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Économies mortelles !

samedi 19 mai 2012

L’« Équipement », à la SNCF, ce sont les chantiers de renouvellement des voies et des installations. Un secteur ouvrier. Un secteur qui a, certes, toujours été exposé aux accidents, mais l’est de plus en plus avec la « rentabilisation ». Ce n’est probablement pas un hasard si on y compte cinq morts en moins d’un an. La politique de grands travaux que la SNCF a annoncée fièrement, pour tenter de rattraper le manque total d’investissements dans l’infrastructure ces dernières décennies, se fait avec le même effectif ! Sur la région Paris Saint-Lazare, par exemple, le budget travaux est passé en quelques années de 25 à 125 millions d’euros sans que les effectifs ne soient adaptés. Pire même, la SNCF envisage encore de supprimer 1 500 emplois dans son budget 2012, dont 200 pour l’infrastructure maintenance.

Et c’est l’hécatombe

Dans la nuit du 8 au 9 mars, un jeune cheminot de 22 ans a trouvé la mort à Toury, dans l’Eure-et-Loir, alors qu’il travaillait au renouvellement des voies sur la ligne Paris Orléans. Gilles Marinet, responsable régional de la CGT des cheminots, accusait ainsi la SNCF dans une interview à la Nouvelle République : « La logique de rentabilité a concouru à créer les conditions de cet accident. (…) Ce chantier devait se dérouler au départ sur cinq semaines, uniquement de jour. La durée a été ramenée à trois semaines, puis finalement à deux semaines et entièrement de nuit. Et ce, sans moyens supplémentaires. (…) Le tableau de service a été modifié. Et les personnels qui, normalement, ne devaient pas travailler plus de 8 heures 30 la nuit ont atteint des amplitudes allant jusqu’à 11 heures 45 ». Au moment de l’accident, une nuit de jeudi à vendredi, les cheminots avaient déjà cumulé 55 heures de travail depuis le début de la semaine.

Plus récemment, dans la nuit du 28 au 29 mars, un chef d’équipe de 38 ans était mortellement heurté par un train tandis qu’il travaillait sur un chantier de déchargement de ballast à Lyon. La zone, avec une configuration en courbe et plusieurs voies, est considérée comme très dangereuse. Les travaux étaient fort bruyants avec le son de la ballastière qui équivaut à celle d’un avion au décollage. Faute de personnel, chacun était obligé de remplir plusieurs tâches et le cheminot, qui n’était pas de la région, ne connaissait pas totalement les particularités du site. Il a été percuté alors qu’il était descendu dans l’entre deux voies pour vérifier la qualité du travail.

Le 29 février, c’était à Saint-Rambert d’Albon dans la Drôme… Après déjà deux autres drames récents.

Après des années de gel des embauches à l’équipement, nom­bre de chantiers se retrouvent avec des équipes réduites, dont les membres ont souvent peu d’ancienneté, sont peu formés et sont acculés au travail de nuit et de week-end. Ce à quoi s’ajoutent la mobilité imposée, l’externalisation de missions autrefois assumées par des cheminots et les pressions de la direction pour que les chantiers se terminent dans les temps prévus.

D’où des dérives de plus en plus flagrantes, et assassines, en matière de sécurité.

Le silence du loup

Il y a trois mois, un conducteur du RER B avait été grièvement blessé après que sa cabine de conduite, dont le pare brise a été détruit avant qu’il ne soit lui-même atteint, eut été percutée par un isolateur de caténaire. Depuis, la direction est silencieuse. Silence coupable ?

Tandis que l’encadrement a été informé de l’accident, photos à l’appui, l’ensemble des conducteurs ne voit filtrer aucune information. De nombreuses questions se posent pourtant suite à ce drame.

Tout d’abord, celle de la qualité des caténaires, de leur état, sachant que des économies ont été réalisées sur la maintenance ces dernières années. La question se pose aussi du renforcement des pare-brise car ce genre d’accident, bien que rare, s’est déjà produit. Certaines cabines avaient été renforcées de barreaux métalliques, mais si mal qu’il avait fallu retirer les barreaux. Plus douloureuse probablement pour la direction est la question de la présence d’un deuxième conducteur en cabine qui, grâce à son intervention, peut gagner de précieuses minutes en cas d’accident. Dans le cas précis, la présence d’un autre conducteur qui fortuitement accompagnait son collègue dans ce voyage a permis d’alerter vite. Sans elle, le régulateur qui s’occupe des circulations aurait appelé en vain le conducteur, à la radio, avant de demander à un cheminot de se rendre jusqu’au train… Autant dire une éternité. Mais la direction a généralisé les trains avec un seul cheminot à bord, le conducteur.

Tous les cheminots, et au premier titre les conducteurs, sont en droit de savoir ce qui s’est passé et pourquoi – et d’être assurés que cela ne puisse pas se reproduire

Gaspard LANGE

Mots-clés Entreprises , SNCF
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