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En Europe il n’y a guère de Tziganes heureux

vendredi 1er décembre 2000

(D’après : « Saint-Ouen Luttes » n° 6 et 7.)

Depuis deux ans, Saint-Ouen a été le théâtre de luttes, ayant pour enjeux le logement décent des migrants, essentiellement des Tziganes roumains. De deux à six cents d’entre eux ont transité par la ville.

Une centaine, chassés de Saint-Denis quelques semaines avant le coup d’envoi de la coupe du monde de football, avaient trouvé asile dans un camp sordide rue des Bateliers, où ils croupissaient dans la misère, sans eau ni électricité. Ils en furent expulsés et jetés à la rue.

D’autres, moins nombreux, squattaient un entrepôt SNCF vide. A la demande de Paulette Fost, maire de Saint-Ouen, membre du PCF, ils sont expulsés le 31 juillet 1998 par cent cinquante CRS et l’immeuble est aussitôt détruit au bulldozer. Ce n’est que fin 1999, après bien des péripéties et après avoir été hébergés dans divers squats et associations, qu’ils seront tolérés dans un immeuble du rectorat de Fontenay-sous-Bois, après que le maire communiste eut pris position en leur faveur.

Des règlements discriminatoires

Depuis leur apparition en Europe au XV siècle, ces populations nomades sont accusées de maux imaginaires, sorcellerie, vol, rapt d’enfants etc.

L’Etat, à leur encontre, oscille entre la sédentarisation forcée et l’expulsion. Comme d’autres groupes minoritaires, on en fait des boucs émissaires pour détourner la colère des exploités. On les a soumis du même fait à l’arbitraire des autorités. En France par exemple, de 1912 à 1969, ils devaient faire viser à chaque déplacement un carnet anthropométrique, comme s’ils étaient des criminels. Il a été remplacé par un « carnet de circulation ». Le vocabulaire a changé, c’est tout !

La Loi Besson du 31 mai 1990 oblige les communes de plus de 5000 habitants a aménager des aires de stationnement pour les caravanes. Comme rien n’a été prévu pour les financer, elles sont trop petites, mais justifient l’interdiction de stationner sur le reste du territoire de la commune et de faire appel à la gendarmerie. En conséquence c’est la litanie des expulsions.

Dans ce but, en 1993, la mairie de Forbach leur coupe l’eau courante. En 1997, celle de Villeneuve-Saint-Georges requiert la force publique pour déloger les Tsiganes d’un terrain... dont ils sont propriétaires. L’année suivante c’est la mairie UDF de Ville la Grand (Haute-Savoie) qui expulse 50 roulottes.

Les préjugés anti-tziganes, présents dans la population, sont reflétés et souvent exacerbés pour des raisons électorales par les autorités et le personnel politique de droite comme de gauche.

Une Roumanie inhospitalière

Les Tziganes qui avaient trouvé refuge à Saint-Ouen, puis à Fontenay-sous-Bois, venaient de deux villages, Sepreus et Curtici, situés dans la région d’Arad, au Nord-Ouest de la Roumanie.

Actuellement les 2 millions de Tziganes roumains représentent la plus forte communauté, précédant celles de Hongrie et de Bulgarie (800 000), de Slovaquie (500 000), de l’ex-Yougoslavie (400 000), de la République Tchèque (200 000), de la Bosnie et de l’Albanie (100 000), de la Pologne enfin (40 000).

En Roumanie la vie des Tziganes n’a jamais été idyllique. Du XVI siècle à 1856, ils furent réduits en esclavage au profit de l’Etat, du clergé et des propriétaires terriens.

Puis, pendant un siècle, ils purent nomadiser, mais à la fin de 1950 le régime stalinien prit des mesures de sédentarisation et d’assimilation forcées. On leur interdit de pratiquer leur langue. Avec l’industrialisation ils ont perdu leurs emplois traditionnels et ont été relégués dans les métiers les moins qualifiés. C’est la crise économique des années 1970 et le passage au capitalisme après 1990 qui ont considérablement aggravé la situation des Tziganes dans les pays de l’Est.

Méprisés, sous-qualifiés, ils ont été en butte au comportement raciste des chefs d’entreprise et des fonctionnaires et les premiers à perdre leurs emplois. Les Tziganes furent les grands perdants du passage à l’économie du marché.

Sur le plan politique ce fut pire. La montée des nationalismes, de la démagogie populiste et xénophobe, a suscité une vague de racisme anti-tzigane, exutoire tout trouvé à la faillite de ces régimes.

L’impact du capitalisme sauvage

Dans toute l’Europe de l’Est, des dizaines d’entre eux (officiellement), sûrement plus, en réalité, ont succombé aux coups de l’extrême droite et des skinheads.

Entre 1990 et aujourd’hui plus de 30 Tziganes tchèques ont péri dans des ratonnades. 80 % des enfants Roms y sont placés dans des établissements primaires dits spécialisés, c’est-à-dire réservés aux handicapés mentaux. Des restaurants, des discothèques, des piscines leur sont interdits. A Usti, le maire a fait construire un mur de 4 mètres, pour isoler les HLM des Tziganes, sous prétexte « de séparer les gens décents de ceux qui ne le sont pas ».

En Hongrie, à Zamoli, pour ne citer qu’un exemple, des familles Rom installées dans six maisons individuelles, durent subir de 1997 à 2000 des menaces, des coupures d’eau et de chauffage, des agressions, des incendies, et leurs maisons ont été rasées au bulldozer avant qu’ils ne se réfugient à Strasbourg. Dans l’ex-Yougoslavie, en Bosnie, des groupes de Tziganes furent massacrés en 1993 au nom de la « purification ethnique ».

La guerre de l’OTAN contre la Serbie a fait succéder au nettoyage ethnique des Albanais par les Serbes, au Kosovo, le nettoyage ethnique des Roms par l’UCK albanaise sous prétexte que les Tziganes auraient collaboré avec les Serbes. Ils sont acculés à fuir, exposés aux menaces racistes de certains officiers de la KFOR censés les protéger, qui collaborent de fait avec l’UCK.

L’impérialisme complice

Les Tziganes roumains ont été les premiers à émigrer car ils ont été les premiers frappés par la crise et les pogroms. Plus de 35 000 ont fui en Allemagne qui a signé en 1992 un accord avec Bucarest pour les renvoyer. La réaction des grandes puissances européennes, la France socialiste en tête, est de durcir sa politique en matière d’immigration et d’asile politique en faveur des Roms. En France une procédure prioritaire permet d’expulser dans les 24 heures les candidats roumains, qui sont majoritairement Tziganes.

L’expulsion d’un groupe de Tziganes de Gand en Belgique vers la Slovaquie où ils sont persécutés, est tout un symbole.

Dix ans après la fin du « rideau de fer », l’Europe capitaliste, prétendument démocratique, est toujours hérissée de frontières. Elle est pour les Tziganes un monde interdit, sans visa, une Europe barbare, capable de laisser passer les capitaux, mais qui ne laisse pas entrer les Tziganes opprimés.

Léo


« Porrajmos », le génocide oublié des Tziganes

500 000 à 600 000 Tziganes ont été exterminés par les nazis à Auschwitz et à Dachau en 1944. Après guerre leurs familles n’ont obtenu aucune réparation, sous prétexte, selon une circulaire de la RFA, qu’ils n’auraient pas été persécutés pour des raisons raciales, mais « en raison de leurs antécédents d’asociaux et de délinquants ».


Chroniques Tziganes

Venus d’Inde au XV siècle, les Tziganes sont divisés en plusieurs groupes : Manouches, Roms, Gitans, sédentarisés au Sud de la France et en Espagne, Yennishes, qui se désignent comme « voyageurs ».

Mots-clés Racisme , Roms , Société