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Mayotte : toutes les raisons de se révolter !

jeudi 24 novembre 2011

À Mayotte, la révolte contre la vie chère a commencé le 27 septembre 2011. Après 45 jours de conflit, les syndicats (CGT Ma, CFDT) envisageaient de suspendre le mouvement pour signer un accord (toujours pas ratifié à l’heure où nous écrivons, vu les réactions de la population !), avec 10 % de baisse du prix de la viande de bœuf, le blocage du prix du gaz comme dans les autres DOM (départements d’outre-mer), le sable au même prix sur toute l’île, engagement de la grande distribution pris jusqu’en mars 2012. Cela semble en effet bien dérisoire à beaucoup de manifestants : qu’en restera-t-il si la pression de la rue retombe ? Toujours est-il, par exemple, que les instituteurs ont déjà lancé un préavis de grève pour le 23 novembre afin de recevoir une prime que le Conseil général ne leur verse pas.

La protestation, partie des organisations syndicales et d’associations mahoraises contre la vie chère, a pris très vite de l’ampleur, rassemblant dans les manifestations, selon les jours, des centaines ou des milliers de personnes, grévistes, mères de famille, chômeurs et jeunes. Tous dénoncent le prix exorbitant des produits de première nécessité. Avec un revenu moyen inférieur à 310 euros, se nourrir correctement devient insoluble.

En fait, la départementalisation amène beaucoup de désillusions et de frustrations : la réorganisation administrative favorise la minorité qui contrôle le commerce, l’immobilier et les institutions politiques. Les salaires et aides sociales sont plus faibles qu’en métropole [1] alors que les prix montent en flèche, la majorité des produits étant importés, taxés et sous le contrôle des capitalistes du commerce et de la distribution. Suite à la départementalisation, beaucoup de Mahorais doivent racheter le terrain sur lequel leur maison avait été construite [2]. Dans les années 1980, le mètre carré de terrain habitable se négociait autour de 30 euros ; aujourd’hui, il faut compter dix fois plus. Tension aggravée par la présence de fonctionnaires métropolitains qui gagnent deux fois plus que les Mahorais.

Sans compter la situation absurde qui découle de Mayotte devenue française : il faut séparer les « vrais » Mahorais, qui peuvent prétendre au visa Balladur (1994) et devenir « Français », des « faux ». Or, de tous temps la population circule librement entre les différentes îles des Comores, (même langue, même culture). « Qu’est-ce que ça veut dire, Mahorais de souche ? Nous sommes tous mélangés ! Anjouanais, grand comorien, bantou et même français (de métropole) ! », expliquait un manifestant le 25 février dernier avant une minute de silence en mémoire des « milliers de personnes qui ont péri noyées entre Anjouan et Mayotte » [3] (traversées clandestines en kwasa-kwasa). Un tiers de la population est formé de clandestins venus surtout d’Anjouan ; beaucoup de Mahorais sont apatrides : 26 000 reconduites à la frontière l’année 2010. Ce sont les Mahorais « d’en-bas » qui subissent : « Personne ne peut être à l’aise dans ce climat de “chasse à l’homme’’ perpétuelle, surtout quand le chassé est un frère, un cousin, un ami. » Pas surprenant que des centaines de jeunes s’affrontent à la police que le préfet a envoyée massivement avec des blindés, dès les premières manifestations !

Les travailleurs de Mayotte ont mille fois raison de se révolter. L’État français utilise les gendarmes mobiles et leurs blindés pour débloquer les routes et réprimer. Suite aux tirs de flash balls, un enfant de 9 ans a perdu un œil et un manifestant est mort. Mais les manifestants, ne désarmant pas, ont reçu le soutien de nouveaux secteurs (travailleurs de la poste, du port). Et la jeunesse mahoraise de laisser exploser sa colère. Évidemment, ceux qui pillent sans vergogne l’île de Mayotte en s’appropriant ses richesses (terrains, tourisme, commerces) s’indignent maintenant de quelques caillassages et pillages de magasins.

La situation a bien des points communs avec ce qui a déclenché les 44 jours de grève générale à la Guadeloupe en 2009 : la vie chère, une minorité de privilégiés locaux ou métropolitains qui verrouillent et parasitent l’économie. Et l’arrogance de l’État français qui fait donner sa police. Reste à utiliser cette révolte pour s’organiser dans un contre-pouvoir qui saura déjouer les entourloupes des capitalistes locaux et de l’État français. Et d’avoir, ici, en métropole, le soutien des tous les travailleurs en butte aux mêmes ennemis.

10 novembre 2011

Elise MOUTIER


Comment l’île de Mayotte (Comores) est devenue un département français

Après le référendum de septembre 1958, les Comores choisissent d’adopter le statut de territoire d’outre-mer. Mais les magouilles des mercenaires français ou autres, à la Bob Denard, faisant et défaisant les régimes politiques, ont ruiné ces îles et ont poussé les habitants de Mayotte à voter pour être rattachés à la France en 1974 (« Tant qu’à être colonisés, autant que ça soit par un pays riche », phrase qui résume en partie le refus de l’élite politique mahoraise de rejoindre les autres îles des Comores dans l’indépendance), les trois autres îles devenant indépendantes.

L’impérialisme français finit par faire de Mayotte une base satellitaire (réception, écoutes, surveillance) dans l’océan Indien. Pour mieux la contrôler, la bourgeoisie française la départementalise et crée une situation monstrueuse en « décrochant » politiquement et économiquement la population mahoraise de ses voisins. [4]

D’inextricables problèmes humains apparaissent très vite : depuis toujours, la population circule librement entre les différentes îles mais, avec le nouveau statut qui se prépare pour Mayotte, le gouvernement français commence à construire un mur « radar » pour stopper la circulation avec Anjouan (à 80 km). Ce qui débouche sur le « visa Balladur-Pasqua » qui met en place une machine à fabriquer des étrangers et fait de Mayotte une scandaleuse zone de non-droit pour les enfants en particulier [5].


Pour en savoir plus :


[1L’égalité en droit avec la métropole n’est qu’une lointaine perspective... une période transitoire de 25 ans est prévue pour harmoniser fiscalité, lois, etc. Le RSA (un quart de celui de la métropole) sera mise en place en janvier 2012. Le SMIG est de 85 % du salaire minimum de métropole, avec 35 000 personnes travaillant sur près de 200 000 habitants. Le travail clandestin est généralisé dans l’agriculture et le BTP, et Mayotte importe vingt fois plus qu’elle n’exporte. (www.dtefp-mayotte.travail.gouv.fr).

[2« Au nom de la départementalisation, je te déshumanise ! - Oui, Missié ! » Askandari Wa Mzé Naria, Billets d’Afrique n° 200, mars 2011 (survie.org).

[3Malango Actualité, 25 février 2011. Mayotte – Une manifestation pour un « rappel à la loi ».

[4Comores-France : l’insoutenable légèreté du pouvoir, 3 décembre 2010, Pierre Caminade (survie.org).

[5À Mayotte, les droits de protection des enfants sont bafoués. Ils peuvent être expulsés sans chercher leur filiation et ,en 2010, 4 000 ont été abandonnés sur l’île suite à la reconduite à la frontière de leurs parents ! Comores-France : l’insoutenable légèreté du pouvoir, 3 décembre 2010, Pierre Caminade (survie.org).

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