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Une assemblée générale interprofessionnelle en Pays Basque

dimanche 5 décembre 2010

En Pays Basque, le mouvement contre la réforme des retraites a présenté les mêmes caractéristiques générales qu’ailleurs. D’une part, les manifestations de rue, appelées régulièrement par l’intersyndicale, ont connu une très forte affluence, le chiffre record de 18 000 participants (estimés par les syndicats) étant même atteint à Bayonne. D’autre part, les grèves reconductibles ont pratiquement été limitées au seul secteur des cheminots (avec une brève tentative à France Telecom qui est restée minoritaire).

Mais l’élément intéressant à retenir est la création, dès le début du mouvement, d’une assemblée générale interprofessionnelle qui, à la fin des manifestations de rue, rassemblait à la Bourse du travail celles et ceux qui voulaient discuter des moyens d’aller plus loin pour obtenir le retrait du projet de loi.

Le collectif Oldartu-Lutter Ensemble

À l’origine de cette initiative se trouvait le collectif Oldartu-Lutter Ensemble [1]. Créé à la suite des grands mouvements de grève de l’an dernier aux Antilles, ce collectif regroupe toutes les organisations de la gauche radicale (ou influencée par elle), qui existe en Pays Basque et compte dans ses rangs des syndicalistes de la CNT ou de Solidaires, des militants du NPA, et de la gauche nationaliste basque (qu’ils soient syndicalistes de LAB ou membres de Batasuna et d’Abertzaleen Batasuna [2]), des associations féministes et de défense des consommateurs, le syndicat agricole ELB [3], etc.

Peu avant le début du mouvement, Oldartu-Lutter Ensemble avait, notamment sous l’impulsion des militants du comité NPA d’Anglet, élaboré un programme revendicatif comprenant le retrait du projet, le retour aux 37,5 annuités de cotisation et la popularisation de l’idée que seule la grève générale obligerait le gouvernement à reculer. De leur côté, en mai-juin, des militants de plusieurs comités NPA du Pays Basque et du Béarn avaient lancé un appel-pétition dans ce sens sur les marchés et dans les entreprises où ils sont présents, qui avait recueilli 1 500 signatures et avait permis de préparer le terrain.

Dès le début du mouvement — et après un moment d’hésitation dû aux divergences existant en son sein — le collectif Oldartu-Lutter Ensemble a organisé un « pôle radical » dans chaque manifestation avec drapeaux, banderoles et porte-voix appelant notamment les manifestants à se réunir à la Bourse du Travail.

À partir du 12 octobre, le Collectif retraites Pays Basque, organisé autour de l’appel ATTAC-Copernic, s’est rallié lui aussi à l’AG interpro, à son slogan central « la grève et la lutte… jusqu’au retrait », et à ses activités.

Au-delà du public gauchiste habituel

Finalement, ce sont entre 60 et 150 personnes (c’est-à-dire une participation beaucoup plus large que le public « gauchiste » habituel) qui ont participé aux différentes assemblées générales interprofessionnelles, avec une prédominance de salariés du secteur public, mais aussi des étudiants, des retraités, des précaires, des chômeurs, etc. Pendant la grève reconductible des cheminots, cette AG interpro tenait une permanence deux fois par jour à la Bourse du travail. Un blog a été créé, mis quotidiennement à jour, qui diffusait régulièrement les infos. Il permet de se rendre compte de l’activité de l’AG : greveenpaysbasque.net.

Dès le départ, les dirigeants de l’UL CGT (qui appartiennent généralement au PCF) ont établi un cordon sanitaire autour de ces AG, réussissant notamment à empêcher toute jonction entre elle et l’AG des cheminots (ce qui n’a pas empêché des cheminots de venir individuellement à l’AG interpro).

En guise de bilan, ces AG – une première en Pays Basque – où régnait la plus grande démocratie et où chacun pouvait s’exprimer librement, ont permis à des militants d’entreprises de se connaître et de tisser des liens entre eux, d’essayer d’étendre la grève, de discuter de la suite à donner au mouvement, mais aussi de l’auto-organisation des travailleurs. De plus, elles ont décidé plusieurs blocages (zone de poids lourds de Biriatou, à la frontière espagnole, zone portuaire de Bayonne, aéroport de Biarritz, d’un des ponts de Bayonne) et occupations (CCI, CRAMA, Sous-préfecture, mairie de Biarritz) en Pays Basque. La limite de leurs interventions a été celle du mouvement lui-même. Elles représentent cependant un acquis certain pour les luttes à venir.

Jean-Claude PUYOO


[1Oldartu signifie en basque « affronter », « se révolter » . Le nom complet est « Oldartu-Lutter ensemble, collectif pour la convergences des luttes ». Liste des organisations qui le constituent : Action consommation Pays Basque, ATTAC, Collectif féministe contre les violences sexistes, Comité d’action Soule, Ikasi eta Irauli–Jeune Réagis !, Segi, CNT, ELB, LAB, Solidaires, AB, Batasuna, NPA.

[2LAB, l’Union des Travailleurs Patriotes, est un syndicat nationaliste de gauche existant en Espagne depuis les années 1970 et en France depuis 10 ans, qui a obtenu 7 % des voix aux dernières élections prud’homales en Pays basque français. Batasuna (Union), organisation interdite en Espagne mais autorisée en France, était proche, jusqu’à une date récente, de l’ETA. Elle est considérée comme l’extrême-gauche nationaliste. Abertzaleen Batasuna (Union des Patriotes) est une organisation nationaliste de la gauche dite « modérée » qui n’existe qu’au Pays Basque français.

[3ELB (Union des Paysans Basques) est l’antenne locale de la Confédération Paysanne.

Mots-clés Pays basque , Politique , Retraites