’Etat lui fait mine de tempérer pour finalement accepter, quitte à élaguer quelques mesures jugées sur le coup trop choquantes, pour mieux duper les travailleurs qui auraient encore quelques illusions.

Raoul GLABER

Mots-clés Medef , Parti socialiste , Politique