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Face aux licenciements et aux suppressions d’emplois : La multiplication des luttes locales et l’irrésistible nécessité d’une riposte d’ensemble

mardi 16 février 2010

La crise ! Quelle crise ? Alors que la Bourse de Paris a progressé de 22 % en 2009, les banques françaises s’apprêtent à verser 285 000 euros de bonus en moyenne à leurs 3 500 traders. Un pourboire comparé aux bénéfices que celles-ci devraient bientôt annoncer pour l’année 2009.

Les entreprises privées ne sont pas en reste. Philips est repassé dans le vert en 2009 avec 424 millions d’euros de bénéfices. Le groupe Total devrait déclarer 8 milliards d’euros de bénéfices en 2009, après ses 13,9 milliards de 2008. 8 milliards aussi de bénéfices en 2009 pour Sanofi-Aventis. On nage dans le bonheur. Même PSA et Renault, que Carlos Ghosn voyait il y a peu au bord de la faillite, profitent du rebond des ventes automobiles.

Bien sûr, toutes les entreprises ne sont pas à la fête et la banqueroute menace toujours le grand Monopoly de l’économie capitaliste. En France, le nombre de liquidations judiciaires a même augmenté de 25 % en 2009. De petites et moyennes entreprises la plupart du temps, victimes du dégraissage des grosses entreprises qui, en plus de réduire leurs propres effectifs, se débarrassent qui de leurs filiales, qui de leurs sous-traitants. [1]

Comme une lente hémorragie

Même si elle a moins l’honneur des médias, la vague de licenciements ne connaît pas de trêve. Faisant ou pas des profits, les grosses entreprises continuent à réduire leurs effectifs. C’est le cas chez Total, Sanofi-Aventis, Goodyear, Saint-Gobain, PSA (non-remplacement des départs, soit la suppression de 6 000 emplois en trois ans).

Dans les semi-conducteurs, chez Altis dans l’Essonne ou Freescale à Toulouse. Mais aussi chez Philips (production de télévisions) à Dreux, Teleperfomance (grosse société de centres d’appels), ou Thales Avionics (aéronautique). Les travailleurs des entreprises plus petites sont encore davantage touchés. Dans le Nord, chez Pimkie (l’enseigne de prêt-à-porter), Rottendorf Pharma (sous-traitant pharmaceutique), Apegelec (fabrication de tableaux électriques), M-Real (papiers et cartons), Télé-Diffusion de France (TDF).

Des régions entières sont durement frappées, comme la Loire où GPV (emballage postal), Manitowoc (fabricant de grues), Beru (bougies d’allumage) vont supprimer des emplois. D’autres patrons envisagent carrément de fermer des sites entiers comme à Sullair (outils pneumatiques) ou Siemens (électroménager). La liste n’est hélas pas exhaustive [2]. Sans compter les innombrables petites entreprises touchées.

Quant au secteur public, il n’est pas épargné non plus, subissant la politique de rigueur voulue par le gouvernement : non-remplacement d’un départ sur deux, fermeture des secteurs les moins rentables… Ainsi les Hôpitaux de l’AP-HP, La Poste ou la SNCF (voir notre dossier) a lancé une vaste restructuration du secteur Fret qui devrait entraîner la suppression de 6 000 emplois dans ce secteur. Sans oublier les musées nationaux où la grève du personnel du centre Pompidou (Beaubourg), s’étendant au Château de Versailles, aux musées d’Orsay ou du Louvre en décembre dernier, a révélé au public que la Révision générale des politiques publiques (RGPP) prévoyait la suppression de plus de 700 postes dans ce secteur. Face à cette hémorragie, la Révolte Générale Privé-Public doit s’organiser !

Une combativité intacte

2010 verra-t-elle un retour en force des luttes contre les licenciements ? En fait, elles n’ont jamais cessé. Alors que 2009 s’était terminée par un réveillon des salariées de Pimkie sur leur piquet de grève, 2010 a commencé par la tentative de 150 salariés de l’usine Philips Dreux de prendre le contrôle de la production. Durant une semaine, ils ont produit et stocké plus de 900 téléviseurs, jusqu’à ce que la direction menace neuf d’entre eux de licenciement pour faute lourde.

Le 12 janvier, les travailleurs de la raffinerie Total des Flandres près de Dunkerque se mettaient en grève face à la menace de fermeture de leur site.

Le 15 janvier, les ouvriers de production de Freescale décidaient de se remettre en action et entamaient une série de grèves et débrayages (cf. notre article).

Le 20 janvier, à l’annonce de la fermeture de leur usine de métallurgie, les salariés d’Akers à Fraisses (près de Saint-Étienne), ont séquestré deux jours durant la direction du site, menaçant de détruire le matériel.

À Vieux-Thann dans le Haut-Rhin, deux jours de grève ont eu raison de la direction de Braun qui suspendait, le 22 janvier, son projet de licencier 13 salariés sur les 193 qui travaillent dans cette imprimerie.

Le 26 janvier, après une semaine de grève et d’occupation, les 277 travailleurs du sous-traitant automobile ZF Mecacentre à Saint-Étienne obtenaient l’annulation de 55 licenciements, et même le paiement des jours de grève (cf. notre article) !

Le combat, les travailleurs le mènent aussi souvent sur le terrain juridique. Ainsi, après avoir mis en échec en mai 2008 un premier plan social prévoyant 402 licenciements, les salariés de Goodyear Amiens faisaient suspendre en août 2009 par le tribunal de Versailles un second PSE, s’élevant cette fois-ci à 817 licenciements. La direction ayant fait appel, un second tribunal décidait le 27 janvier de maintenir cette suspension.

Succès également pour les syndicats des Salins du Midi dans le Gard. Le 20 janvier, le Tribunal de grande instance de Nîmes ordonnait l’annulation d’un plan social prévoyant 144 licenciements, dont 59 à Aigues-Mortes. Et il ne s’agit là que de quelques exemples des multiples luttes locales en cours.

Aide-toi, la lutte d’ensemble t’aidera !

L’attaque sur l’emploi est donc globale, mais la réponse pour le moins émiettée. Certains syndicalistes élaborent même des projets industriels dans l’espoir d’assurer l’avenir de leur site, parfois au détriment d’autres sites. Avec les délocalisations en ligne de mire.

Les délocalisations, ou la soif de profit des patrons et de leurs gros actionnaires ? Car gare au piège de la démagogie nationaliste ! Celle d’un Sarkozy faisant mine, par exemple, de découvrir que la Clio IV sera produite en Turquie, alors que la Clio III l’est déjà largement.

En fait, les travailleurs et les militants syndicaux de base se sentent le plus souvent abandonnés par les instances syndicales confédérales et se débrouillent comme ils peuvent, chacun de leur côté, faute d’une lutte générale, seule capable de stopper cette vague de suppressions d’emplois et d’imposer l’arrêt des licenciements.

Cette lutte générale, les directions syndicales centrales se gardent bien de l’impulser, organisant tout au plus quelques manifestations nationales sans lendemain, comme dans les services publics ou la métallurgie. Comme des lâchers de vapeur. Bien sûr, rien ne garantit qu’elles arriveraient à déclencher cette lutte d’ensemble. Mais encore faut-il viser cet objectif et tout faire pour l’atteindre.

Quant aux grands partis politiques, il leur arrive de soutenir localement les travailleurs en lutte, certes. Surtout dans cette période pré-électorale où la plupart des élus locaux, même à droite, ne ménagent pas leurs discours. Pour le reste, les travailleurs devront se contenter de promesses : plans de ré-industrialisation, aides publiques au patronat… Toujours les mêmes recettes, les mêmes impasses, voire les mêmes arnaques.

Ne voyant rien venir d’en haut, les travailleurs n’ont plus le choix que d’essayer d’y arriver par en bas. Des expériences sont tentées ça et là. Autour de militants d’extrême gauche bien souvent, ou simplement de syndicalistes combatifs, qui ont tenté des regroupements autour des travailleurs en lutte, depuis Continental dans l’Oise jusqu’à Philips Dreux, en Normandie, en passant par Freescale (Toulouse) ou First-Blanquefort (ex-Ford, près de Bordeaux), mais aussi dans la Loire, dans le Nord, ou cet été à Châtellerault autour de New Fabris. Et cette liste ne prétend pas être exhaustive.

Dans ces conditions, l’organisation d’une lutte d’ensemble contre les licenciements et les suppressions d’emplois serait-elle possible ? Certes, la tâche n’est pas aisée. La faute au calendrier, car toutes les attaques ne sont pas simultanées. À la géographie, car les entreprises touchées sont éparpillées sur tout le territoire. Au temps, car la lutte quotidienne est dévoreuse du temps des militants.

Raison de plus pour en faire notre priorité ! D’autant que l’idée est dans l’air. Ne pas rester isoler. Tisser un réseau. S’adresser aux autres travailleurs. Se soutenir. Se battre tous ensemble. S’organiser. Non pas contre les appareils syndicaux nationaux, mais sans dépendre d’eux. Oui, c’est à la portée de tous les travailleurs combatifs voulant sortir de leur isolement.

Le 30 janvier 2010

Gilles SEGUIN


[1Rien d’étonnant donc qu’à l’autre bout, le chômage ne cesse d’augmenter : +18,2 % en un an, selon le ministère de l’Emploi ! En décembre 2009, 4,02 millions de travailleurs étaient inscrits au chômage, 3,8 millions si on enlève les DOM et encore 2,6 millions si on décompte ceux ont une petite activité. Et cela malgré les radiations. D’après les comptes du Pôle Emploi, 1 million de chômeurs arriveront en fin de droit en 2010. Ils étaient 850 000 en 2009.

[2Pour plus de détails, voir la liste des entreprises qui licencient ou qui suppriment des emplois sur www.collectifcontrelespatronsvoyous.com

Mots-clés Licenciements , Politique