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Derrière les gros titres, un regard sur l’Iran

dimanche 25 mars 2012


Rappelons que Convergences Révolutionnaires, depuis sa création, ouvre ses colonnes aux autres courants révolutionnaires qui souhaiteraient y exprimer leur point de vue. Nous publions dans ce numéro une tribune sur la situation en Iran d’un camarade du Comité pour le renouveau marxiste (Committee for Marxist Revival), formé principalement autour de la Tendance marxiste révolutionnaire d’Iran.


En dépit de la crise de l’euro et la répression massive en Syrie, le programme nucléaire du régime iranien a figuré en bonne place dans les médias d’Europe et du reste du monde. Alors que cette couverture médiatique a porté essentiellement sur le durcissement des sanctions et la probabilité de frappes militaires, peu de choses ont été dites sur le sort que subissent les travailleurs et les pauvres d’Iran du fait de la corruption du régime et de la mauvaise gestion économique, aggravées par ces nouvelles sanctions. Presque aucune agence de presse n’a fait référence à la situation des travailleurs iraniens.

Est-ce que ce sont des tambours de guerre…

Après que, pendant des semaines, une longue liste de responsables politiques, militaires et des renseignements, américains, israéliens, britanniques et français, ont concouru à qui apparaîtra le plus « dur » contre le régime iranien, tout le monde a maintenant baissé d’un ton dans la rhétorique guerrière. La fin du match a été sifflée par le président américain Barack Obama qui, il y a une semaine à l’occasion de la rencontre annuelle de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le principal lobby pro-israélien aux États-Unis, a déclaré que l’« on parle trop inconsidérément de guerre ». Il a également dit : « Ces dernières semaines, ces propos n’ont profité qu’au gouvernement iranien, en faisant grimper le prix du pétrole, dont ils dépendent pour financer leur programme nucléaire ». Puis ce fut le tour de Benjamin Netanyahou de déclarer devant l’AIPAC que la guerre n’était pas inévitable. Ce nouvel enthousiasme pour la diplomatie a ensuite été répercuté dans tous les autres pays impérialistes. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne (le groupe dit des 5+1) sont maintenant prêts à accepter la proposition de négociation du régime. Enfin, le 8 mars, dans un geste sans précédent, l’ayatollah Ali Khamenei, chef du régime iranien, a félicité les tentatives de M. Obama de décourager les appels pour une frappe militaire contre l’Iran !

Alors que se passe-t-il derrière ces nouveaux développements ? Sont-ils tous devenus des artisans de paix ?

…ou de simples parlottes ?

Premièrement, il faut rappeler qu’il n’y a pas de différence idéologique fondamentale entre le régime iranien et les puissances impérialistes. Le régime est arrivé au pouvoir parce que ces réactionnaires islamistes se sont donné une posture « anti-impérialiste » pour, après avoir pris la direction de la révolution iranienne, noyer dans le sang le mouvement victorieux des travailleurs et des opprimés.

Deuxièmement, l’origine des différends du régime avec les pays impérialistes tient à sa position dans les rapports de force régionaux. Le régime iranien voit l’arme nucléaire comme la principale garantie pour garder son rôle de puissance régionale. Cela reste dans la continuité des ambitions historiques de la bourgeoisie iranienne et ne fera que renforcer son rôle dans la répression des travailleurs et de toutes les couches exploitées et opprimées en Iran et dans toute la région.

Troisièmement, c’est un régime qui a lui-même mis en œuvre des politiques néolibérales telles la suppression progressive des subventions sur les produits de première nécessité dont dépendent les travailleurs et les pauvres, la création d’une taxe sur la valeur ajoutée, les privatisations, etc.

Quatrièmement, les dernières sanctions contre l’Iran sont les plus graves de l’histoire du régime. Elles ont déjà eu un impact énorme et cela va empirer lorsque l’embargo de l’Union européenne sur le pétrole entrera en vigueur en juillet.

Les subventions

En 1980, pendant la guerre avec l’Irak, le régime islamique a commencé à subventionner le carburant, la nourriture, les médicaments et les services publics. Jusqu’en 2009, ces subventions ont coûté jusqu’à 100 milliards de dollars par an, soit environ 25 % du PIB. Si de nombreux « présidents » avaient parlé d’y mettre fin, aucun n’avait osé le faire. En 2010, le « président » Mahmoud Ahmadinejad a annoncé leur suppression progressive. À la place, une aide mensuelle équivalent à 29 euros serait accordée. Mais en réalité, cette aide ne compense pas la hausse du prix des marchandises non subventionnées, en particulier quand les prix de l’électricité, de l’eau et du gaz ont triplé ! Bien que l’inflation officielle soit maintenant de 21 %, un litre de lait coûte 0,50 euro, un kilo de riz s’élève à 1 euro (le meilleur se vend à 1,48 €/kg) et un kilo de pommes coûte 0,76 euro. Ce sont des prix que même la plupart de ceux qui ont un salaire ne peuvent se permettre, sans parler des 11,8 % de chômeurs officiels…

Des sanctions supplémentaires

En plus des nombreuses sanctions mises en place contre le régime iranien depuis un certain nombre d’années, deux nouvelles mesures entrent en vigueur. La première a été annoncée le 31 décembre 2011. Barack Obama a signé une loi visant à isoler la Banque centrale d’Iran (BCI) du système financier international en pénalisant les institutions financières étrangères faisant des affaires avec elle. La BCI est le principal canal des transactions pétrolières, or les exportations de pétrole et de la pétrochimie représentent 50 % à 70 % des ressources gouvernementales. Il n’est pas étonnant que le rial iranien ait perdu la moitié de sa valeur depuis décembre, malgré les tentatives désespérées du régime pour le soutenir.

La seconde mesure date du 23 janvier avec l’annonce par l’Union européenne d’un embargo pétrolier à partir de juillet 2012. L’UE représente environ 20 % des exportations de pétrole de l’Iran (soit 600 000 barils par jour). Le régime essaye donc maintenant de s’assurer que ses quatre principaux clients, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud et le Japon, poursuivent leurs commandes. Ahmadinejad a tenté, comme à son habitude, de bluffer : « C’est l’Occident qui a besoin de l’Iran et la nation iranienne ne perdra rien du fait des sanctions. » Mais il y a déjà des exemples de pénuries de nourriture, de personnes prévoyant des réserves et un tarissement de l’investissement. Comme toujours, c’est sur les travailleurs et les pauvres que pèse le fardeau du sous-développement capitaliste de l’Iran, pays fondamentalement dominé par l’impérialisme et actuellement géré par des fonctionnaires corrompus et incompétents.

Les luttes ouvrières

Du fait de la nature intrinsèquement brutale et tyrannique de la bourgeoisie iranienne, le mouvement ouvrier iranien a connu des périodes de lent progrès, mais aussi des phases d’accélération. Bien que les progrès enregistrés depuis 1997 aient marqué le pas du fait de la répression massive qui a suivi « l’élection » présidentielle en juin 2009, nous n’en sommes pas revenus à une période sans lutte ni victoire.

Des luttes continuent contre les fermetures d’usines, les licenciements, les salaires non payés, pour les embauches, etc. Comme les syndicats restent illégaux en Iran, la plupart des dirigeants syndicaux se retrouvent en prison : entre autres Ebrahim Madadi et Reza Shahabi (du syndicat Vahed des chauffeurs de bus de Téhéran), Shahrokh Zamani, Mohammad Jarahi et beaucoup d’autres.

Néanmoins, les nombreuses grèves (alors qu’elles sont illégales) et manifestations témoignent que l’esprit combatif des travailleurs ne peut être brisé. La récente victoire des milliers de travailleurs du complexe pétrochimique de Bandar Imam, ainsi que les mobilisations contre les nouvelles modifications du code du travail, montrent clairement que la lutte continue jusqu’à ce que l’appareil répressif du régime soit brisé et que les revendications des travailleurs soient satisfaites.

12 mars 2012

Morad SHIRIN


Mots-clés Iran , Monde
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