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Le vrai bras de fer, en Egypte

En Egypte, les affrontements entre l’armée égyptienne et les partisans de l’ex-président Morsi ont fait officiellement plus de 750 morts, autant de blessés et des centaines d’arrestations. Deux factions rivales pour le pouvoir s’affrontent : d’un côté l’état major de l’armée qui de fait dirige le pays depuis les années 1950 et contrôle une grande partie de l’économie, de l’autre ce parti des Frères musulmans qui avec la chute de Moubarak en février 2011 a cru son heure venue. Il était interdit sous l’ancien dictateur mais avait pourtant sa place au soleil par ses mosquées, ses banques et ses hommes d’affaires.

Devant le massacre, les chefs d’Etat occidentaux, dont Hollande et Fabius, ont appelé à plus de « retenue » et à la recherche d’une solution politique. Mais laquelle ? De nouvelles élections pour berner le monde, comme les précédentes où il n’y avait le choix qu’entre le candidat de l’armée et celui des Frères musulmans, la peste ou le choléra ?

Le peuple égyptien aimerait son armée, nous dit-on. Ce sont les Etats-Unis et les puissances européennes qui ont appelé l’armée à prendre le relais de Moubarak, quand celui-ci a dû dégager en février 2011. Il ne fallait pas laisser le terrain aux manifestants de la place Tahrir et aux travailleurs qui avaient multiplié les grèves et menaçaient de les généraliser. Les militaires promulguèrent aussitôt un décret anti-grève, traînèrent des manifestants devant des tribunaux militaires, usèrent d’hommes de main contre eux. Quant aux Frères musulmans, qui avaient fort peu participé aux mobilisations de la place Tahrir, ils gagnèrent leur reconnaissance officielle en soutenant l’armée et en appelant au calme.

Mais le pouvoir direct de l’armée, de février 2011 à juin 2012, n’a pas réussi à étouffer l’agitation sociale et politique. Les espoirs soulevés par le renversement de Moubarak étaient toujours bien vivants. En guise de « retour à la démocratie », l’élection présidentielle organisée alors, un an et demi après la révolution, n’a fait que raviver la rivalité entre chefs de l’armée et Frères musulmans, et Morsi n’a emporté le morceau que d’une très courte tête et avec une faible participation électorale. Pour ensuite ne rien changer à rien, et susciter une nouvelle montée de mécontentement jusqu’à ces manifestations grandioses de la fin du printemps dernier, qui ont une nouvelle fois inquiété tous les privilégiés d’Egypte. C’est pour mieux reprendre le contrôle de la situation que l’Etat-major a décidé son coup d’Etat et cette répression sanglante contre les partisans de Morsi qui fait aujourd’hui l’actualité.

L’armée égyptienne fait mine de défendre ceux qui ne veulent pas d’une dictature des intégristes religieux. Elle a embarqué dans son gouvernement provisoire des politiciens démocrates, et même un dirigeant syndical prétendu « indépendant ». La politique de l’armée reste pourtant tout entière dirigée contre le peuple. Outre que sa manière sanglante pourrait tourner à une sorte de guerre civile prétexte à toutes les répressions, l’armée menace surtout les millions d’Egyptiens qui luttent et ne se démobilisent pas depuis les premières heures de la révolution. Par exemple ces grévistes de l’usine sidérurgique de Suez, 2000 ouvriers en grève depuis près d’un mois pour leurs salaires : deux de leurs leaders ont été arrêtés.

Les travailleurs et les jeunes qui ont renversé Moubarak en février 2011, n’ont pas renoncé à leurs revendications, ni démocratiques contre l’arbitraire policier, pour des droits politiques et syndicaux, ni sociales pour du travail et du pain. Le vrai bras de fer, il est entre militaires et intégristes d’un côté, qui s’entretuent aujourd’hui mais peuvent s’acoquiner demain sur le dos du peuple comme ils l’ont fait hier, et de l’autre ces millions d’Egyptiens des classes populaires qui depuis plus de deux ans se mobilisent et se remobilisent, pour une autre vie qu’ils ne pourront pourtant arracher qu’eux-mêmes, par leur propre organisation.

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