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L’aide publique au développement...des grands trusts

lundi 4 juillet 2005

En France, l’aide publique au développement (APD) fut instaurée par De Gaulle, alors que les processus de décolonisation allaient bon train. L’APD est une part du budget des pays riches (souvent inférieure à 0,5 %) destinée aux pays pauvres. En 2003, en France elle représentait 0,39 % du PIB. Cela peut néanmoins constituer une part non négligeable du PIB de certains pays qui en bénéficient.

Parmi les objectifs affichés : réduction de la dette et de la pauvreté, développement de programmes de santé et d’éducation, aide à la réduction des conflits, préservation de l’environnement. Qu’en est-il ?

Des résultats ?

Les résultats en matière de développement sont proprement ridicules. Observons deux domaines parmi d’autres. L’aide à l’éducation, déjà bien faible, ne profite que pour 0,3 % à l’éducation de base, le reste étant destiné à l’enseignement supérieur et aux bourses, réservées pour l’essentiel aux enfants des élites [1]. Quant à l’aide alimentaire, dans plus de 90 % des cas, elle sert à ouvrir des marchés aux grands trusts agroalimentaires français. En 1984, du blé français a été envoyé au Togo, alors que la récolte locale de mil était excellente. Résultat, les paysans sont restés avec une partie de leur récolte sur les bras, s’appauvrissant d’autant. Un immense pas pour le développement !

L’APD est très largement détournée de ses objectifs proclamés. Le programme des Nations unies pour le développement (Pnud) estime qu’en 2003 ce sont moins de 4 % de l’APD française qui ont servi des priorités de développement humain. Où partent les 96 % restants ? Dans les faits, le grand patronat français en est le principal bénéficiaire. Une année, 80 % des prêts du Trésor dans le cadre de l’APD ont servi à financer des projets d’Alcatel-Alsthom. Le reste est employé pour le remboursement de la dette. La Caisse française de développement (CFD) prête de l’argent à un pays pauvre, mais comme cet argent sert à rembourser des dettes antérieures, il n’apporte aucun argent nouveau pour le développement. En fait, cette part de l’APD ne sort pas de France : celle-ci se rembourse elle-même.

Des projets ?

Le mécanisme de gestion de l’aide est excessivement opaque, mais en dernière instance, c’est l’Élysée qui via les ministères gère l’aide. L’APD n’est donc pas distribuée en fonction de critères de sous-développement mais en fonction des zones d’influence où la France entend rester implantée. Ainsi l’APD française est très largement destinée aux pays de la zone franc et au Maghreb. L’Asie et l’Amérique latine sont presque entièrement contournées. Une manière pour la France de maintenir son pré carré africain...

Indépendamment de toute rationalité en matière de développement, ce sont les grands projets qui sont favorisés par les créanciers. Ces projets ont au moins un avantage...celui d’être excessivement chers, ce qui garantit d’importantes rentrées aux entreprises qui les mettent sur pied. Pour contribuer à convaincre les pays pauvres d’y souscrire, il suffit de se montrer généreux avec les hommes politiques qui décident de l’utilisation de l’APD. En 1987, le Fac (Fonds d’aide et de coopération) a financé l’achat d’un Mystère 20 pour le président de la République centrafricaine (34 millions). Car les petits cadeaux permettent de se faire de grands amis ! Les grands projets ruineux sont alors adoptés. Qu’importe qu’ils soient inadaptés ou ridicules, ils engraissent le grand capital. L’exemple le plus connu est celui des complexes sucriers de Côte d’Ivoire mis en place dans les années 70. Cinq complexes ont été mis sur pied et aucun n’a jamais fonctionné à plus de 30 % de ses capacités. Le sucre produit étant de surcroît plus cher que celui du marché mondial. Mais, les Grands Moulins de Paris ont de leur côté empoché 5 milliards de francs destinés...au développement.

Qui paye la facture ?

Pour l’essentiel l’APD sert donc à distribuer de l’argent public à des entrepreneurs privés français. Le taux de retour sur investissement est compris entre 65 % et 75 %, de 100 % même quant aux prêts du Trésor. La grande mosquée de Casablanca ou encore la réplique de Saint-Pierre de Rome à Yamoussoukro ont toutes deux été construites par Bouygues grâce à des prêts octroyés. S’il fallait illustrer le fait que l’APD ne sert en rien le développement, il suffirait de rappeler que les grands trusts de l’armement (Dassault, Matra) ne sont pas oubliés.

En dernière instance ce sont les contribuables qui financent les pots-de-vin et les contrats juteux au bénéfice des seuls capitalistes français. Quant aux pauvres du Tiers monde ce sont eux qui payent les dettes qui s’accumulent à coups de grands projets onéreux, de cadeaux présidentiels et autres. Ils payent les dettes pour de l’argent dont ils ne voient jamais la couleur.

Dans cette optique, est un peu dérisoire la discussion qui oppose les partisans d’une réduction, voire d’une suppression, de l’assistance aux pays pauvres, à ceux qui souhaitent qu’elle se maintienne ou augmente.

Clara SOLDINI


[1Les chiffres comme les informations comprises dans cet article proviennent pour l’essentiel de l’ouvrage de F.X.Vershave et A.S Boigallais, « L’aide publique au développement »

Mots-clés Société
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