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La Sécu : bon pied bon œil, mais aussi bons portefeuilles !

samedi 22 septembre 2001

La mise en place des systèmes nationaux de protection sociale à partir de 1945, dans nombre de pays développés, est un progrès incontestable pour les salariés.

Mais il faut aussi le relativiser : le choix, fait en France, d’une « gestion paritaire » des caisses, c’est-à-dire en fait d’une collaboration permanente, institutionnalisée, entre l’Etat, les syndicats et le patronat, ne doit pas faire oublier que ces « partenaires sociaux » ne font que gérer une forme d’épargne, socialisée, des travailleurs. Les cotisations dites « patronales » sont, tout autant que les cotisations « salariales », du salaire différé.

En même temps la politique sociale de l’Etat est une bonne affaire pour certains capitalistes, puisque le secteur de la santé est devenu particulièrement florissant grâce à la sécurité sociale !

Un gigantesque transfert de fonds publics vers le privé

Même si la masse financière qui transite par les organismes de sécurité sociale est devenue considérable (près de 2000 milliards de francs, davantage que le budget de l’Etat français), tout cet argent n’en retourne pas moins en partie dans des caisses privées, celles des cliniques, des médecins libéraux, et encore plus des grands trusts pharmaceutiques.

La loi instituant en mai 1946 la sécurité sociale, en laissant aux malades le choix du médecin et de l’hôpital, a favorisé le commerce de la santé. Le système de santé en France se distingue en effet par l’extension d’un important secteur d’hospitalisation privé et commercial et l’exercice « en ville » de la majorité des médecins. Ce qui a assuré au privé une part non négligeable du « marché » de la santé, alors que les dépenses maladies couvertes par la Sécu représentent 9,8% du PIB aujourd’hui.

Surtout, les remboursements de la sécurité sociale, absolument nécessaires à la population, ont été une manne pour l’industrie pharmaceutique, que l’Etat a laissé vendre, et faire payer au prix fort ses médicaments, tout en subventionnant une partie de la recherche. C’est aussi une manne pour les fabricants de matériel médical, les investissements en la matière étant de plus en plus lourds. Quant à l’enseignement médical, qui offre à ces entreprises leur main d’œuvre qualifiée, il est assuré à 88% par l’Etat.

Le bluff de la gauche

Quand la gauche, dans les années 1980, s’est chargée de « réformer » la Sécu, c’est-à-dire d’y imposer des mesures d’austérité, elle a fait mine de dénoncer ce « libéralisme à la française ». Aubry, puis Guigou, ont repris ce vieux langage en reprochant aux trusts de vivre (un peu trop) aux crochets de la Sécu.

Il est vrai qu’après avoir tenté d’imposer aux médecins libéraux un plus grand contrôle de leurs prescriptions, Aubry a baissé les prix de certains médicaments. Mais elle a aussi réduit pour d’autres les remboursements, voire rayé certains de la liste des remboursables, en prétendant que c’était des médicaments « de confort », un luxe pour les malades… ! Guigou, en juin dernier, s’est faite à son tour un peu de publicité en baissant de 10% en moyenne les prix de quelques centaines de médicaments, dont l’efficacité thérapeutique serait « insuffisante », et en encourageant l’emploi des génériques, moins chers, et donc moins profitables aux fabriquants. Les groupes pharmaceutiques ont pleurniché sur un manque à gagner de 800 millions à un milliard de francs. Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan de leurs profits.

Ces mesures soi-disant « anti-trusts », c’est en réalité l’arbre qui cache la forêt. Les gouvernements, de droite comme de gauche, affirment depuis longtemps vouloir ramener le total des dépenses de santé couvertes par la sécurité sociale de 9,8% à 6 ou 7% du PIB, dans la « moyenne européenne », paraît-il… Ainsi malgré tous les discours sur les efforts partagés, les gouvernements n’ont cessé de baisser les « charges » patronales à coups d’exonérations, tout en faisant porter l’essentiel des économies sur les hôpitaux publics, rationnée en moyens et en personnels, et sur les travailleurs, priés de mettre toujours plus la main à la poche et d’aller moins souvent chez le médecin.

Comme le montrent 20 ans de politiques d’austérité, toutes ces réformes qui prétendent mieux « contrôler » les dépenses de santé (ce qui en soi n’est pas choquant) ne visent pas à rogner le bas de laine des médecins libéraux, encore moins à limiter le parasitisme de la Sécu par les cliniques privées et les géants privés de la pharmacie, mais à limiter l’accès aux soins de la population, notamment des plus démunis : près du quart de la population déclarent avoir renoncé durant l’année à certains soins médicaux parce que leur remboursement est trop limité. C’est cela le véritable bilan de leur politique !

Bernard RUDELLI

Mots-clés Santé , Sécurité sociale , Société