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Editorial

Cheminots, RATP, électriciens, gaziers, étudiants, fonctionnaires… La fédération des luttes à portée de mains ?

mercredi 21 novembre 2007

À l’heure où nous écrivons la grève pour la défense des régimes spéciaux, en particulier chez les cheminots et à la RATP, qui va entrer dans sa deuxième semaine, tient bon. Ces derniers jours le mouvement étudiant, qui réunit sa deuxième coordination en ce moment même, a gagné de plus en plus d’universités. Ici ou là des grèves pour les salaires ou pour l’emploi, évidemment repoussées au second plan de l’actualité par celles de la SNCF ou des facs, ont lieu dans des entreprises du privé. Et dans deux jours les salariés de la fonction publique, en particulier les enseignants, sont appelés à une journée d’action.

Certes les obstacles sont encore nombreux devant le développement et surtout la convergence des luttes. Mais ceux déjà surmontés, à la SNCF, la RATP, l’EDF et GDF, mais aussi chez les étudiants, montrent que venir à bout des prochains n’est pas hors de portée des travailleurs en lutte.

L’alliance du gouvernement, de la gauche et des bureaucraties syndicales…

Car il y en a du monde dressé, ouvertement ou sournoisement, contre ces premiers grands mouvements de l’ère Sarkozy !

Il y a d’abord évidemment le gouvernement et toute la kyrielle des autorités, depuis les directions des grandes entreprises concernées jusqu’aux présidents des universités. Pour ceux-là, évidemment, la réforme des régimes spéciaux (en fait une aggravation spectaculaire des conditions de vie des futurs retraités concernés) répond au souci d’équité pour tous (équité à laquelle échappent quand même les vrais privilégiés, patrons, rentiers, bourgeois de tout acabit qui peuvent s’appuyer sur le confortable magot hérité ou amassé et s’assurer une retraite dorée !), et celle des universités à la volonté d’accroître la qualification des jeunes générations et leur permettre de trouver plus facilement un emploi… que pourtant aucun patron ne propose.

Tous, aidés spectaculairement par les médias aux mains de leurs amis et compères, se donnent beaucoup de mal pour nous vendre la prétendue colère de l’opinion publique. Celle-ci, voyez-vous, serait dressée contre les privilégiés des régimes spéciaux empêchant la France qui travaille (et qui voudrait même travailler de plus en plus ?) de se rendre sur les lieux où on l’exploite, et ulcérée par la dictature des minorités étudiantes qui bloquent les facs et empêchent la majorité de se rendre au cours. Pourtant ni les descentes des gardiens de l’ordre pour dégager sans ménagement les bloqueurs ni les votes à bulletins secrets organisés par les autorités (qui n’ont pas davantage réuni la majorité des étudiants que les assemblées générales qui ont voté le blocage) n’ont empêché le mouvement de gagner de proche en proche. Et les cheminots qui ont pris la peine d’aller s’adresser aux usagers ou aux autres travailleurs, loin de se faire huer par des foules en colère, ont généralement plutôt été accueillis avec compréhension et même solidarité.

Mais il y a aussi la gauche, et en particulier le Parti socialiste, dont pratiquement tous les ténors se sont prononcés pour la réforme des régimes spéciaux comme pour celle des universités. C’est dans les faits un appui à Sarkozy contre les grévistes, même si cette gauche cache sa couardise et sa trahison en glosant et dissertant à perte de vue sur la méthode à employer ou ne pas employer pour amener les travailleurs à accepter les mauvais coups.

Enfin il y a les directions syndicales, à commencer par l’Unef qui avait donné son acquiescement à la réforme Pécresse dès le milieu de l’été, mais surtout, car leur poids est d’une autre importance, les centrales ouvrières (CGT en tête, mais de fait suivie ou même précédée par toutes les autres) qui depuis deux mois s’ingénient à limiter au maximum le mouvement des salariés des transports ou de l’énergie. Elles ont borné la grève du 18 octobre à une journée sans lendemain contre la volonté de beaucoup de cheminots. Elles ont programmé une grève le 14 novembre avec l’espoir qu’ainsi la jonction avec celle des fonctionnaires le 20 serait impossible. Elles ont enfin laissé entendre, la veille même d’une grève qu’elles appelaient pourtant officiellement à reconduire, qu’elles étaient prêtes à négocier au rabais avec le gouvernement. On ne pouvait guère faire mieux pour introduire le doute et l’hésitation dans l’esprit de ceux qui étaient appelés à entrer en lutte !

…n’avait pas tout prévu, ni ne pourra tout empêcher

La manœuvre a échoué. Incrédules, étonnées ou carrément méfiantes, les assemblées générales des cheminots ou de la RATP ont reconduit la grève et la plupart des directions syndicales ont dû avaliser la volonté de la base, durcir le ton vis-à-vis du gouvernement et, momentanément du moins, plus ou moins jurer que leur intention n’était pas de négocier à n’importe quel prix. Parallèlement d’ailleurs l’Unef accomplissait aussi un autre virage en joignant sa voix à ceux qui demandent l’abrogation de la loi (ou des parties de la loi ?) sur l’autonomie des universités, cette loi qu’elle jugeait acceptable il y a peu encore.

Voilà donc comment l’esprit vient aux bureaucrates : quand les grévistes expriment haut et fort ce qu’ils veulent et décident eux-mêmes de ce qu’ils font. Certes il reste des pas à faire pour que les travailleurs contrôlent complètement leur mouvement, le coordonnent et en décident à tous les niveaux. Mais celui qui vient d’être fait en est déjà un, et de taille. Quelle que soit la suite de ce mouvement là, il laissera des traces dans les esprits et les consciences. Et même dès aujourd’hui ce pourrait être le tremplin pour passer à une étape supérieure.

Les cheminots en lutte le savent, comme les étudiants, comme d’ailleurs beaucoup d’autres travailleurs : les réformes de Sarkozy forment un tout, chacune d’elles n’est qu’un aspect de l’offensive tous azimuts enclenchée contre le monde du travail et la majorité de la population. Ainsi on sait déjà que la fin des régimes spéciaux entraînerait l’augmentation des annuités pour tous ; ainsi les difficultés de la Sécu sont dues en priorité aux bas salaires et à la casse des emplois ; ainsi la chasse aux sans papiers est faite pour terroriser une part des travailleurs immigrés, les amener à accepter salaires de misère et conditions de travail épouvantables, et ainsi peser sur les salaires et les conditions de travail de tous…

La conclusion s’impose d’elle-même : à une offensive globale il faut une riposte globale. Plus la revendication de chacun s’intégrera dans un plan de revendications de tous et plus elle aura des chances d’être satisfaite par la lutte d’ensemble. Plus nous serons nombreux à lutter ensemble et plus nous avons des chances de faire reculer Sarkozy, Fillon et les patrons.

Ce mouvement d’ensemble, ce sont ceux déjà en lutte qui, en s’adressant aux autres, les entraînant, les décidant, en créeront un jour les conditions. Aujourd’hui ce sont les salariés des régimes spéciaux, cheminots, RATP, gaziers, électriciens, qui sont en position de s’adresser aux autres. Certains d’ailleurs ont commencé à le faire. S’ils poursuivent dans cette voie, surtout avec l’aide que les étudiants semblent prêts à apporter, nous pourrions bien être à la veille de l’explosion sociale. Pas écrit d’avance, certes ; pas impossible non plus ; de toute façon indispensable, maintenant ou plus tard.

18 novembre 2007

Mots-clés Politique , Retraites