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L’exemple des chemins de fer : Banlieue Sud-Ouest

vendredi 1er février 2002

La sécurité, en parler cheminot, est d’abord celle de la circulation des trains, sans accident. Viennent ensuite les incidents qui créent des retards, nuisent à la régularité. Il peut s’agir d’actes de malveillance contre les trains, d’objets sur la voie, voire de tirs au fusil... Au sud de Juvisy, simple exemple, la police de la SNCF piste quelqu’un, un gamin probablement, qui tire systématiquement un signal d’alarme. L’agent de conduite est obligé de s’arrêter, de questionner, et en cas de risque grave, de créer une alerte radio et tous les trains s’arrêtent. Les gens râlent.

Un sentiment d’insécurité... plus ou moins justifié

Une gare, c’est toute une vie, comme dans un quartier, avec des gens qui vont et viennent, consomment, s’installent. C’est le cas de pas mal de jeunes qui peuvent s’y retrouver pour faire la fête, comme dans les cages d’escalier. Ce qui veut dire aussi la fumette ou les menus trafics.

Naguère, les sans domicile s’installaient et les cheminots, la nuit, trouvaient un endroit pour les héberger. Aujourd’hui, on ferme les gares. Il reste des rames de banlieue garées la nuit, dans lesquelles, petit à petit, à partir des années 1980 surtout, des SDF restent. On les retrouve le matin, qui dorment encore. Cela pose quelques problèmes de cohabitation avec les voyageurs.

Mais il y a aussi la fraude, qui préoccupe tant les patrons de la SNCF. Toute personne doit présenter son billet à la réquisition des cheminots qui ont de ce fait un petit pouvoir… de police. Et les ennuis qui vont avec !

Un contrôleur qui tombe sur un voyageur sans billet est autorisé à demander une pièce d’identité. En cas de refus, il peut faire appel à des forces de police multiples : police ferroviaire, police de quartier, gendarmerie en province, polices locales, commissariat du coin mais aussi forces de police de l’air et des frontières qui ont également missions dans les enceintes ferroviaires. Il y a du monde pour faire descendre du wagon celui qui n’a pas son ticket ou dans un autre cas ! On peut même voir des gamins emmenés avec menottes derrière le dos par des flics du commissariat, pour s’être rebiffés. C’est toute cette atmosphère, tout autant que les agressions des voyous, qui crée un sentiment d’insécurité chez les voyageurs, et souvent l’amplifie outre mesure.

La police ferroviaire…

Dès l’origine, les chemins de fer ont été conçus comme une structure de type militaire, entre autres du fait de leur importance stratégique. Il a été conféré un pouvoir de police aux cheminots. La loi aujourd’hui prévoit même à l’encontre des agresseurs d’agents des transports publics, en cas de violence ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de 8 jours, des peines de 3 à 5 ans de prison et 300 000 à 500 000 francs d’amende.

Tous les cheminots ne sont pas habilités à dresser procès-verbal, mais une partie est assermentée. Sur un quai où ça s’agite un peu, face à quelqu’un qui traverse une voie par exemple, ils doivent prendre des mesures pour arrêter les circulations parce que c’est très dangereux mais peuvent aussi interpeller la personne, dresser procès-verbal de police qui permettra à la SNCF de déposer plainte et donc d’emmener quelqu’un devant un tribunal. Les cheminots l’appellent la SUGE, pour surveillance générale. Les emplois jeunes disent les keufs. C’est la police ferroviaire. Elle a été créée en 1846 et dispose aujourd’hui d’environ 1800 agents. La SUGE a été grandement utilisée contre les cheminots dans des enquêtes pour vols dans les recettes ou les wagons. Elle s’est renforcée ces dernières années, par un recrutement direct, du fait de l’augmentation des situations de fraude, agressions, dégradations du matériel. Ceux de la SUGE sont armés et certains se plaisent à raconter leurs cavalcades pour coincer untel ou prendre en flagrant délit des tagueurs !

…et les cheminot(e)s aux première loges

Pouvoirs de police et policiers n’empêchent pas les agressions. Contre des contrôleurs, qui souvent en réaction font grève, mais aussi contre des guichets, qui font moins grève. Ici, 2 ou 3 personnes font irruption dans une recette avec un fusil et menacent l’employée. Là, dans un coin isolé, une jeune femme embauche pour ouvrir une petite gare et se trouve face à un gars qui se rue sur elle avec une machette ! Il n’y a pourtant pas grand chose dans les caisses parce que, depuis quelques années, la SNCF confie à des sociétés spécialisées le ramassage des fonds. Dans le passé, il y avait toujours, en gare, quelques cheminots de différents métiers, des vendeurs de billets, quelques chefs derrière eux. Au moins 3 ou 4 personnes. Maintenant, celui ou celle qui vend les billets est seul ! De 550 000 au lendemain de la guerre, les effectifs sont en effet passés à 173 000 aujourd’hui. La SNCF a trouvé comme palliatif le recours à des entreprises sous-traitantes de sécurité, vigiles, maîtres chiens, pour faire l’ouverture et la fermeture des gares de banlieue. Le cheminot est moins seul. Le chien aussi (les patrons de la SNCF ne jurent que par lui) ! Mais les contrôleurs, en particulier, ont-ils gagné à être accompagnés de policiers ? Cela les fait repérer comme cibles plus faciles, une fois qu’ils se retrouvent seuls.

Elle distribue aussi un « aide-mémoire à l’attention des agents victimes d’agressions » : « On cherche à vous agresser, restez calme, ne reculez pas, ne tendez pas le poing ou le doigt, ne prenez pas un ton menaçant mais engagez un dialogue apaisant… » !

Enfin il y a maintenant des emplois jeunes. A Juvisy par exemple, dans la gare souterraine, il y en a un, entre autres, le matin en période de pointe. Une présence sans doute utile, d’autant qu’il s’agit souvent de jeunes des cités environnantes qui croisent d’autres jeunes qu’ils connaissent. Les technocrates de la SNCF parlent d’une « bonne opération d’interface avec la population  ». C’est un peu vrai, tant que les jeunes ne prennent pas en pleine interface le mécontentement des usagers, dû à la multiplication des incidents qui n’ont rien à voir avec l’insécurité.

Un cheminot de la ligne C du RER parisien

Mots-clés Entreprises , Insécurité , SNCF